Diego Salamanca / La Sainte Folie Fantastique
Diego Salamanca / La Sainte Folie Fantastique © Myriam Rignol

Goût français et stylus fantasticus

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À l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de Johann Jakob Froberger, la Fondation Royaumont a organisé un colloque international dédié à ce grand visionnaire du clavier du XVIIe siècle. Dans le cadre du Festival, des artistes de renom tels que Andreas Staier, Jean-Luc Ho et l’ensemble la Sainte Folie Fantastique, ont été invités pour nous faire explorer son œuvre, le temps d’un week-end.

 

Dimanche 10 octobre à l’abbaye de Royaumont, Jean-Luc Ho et l’ensemble la Sainte Folie Fantastique ont proposé un programme passionnant et varié autour de Johann Jakob Froberger.

Froberger est une figure dont la vie fascine encore aujourd’hui les chercheurs du monde entier. Ses nombreux voyages en Europe, coïncidant avec des troubles politiques, font soupçonner son double rôle artistique et diplomatique (à paraître demain : Les inédits de Froberger, compositeur diplomate) au service de l’Empereur Ferdinand III.

Après un début de carrière en tant qu’organiste à la Cour de Vienne, le compositeur allemand avait étudié auprès du célèbre Girolamo Frescobaldi à Rome, pour ensuite voyager à Paris, Londres, Dresde et Ratisbonne. Cette vie riche en rencontres et en échanges musicaux (Louis Couperin, Jacques Champion de Chambonnières, Denis Gaultier, Giacomo Carissimi, Matthias Weckmann,…) a fait de sa production pour clavier une synthèse entre styles allemands, flamands, anglais, français et italiens.

Lucile Boulanger / La Sainte Folie Fantastique - Goût français et stylus fantasticus
Lucile Boulanger / La Sainte Folie Fantastique © Neuillé

La Sainte Folie Fantastique a donc proposé une série de cinq suites de danse, mêlant des œuvres de différents compositeurs, entre autres Couperin, de Chambonnières, Denis et Ennemond Gaultier, Huygens, Dubuisson, Mouton et, bien évidemment, Froberger.
L’ensemble nous a ainsi fait découvrir l’organisation de la Suite de danse au XVIIe siècle, avant sa formalisation. En effet, à l’époque, les musiciens pouvaient composer librement une suite (appelée également ordre ou partita) en se servant d’un répertoire de pièces de danse regroupées par tonalité et par genre. En respectant cette démarche, Lucile Boulanger (viole de gambe), Arnaud de Pasquale (clavecin) et Diego Salamanca (luth) se sont succédé sur scène, chacun dans une suite différente, pour ensuite se retrouver en trio.

Pour la deuxième partie du concert, nous nous sommes retrouvés en compagnie du claveciniste et organiste Jean-Luc Ho — qui en 2015 avait enregistré à Royaumont six partite de Johann Sebastian Bach… sur six clavecins différents !
Ce dimanche, sur la scène se trouvait un instrument étonnant : un clavecin vertical, dit Clavicythérium. Cet instrument rare, dont un exemplaire se trouve au Musée de la musique à Paris, est un clavecin dont la table d’harmonie et les cordes sont montées à la verticale afin d’avoir un gain de place et de permettre à l’interprète, assis en face de l’instrument, de mieux profiter de sa sonorité.

Le mécanisme du clavicythérium est plus complexe que celui du clavecin. Se déplaçant à l’horizontale les sautereaux ne bénéficient pas de la gravité et nécessitent d’être attachés à une sorte d’équerre pour retrouver leur position initiale. Par rapport à un clavecin habituel, on contrôle moins le son, qui est plus à l’extérieur de l’instrument.

« Il faut donc prendre en compte la résonance, la gestion des tempi et de l’articulation, qui sont beaucoup plus importantes sur ce genre d’instrument » expliquait Jean-Luc Ho dans un entretien diffusé par Culturebox.  » Il a beaucoup de choses en commun entre le jeu de l’orgue et du clavecin vertical » il rajoute, « puisque une des choses les plus passionnantes c’est la conscience du son hors de l’instrument et le travail à faire avec l’acoustique et la résonance du son une fois sorti de l’instrument ».

A travers une sélection de pièces de Froberger, Tresure, Kerll, Jakob et Weckmann, Jean-Luc Ho nous a donc amenés à la découverte d’une nouvelle sonorité en illustrant de manière convaincante le Stylus Fantasticus, un style de composition instrumentale encourageant l’improvisation et la virtuosité.

Le jeune claviciniste a fait preuve à la fois de grande imagination, dans les parties les plus « libres », délivrées des contraintes du texte et du fil mélodique ; et de précision, dans les sections les plus codées et les plus rapides.
La polyphonie de ces pièces, que malheureusement on écoute rarement, a splendidement été mise en valeur, tout comme les sonorités de cet instrument inhabituel et pourtant très séduisant.

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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