Concours de Genève © Anne-Laure Lechat
Concours de Genève © Anne-Laure Lechat

Concours de Genève : deux “jeunes premiers”

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Pour sa 73e édition, le Concours international de Genève était consacré au piano. Depuis le 29 octobre, de nombreux pianistes venus des quatre coins du monde ont délecté le public et le jury genevois d’une musique de grande qualité. Quinze jours et une quarantaine de candidats plus tard, deux pianistes se distinguent et se partagent la première place sur ce podium renommé : Théo Fouchenneret et Dmitry Shishkin.

 

Finale du Concours de Genève. Jeudi 8 novembre. Victoria Hall, Genève. Les pas déterminés des trois finalistes résonnent dans une salle comble et haletante. Le chef d’orchestre Peter Oundjian se faufile dans l’ombre du soliste qui sert la main du premier violon, avant que les musiciens de l’Orchestre de la Suisse Romande n’inspirent ensemble pour formuler les premières notes de cette finale tant attendue. Et ce rituel millimétré s’est répété trois fois sans dérèglement. Pourtant, ce sont des musiciens différents, le jury le sait et le public le sent. Impossible de confondre le toucher délicat du thaïlandais San Jittakarn dans le Troisième concerto de Beethoven, la technique sans failles du russe Dmitry Shishkin dans le Troisième concerto de Prokofiev et la maturité musicale du français Théo Fouchenneret dans le Troisième concerto de Bartok.

Outre leur concordance sur cette curieuse trinité, ils regardent tous vers une direction commune : celle de la ligne d’arrivée. Car à l’image des grands sportifs, un concours de cette envergure est une préparation mentale et physique, une mise en condition de longue haleine et un travail d’une régularité sans concession. Sur les 248 pianistes inscrits, le jury de présélection en choisi 48. 41 se sont présentés aux tours éliminatoires, 16 arrivent au deuxième tour, 8 sont retenus pour la demi-finale et 3 seulement ont l’occasion de jouer leur répertoire jusqu’au bout. Après deux semaines d’autarcie et de stress renouvelés, nos trois solistes foulent donc la scène genevoise pour la quatrième fois, pour un ultime moment de musique. Ne nous méprenons pas, un concours international pour un musicien classique ne constitue pas une fin en soi, il n’est qu’un moyen, la promesse d’un après musical riche et lustré. Aussi les pianistes se dirigent-ils vers leur clavier la « gagne » dans l’âme mais surtout la musique dans la tête, et l’envie pressante de la faire s’épanouir.

Tout au long du concours, il leur fallait dépasser la mécanique propre à leur pratique instrumentale pour se distinguer. Le répertoire aussi se porte garant de leur personnalité musicale. A partir d’une liste d’œuvres au choix, les candidats ajoutent un programme libre à chaque épreuve, dans lequel ils sont priés de faire preuve d’originalité. L’occasion leur est donnée de jouer en solo bien sûr, mais également en musique de chambre avec le Quintette pour piano et instruments à vents de Mozart en demi-finale et avec orchestre pour la dernière et redoutable épreuve des concertos.

Joaquín Achúcarro (Espagne) préside cette assemblée bienveillante mais impassible composée de six membres : Hortense Cartier-Bresson (France), Peter Donohoe (Grande-Bretagne), Kei Itoh (Japon), Björn Lehmann (Allemagne), Cédric Pescia (Suisse) et Andrei Pisarev (Russie). C’est finalement un premier prix ex-aequo qui est attribué à Théo Fouchenneret et à Dmitry Shishkin. Cette égalité dévoile alors un déséquilibre car sans deuxième prix décerné, le thaïlandais San Jittakarn se retrouve troisième sur le podium. Ecarté de la rivalité entre les deux vainqueurs, trop antagonistes d’ailleurs pour s’essayer ensemble au quatre mains, le thaïlandais aura fait preuve de finesse, mais c’est la rigueur russe et la poésie française qui auront trouvé plus de grâce aux yeux des jeunes, du public, et des membres du jury.

 

Le site du concours : https://www.concoursgeneve.ch

Irène suit une formation musicale complète au sein de la maîtrise de Radio France, puis dans les conservatoires de région parisienne en piano et en classes d’érudition. Après une licence de musicologie à l’université Sorbonne Paris IV, elle intègre le cycle master d’Analyse et d’Esthétique au CNSMDP.

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