A l’occasion du festival Eeemerging 2017, six ensembles se sont produits les 7 et 8 octobre derniers à Ambronay, afin de voir leurs résidences artistiques reconduites
Dans le cadre de son académie baroque, le centre culturel de rencontre d’Ambronay soutient depuis 7 ans les jeunes ensembles européens émergents.
Eeemerging est le fruit de la collaboration d’un ensemble de partenaires : Ghislieri Musica de Pavie, l’Université nationale de musique de Bucarest, le festival international Händel de Göttingen, le Seviqc Brezice de Ljubljana, le Centre national de musique ancienne de York, le Centre de musique ancienne de Riga et la société de productions audiovisuelles Ozango de Strasbourg.
Dans le but d’accompagner les jeunes dans leur professionnalisation, Eeemerging sélectionne chaque année les ensembles les plus prometteurs et leur offre des formations spécialisées, l’opportunité de se produire en concert et de diffuser leur musique via le numérique, ensuite pour les deux meilleurs, la possibilité d’enregistrer un album.
A l’occasion du festival Eeemerging 2017, les 6 ensembles en résidence de l’année étaient sur la scène du festival d’Ambronay, devant un jury de professionnels, afin de sélectionner les quatre qui pourront continuer la résidence. Le public aussi a eu le droit de voter et de faire part ainsi de son coup de coeur.
Pendant les deux jours du festival, nous avons donc découvert : Castello consort, 4 times baroque, Il quadro animato, Il concerto di Margherita, La vaghezza et Continuu-m.
Castello consort
Le premier ensemble, Castello consort, dont les membres sont tous passés par le département de musique ancienne du Conservatoire Royal de la Haye, est spécialisé dans l’interprétation historiquement informée de la musique du XVIIème siècle. Ce quatuor comprend un violon (Elise van der Wel), un violoncelle (Anne-Linde Visser), un orgue (Henriëtte Wirth) et une saqueboute, ancêtre du trombone, jouée par Mathijs van der Moolen.
Castello consort nous offre un parcours à travers l’évolution de la sonate, vers la modernité et la virtousité, avec des œuvres de compositeurs italiens célèbres comme Frescobaldi, Stradella et Monteverdi et d’autres moins connus tels que Carlo Farina, Dario Castello et Marco Antonio Ferro. A ces pièces s’ajoute une improvisation écrite par Mathijs van der Moolen, d’après le Cantate Domino de Giovanni Gabrieli. Malgré un programme intéressant et une formation originale, on peine un peu à accrocher, mais on remarque tout de même le talent de ces jeunes artistes, en particulier celui de la violoniste, qui brille dans la Sonate en ré mineur de Stradella.
4 times baroque
Le quatuor 4 times baroque composé par Karl Michael Simko au violoncelle, Jan Nigges à la flûte à bec et à l’hautbois, Alexander von Heissen au clavecin et Jonas Zschenderlein au violon, se présente aujourd’hui sans ce dernier et en compagnie de la soprano Samanta Gaul.

Les trois instrumentistes montrent une très belle alchimie, mais elle n’est pas partagée avec la chanteuse qui, malgré son joli timbre, n’arrive pas à séduire le public. Cela est sûrement dû au choix d’un programme très long (45 minutes de chant) et demandeur. On remarquera en revanche le jeu dynamique de Jan Niggen et sa présence charismatique et vivifiante.
Il quadro animato
Il quadro animato se démarque par l’effort de présenter chaque pièce, en français et en anglais. Comme ils l’expliquent au public, leur programme “Anemos”, composé de sonates et quatuors de Toeschi, Janitsch, Quantz et Wolf, souhaite mettre en avant le pouvoir sur l’âme de la musique, cet art qui ne vit que lorsqu’elle est jouée.
Flora Fabri au clavecin, Isabel Müller-Hornbach au violoncelle, Francesca Venturi Ferriolo à l’alto, Emanuele Breda au violon et Lorenzo Gabriele au traverso, relèvent le défi de jouer de manière historiquement informée, et même s’ils traversent quelques difficultés, dues par exemple au positionnement des instruments, nous en apprécions la démarche et le jeu engagé.
Il concerto di Margherita
Partant d’une recherche sur l’équilibre entre la voix et les instruments, Il concerto di Margherita fait une intéressante proposition artistique : un ensemble dont tous les membres chantent et jouent à la fois.
On retrouve Francesca Benetti à la théorbe, Ricardo Leitao Pedro à la guitare baroque, Rui Stähelin au luth renaissance, Giovanna Baviera à la viole de gambe et Tanja Vogrin à la harpe.
Si la technique vocale n’est pas homogène, car seulement Tanja Vogrin a fait un véritable cursus en chant lyrique, l’idée marche plutôt bien, et l’alternance de soli, duos, trios et tutti à la voix comme aux instruments, rend le concert très varié et entraînant. On remarquera le très réussi Dolci miei sospiri de Monteverdi et les intéressantes Diminutions par viole de gambe, composées par Giovanna Baviera, sur la base du madrigal Cara la mia vita de Giaches de Wert, avec lequel elles sont mises en miroir.
La vaghezza
Dès les premières notes, on remarque la qualité du jeu de La vaghezza, qui apparaît bien plus expérimenté que les précédents.
Victoria Melik et Mayah Kadish aux violons, Anastasia Baraviera au violoncelle, Gianluca Geremia au luth et Marco Crosetto au clavecin et à l’orgue, forment un ensemble très soudé et nous offrent une performance engagée et entraînante.

Les trois pièces choisies : Harmonia Artificioso-Ariosa de Heinrich Ignaz Franz Biber, la Sonate n°1 en sol mineur RV 73 de Vivaldi et la Sonate en trio en do majeur BWV 529 de Bach, se marient très bien et forment un parcours musical cohérent et rythmé. On remarquera aussi l’attention à la couleur, que l’on retrouve dans le contraste entre les deux violons, l’un à la sonorité chaleureuse, l’autre plus brillante.
Continuu-m
L’ensemble Continuu-m a proposé un programme alternant musique vocale et instrumentale et jouant sur le contraste entre répertoire baroque et contemporain.
Après une première pièce où Elfa Run Kristinsdottir (violon), Daniel Rosin (violoncelle) et Elina Albach (clavecin) ont montré leur grande complicité, c’est à Marie Louise Werneburg (soprano) de les rejoindre sur scène. Si sa voix demeure un peu froide au début du concert, elle prend ensuite de l’aise et s’épanouit, nous séduisant avec la délicatesse de son timbre.
La violoniste Elfa Run Kristinsdottir nous offre une magnifique interprétation du difficile premier des 6 Caprices pour violon de Salvatore Sciarrino, et surprend les auditeurs en le jouant immédiatement après le morceaux précédent, depuis l’arrière de la salle. Elle rejoint ensuite sur scène le reste de l’ensemble pour les dernières pièces dont le fascinant Traumwerk 5 de James Dillon.
En parfait accord avec l’avis du jury, le prix du public est remis à La vaghezza, qui a séduit par la qualité et l’élan de son interprétation. Les autres 3 ensembles sélectionnés sont Il Concerto di Margherita, Il Quadro Animato et 4 Times Baroque, qui pourront continuer la résidence pendant une année.