Le 8 mars, le Festival du Printemps des Arts de Monte-Carlo a inauguré son édition 2023, la deuxième sous la direction du compositeur Bruno Mantovani. Classicagenda était présent au week-end d’ouverture et continuera à écrire sur le festival dans les semaines à venir.
« Ma fin est mon commencement ». C’était avec cette devise qu’en 2022 le compositeur Bruno Mantovani a lancé sa première saison en tant que directeur artistique du Festival du Printemps des Arts de Monte-Carlo. Cette phrase énigmatique n’était pas seulement le titre du rondeau de Guillaume de Machaut qui ouvrait le premier concert, elle représentait aussi l’engagement de Mantovani d’explorer les liens entre des œuvres d’hier et d’aujourd’hui.
Le titre de la saison 2023 est « Ma fin est mon commencement-Opus 2 », car cette année de nombreux concerts explorent la notion d’évolution stylistique, notamment en programmant les premières et dernières œuvres de compositeurs. D’autres concerts sont conçus autour du thème curieusement englobant « Musique d’Amérique et d’ailleurs ».
Comme c’est souvent le cas au Printemps des Arts, les concerts les plus passionnants sont ceux qui résistent à toute classification. C’est ainsi que le 12 mars le festival a présenté l’un de ses programmes les plus originaux de musique peu connue de Felix Mendelssohn pour chœur et orchestre, interprétée par Laurence Equilbey et son chœur accentus (37 chanteurs) et Insula orchestra (50 musiciens).

La première partie du concert consistait en quatre œuvres sacrées de Mendelssohn : deux pour chœur et orchestre et deux pour chœur a capella. Plutôt que de les interpréter séparément, Equilbey est passée d’une œuvre à l’autre, sans interruption, ce qui a permis au public de mieux se pénétrer de ces compositions parfois fragmentaires, comme c’est le cas de l’œuvre principale de ce concert, l’oratorio Christus, op. 97, qu’Equilbey a divisé en deux parties, insérant au milieu le motet Herr, nun lässest Du deinen Diener in Friede fahren, op. 69 n° 1.
L’engagement de faire dialoguer la musique du passé avec celle de notre temps est au cœur de la philosophie de ce festival. L’œuvre moderne choisie pour être juxtaposée avec la musique de Mendelssohn était un extrait du motet Fragmenta Passionis (1968) de Wolfgang Rihm (1952-). Plutôt que d’interpréter cette œuvre au début du concert, Equilbey l’a insérée au milieu des œuvres de Mendelssohn, produisant un choc stylistique du plus bel effet. Par ailleurs, le motet de Rihm met l’accent sur le moment cruel entre tous dans la passion du Christ quand la foule réclame sa crucifixion, répétant la phrase « Kreuzige, kreuzige, ihn ! » (Crucifie-le !), passant d’un chuchotement conspirateur à des hurlements sauvages. Lorsque cette même phrase réapparaît dans le Christus de Mendelssohn, le lien viscéral entre ces deux compositeurs allemands mettant en musique le même texte à un siècle et demi d’intervalle est frappant. Ce genre de merveilleuses découvertes musicales n’est que l’une des raisons pour lesquelles on revient toujours avec plaisir au Printemps des Arts.
La seconde partie du concert était consacrée à la cantate Die erste Walpurgisnacht, op. 60 de Mendelssohn. Les musiciens du superbe Insula orchestra ont interprété l’ouverture de cette œuvre avec brio, en particulier les imitations d’éclairs en forme de gammes rapides dans les cordes. Parmi les solistes vocaux, le baryton Thomas Oliemans s’est distingué par son interprétation sensible. L’alto Hilary Summers, chantant sans partition était si émouvante dans son court air « Konnt ihr so verwegen handeln ? » (Pouvez-vous montrer tant de témérité ?) que pour un bref moment on se croyait à l’opéra. Le chœur accentus était tout aussi impressionnant que l’orchestre et les solistes vocaux, un ensemble qui est sans égal autant pour son expressivité que pour la transparence de texture des lignes vocales.
Il est rare de pouvoir écouter un programme complet Mendelssohn sans avoir l’impression que l’on connaît les œuvres déjà par cœur, tant elles sont jouées. Le public reconnaissant a été récompensé par un bis consistant en un court extrait de la Cantate sur la mort de Joseph II, WoO 87, de Beethoven, dans lequel le hautbois solo Jean-Marc Philippe a reçu des applaudissements bien mérités.