Au programme de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet: Ô Mon bel inconnu, oeuvre conjointe de Sacha Guitry pour le texte et Reynaldo Hahn pour la musique, pour une série de 7 représentations, du 7 au 16 avril 2023. Émeline Bayart donne de cet ouvrage une version claire, sensible, et bien rythmée.
Ô Mon Bel Inconnu est une opérette créée au Théâtre des Bouffes-Parisiens le 5 octobre 1933, genre d’ouvrage à mi-chemin entre le théâtre et l’opéra, la pétillance légère en sus. L’oeuvre proposée par l’Athénée respecte les codes avec l’humour en demi-teinte du librettiste, la délicatesse et l’élégance du compositeur.
En 1933, Guitry et Hahn venaient de triompher pour leur “Mozart”. Ils ont eu l’idée de poursuivre leur collaboration artistique en imaginant cette comédie en musique qui se souvient des années folles.
Pour tromper l’ennui d’une vie conjugale un rien monotone et conventionnelle, le chapelier Prosper Aubertin passe une petite annonce coquine et bien sûr, anonyme. Elle va déclencher des réponses inattendues : contre toute attente, c’est sa femme Antoinette, sa fille Marie-Anne et sa domestique Félicie qui vont lui répondre….



Sur ce canevas, Reynaldo Hahn tisse une heure de musique raffinée et pleine d’humour. L’orchestration est légère, séduisante et donne la réplique à la verve de Guitry. On aimerait parfois qu”il y ait plus de musique… mais c’est la loi du genre.
La mise en scène est assurée par l’une des comédiennes-chanteuses, Émeline Bayart. Elle interprète avec brio le rôle de Félicie, la domestique, qui, pour sa tentative de séduction, se transformera en Comtesse. Arletty incarna Félicie lors de la création.
Émeline donne de cet ouvrage une version claire, sensible, bien rythmée et dépourvue des écueils qui guettent souvent ce genre lyrique. Pas d’hystérie, pas de pantalonnades, juste le plaisir (partagé) de faire rire avec une pointe de tendresse et de mélancolie.



Il est vrai aussi qu’elle dispose d’une distribution en tous points remarquable, et très homogène : Marc Labonnette campe un Prosper épatant de verve, Clémence Tilquin est une superbe Antoinette, en séduisante épouse du chapelier.
Il en est de même pour les autres protagonistes : la Marie-Anne de Sheva Tehoval, fille du couple en débutante attendrissante. Le jeune premier de l’ouvrage est Claude, incarné avec élégance par le baryton Victor Sicard. Le ténor Jean-François Novelli, quant à lui, crée un ébouriffant Jean-Paul soupirant d’Antoinette, ainsi qu’un énigmatique à souhait Monsieur Victor, propriétaire de la maison de Biarritz. C’est là que tout ce monde se retrouve au 3ème et dernier Acte. Enfin, interprétation réussie de Carl Ghazarossian dans le rôle muet durant les deux premiers actes de Hilarion Lallumette ; il recouvre la voix au dernier acte…



Il faut associer à cette réussite Anne-Sophie Grac pour les décors et les costumes, ainsi que Joël Fabing pour les lumières.
Le jeune et talentueux orchestre des Frivolités Parisiennes – qui va prendre la saison prochaine les rênes de l’Opéra de Reims – joue dans son jardin sous la baguette amusée et dynamique de Samuel Jean, et embellit la soirée.



Ce spectacle, qui se prolonge jusqu’au 16 avril, a été donné en décembre dernier à l’Opéra de Tours qui, avec celui de Normandie, du Grand Avignon, de Rouen et de Massy, en assure la coproduction.
La production déléguée est assurée par le Palazzetto Brun Zane- Centre de musique romantique française. Ce dernier a réalisé un très bel enregistrement de l’ouvrage en livre-disque pour la collection Opéra français.