A l’occasion de la 13ème édition du Biarritz Piano Festival, qui a eu lieu du 26 juillet au 12 août, nous avons écouté trois concerts ; les deux récitals des jeunes pianistes Julie Alcaraz et Jonathan Fournel, et le spectacle du fameux duo humoristique Igudesman & Joo.
Mondialement connue pour ses plages et la pratique du surf, Biarritz devient, au cours du second empire et sous l’impulsion de l’impératrice Eugénie, une cité balnéaire, et la villégiature de la famille impériale comme de l’aristocratie européenne, en particulier russe.
Les falaises de calcaire et de grès donnent à la ville tout son charme et tranchent avec les grandes étendues de plages des Landes, qui s’étendent jusqu’à Anglet, jouxtant Biarritz. De magnifiques points de vue sur l’océan et sur les paysages montagneux de l’arrière-pays s’offrent aux promeneurs arpentant la cote biarrote. L’architecture de la ville offre un curieux mélange où le style traditionnel basque côtoie le style Néo-basque et Art Déco. Aujourd’hui, la ville attire un tourisme cosmopolite, voyant sa population passer de 25 000 à plus de 100 000 habitants chaque été.
Le 2 août à 11h dans la rotonde de l’Espace Bellevue, Julie Alcaraz, pianiste d’origine espagnole, entre en scène vêtue de couleur rouge, comme un avant-goût de son programme Ibéria d’Albeniz. Nostalgique et plein de couleurs, le jeu de la pianiste séduit d’emblée le public de Biarritz en leur offrant une douceur matinale au début du récital ; au fur et à mesure elle nous entraine vers un voyage au pays andalou. Ce monument pianistique met à l’épreuve les interprètes. Mais chants, respiration, danses, tels sont les éléments que le public ressent dans son jeu si élégant.
Voici ce que dit la pianiste de son projet :
« J’ai découvert cette œuvre grâce à Olivier Chauzu (lors de mes études au CRR de Bayonne) qui en a enregistré l’intégrale dans le début des année 2000. C’est un fabuleux pianiste franco-gréco-espagnol et l’entendre dans cette œuvre m’a beaucoup inspirée.
Je me sens très proche de cette musique et de ce compositeur, de son langage musical aussi lyrique et expressif que virtuose et passionné.
Je me sens très proche de cette musique et de ce compositeur, de son langage musical aussi lyrique et expressif que virtuose et passionné. Je ne sais si mes origines “arabo-andalouses” y sont pour quelque-chose mais je me surprends à le rêver…
Je me suis plongée dans cet univers magique petit à petit, je l’ai approfondi dans la classe d’Hortense-Cartier-Bresson au CNSM de Paris, puis Denis Pascal, puis Jacques Rouvier au Mozarteum de Salzburg.
C’est Philippe Cassard qui m’a programmée et donné la chance de jouer l’intégrale en 2019 lors d’un festival à St-Savin-sur-Gartempe. Ce fut une expérience aussi riche qu’unique. La Covid n’ayant pas arrangé les choses, ce projet devrait je l’espère naître l’année prochaine. »

Le récital de Jonathan Fournel était une soirée très attendue des amoureux du piano en pays basque. Vainqueur de la dernière édition du prestigieux Concours International Reine Elisabeth de Bruxelles, il a bénéficié dès son apparition sur scène d’un accueil chaleureux et passionné qui a rempli toute la rotonde de l’Espace Bellevue. Baigné d’une lumière de crépuscule, le lieu dégageait une atmosphère particulièrement poétique qui annonçait un beau programme des deux compositeurs romantiques : la 3e Sonate de Chopin Op.58 et la 3e Sonate de Brahms, Op.5, ses deux chevaux de bataille en ce moment, étaient en effet au programme de Jonathan Fournel. Dès les premières notes, le mouvement Allegro Maestoso sonne avec autant d’assurance et de fougue que de délicatesse sous les mains du pianiste. Après avoir balayé avec une vitesse remarquable le Scherzo molto vivace, qui est une sorte de mouvement perpétuel, le pianiste amène l’auditeur vers une couleur nostalgique très poétique dans le 3e mouvement (Largo).
Une certaine urgence artistique
Dans la deuxième partie du récital, nous avons écouté la 3e Sonate de Brahms, l’œuvre de son dernier enregistrement (label Alpha). La fougue, et aussi une certaine urgence artistique (Allegro maestoso, Scherzo-Allegro energico, Finale-Allegro moderato ma rubato) se ressentent constamment dans son interprétation. Jonathan Fournel met son adrénaline au service de l’œuvre de belle manière. Une transformation totale de l’ambiance se produit dans le mouvement Andante espressivo qui évoque un long monologue. Cette œuvre de jeunesse du compositeur allemand semble être aussi le portrait du jeune pianiste lui-même.
Le jeune virtuose n’hésite pas à mettre en évidence les diverses facettes des deux sonates. Le mot d’ordre qui guide son interprétation durant le récital est décidément ce « contraste ».
Le concert du 4 août au Théâtre du Casino était un moment de « Classique autrement ». Le duo formé de Hyung-Ki Joo et Aleksey Igudesman, qui se produit avec leurs propres conceptions du théâtre humoristique, est à son troisième spectacle « Play It Again » après le succès mondial de « Little Nightmare Music » et « And now Mozart ». Les deux humoristes composent leur programme à partir des grands standards du classique, et à partir de là ils n’hésitent pas à inventer des sketchs et improviser (ou bien simulent habilement l’improvisation). Le public de Biarritz est décoiffé par leur humour et l’inventivité de leur spectacle.
La programmation éclectique du festival attire le public de différents horizons. Classique, jazz et musique actuelle alternent et se côtoient sans aucun problème. Les mélomanes en tenue de vacances sont décontractés pour goûter le plaisir de cette diversité comme un menu de dégustation. Le témoignage de Lionel, spectateur, le résume ainsi :
« J’ai beaucoup aimé assister à ce festival car il m’a permis de voir des artistes que j’admire depuis longtemps comme Anne Queffelec mais aussi de faire des découvertes comme ce pianiste aveugle incroyable Nobu Tsujii ou bien Jonathan Fournel. J’ai également adoré le concert de Thomas Valverde sur les marches de la Côte des Basques. Autant d’univers et de talents en un temps si court, c’est admirable. »