A l’occasion de reprise de la production du Vaisseau fantôme créée en octobre 2013 au Wagner Geneva Festival, François-Xavier Roth, à la tête des Siècles, nous en proposera une version sur instruments d’époque.
Il existe deux version du Vaisseau fantôme. Ce soir vous allez diriger l’opéra dans sa version la plus rare, celle de Paris. Quelles sont les différences avec celle de Dresde ?
Il s’agit de la première version de l’oeuvre, la musique est organisée différemment et les trois actes s’enchaînent dans seul tenant. L’intrigue a lieu en Écosse au lieu de la Norvège et les noms de certains personnages changent.
Dans la version de Dresde, Wagner a fait des changements dans la musique et ajouté plus de respirations. Cet opéra a été composé en 1841 et, avec l’orchestre, nous allons restituer le son que Wagner a pu entendre grâce aux instruments d’époque. Le public aura ainsi l’occasion d’écouter des instruments rares comme l’ophicléide basse, qui appartient à la famille des cuivres.
Les Siècles est un orchestre de collectionneurs d’instruments d’époque. Qu’est-ce que cela peut apporter à l’opéra de Wagner ?
Nous travaillons beaucoup sur la musique du XIXe, notamment celle de Berlioz. Nous avons une très grande connaissance des instruments de l’époque et par leur biais nous nous apercevons que le rapport avec la musique change énormément. La musique du Vaisseau fantôme est forte et violente et, avec les instruments modernes, cette puissance peuvent devenir assourdissante et problématique. En utilisant des instruments du XIXe, non seulement le poids de l’orchestre change par rapport aux chanteurs en instaurant un vrai équilibre mais surtout on y retrouve de nouvelles couleurs et de nouvelles informations sur les tempos.
Que souhaitez-vous mettre en avant dans la partition de Wagner ?
Le plus important pour moi est d’essayer de retrouver le souffle du compositeur au moment de la composition. En 1841, Wagner était un jeune compositeur et le Vaisseau est considéré comme son premier opéra, par sa forme dramaturgique, sa variété et ses contrastes extraordinaires. La restitution des oeuvres est très assumée, le rôle de l’interprète est de faire entendre le compositeur, car on a un pacte moral avec lui. Je regarde aussi l’œuvre dans son contexte historique : nous avons travaillé avec un expert sur la diction allemande de l’époque, qui, par ailleurs, est très proche du théâtre expressionniste. J’ai également travaillé avec des musicologues et fait des recherches, comme je l’avais fait pour le Sacre du printemps.
Comment votre démarche se marie-t-elle avec la mise en scène ?
La mise en scène est atemporelle et suit la musique. La mise en scène est très intéressante et innovante : peu de personnages sont réels, tout est un rêve.
C’est la première fois que vous dirigez Wagner. Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce compositeur ?
L’oeuvre de Wagner n’est pas facile, c’est vraiment un univers à part. J’ai choisi le Vaisseau car c’est son premier opéra et il me semblait idéal pour commencer, je ne sais pas si j’en dirigerai d’autres, mais j’avoue que j’ai envie d’aborder également Tristan et Isolde et Parsifal. Je m’intéresse effectivement au geste de ce compositeur, mais il faut aussi avoir les conditions pour le faire, comme avoir un orchestre, des chanteurs et un metteur en scène, tous prêts à relire une œuvre de cette manière.
Que diriez-vous au public pour l’encourager à voir ce spectacle ?
Le Vaisseau fantôme est peut-être l’opéra rêvé pour une première fois : la musique est riche et vous prend aux tripes, l’histoire est pleine d’action, l’écriture est épique et mélancolique à la fois, et ça ne dure que 2h15. Je dois aussi dire que cette version est très intéressante et bénéficie d’une distribution exceptionnelle.