Après Luisa Miller de Verdi, dirigé par Massimo Zanetti et mis en scène par Jean-Claude Fall en novembre dernier, me voici de nouveau à Liège. Cette représentation à l’Opéra Royal de Wallonie suscite comme toujours un plaisir tout particulier : l’ambiance intime et conviviale de cette salle à taille humaine me réjouit systématiquement, et c’est avec bonheur que j’assiste à la dernière représentation de cette nouvelle production de l’Elixir d’amour.
Dès sa création au Teatro della Canobbiana à Milan le 12 mai 1832, L’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti remporte un succès absolu : une histoire bien construite, des airs fédérateurs, des chanteurs d’exception et un titre intriguant. Aujourd’hui, cette oeuvre, achevée en moins de quinze jours, est une de ces valeurs sûres qui remplissent les salles.
Dans l’Amérique de la ruée vers l’or imaginée par Stefano Mazzonis di Pralafera, sherifs, cow-boys et prostituées se mêlent dans un saloon dont le pianiste n’hésite pas à faire retentir des nocturnes de Chopin ou les tubes d’Ennio Morricone. Dans ce décor à la Lucky Luke, on est ébouriffé par le dynamisme bigarré, parfois absurde, des situations, les allusions littéraires et cinématographiques qui se glissent à chaque tableau, les idées nouvelles qui donnent un peu de consistance au livret de Felice Romani.
La belle Adina, vêtue d’une robe exagérément corsetée, de couleur orange brique et ornée de volants ostentatoires qui semble représenter son côté frivole et capricieux, lit Tristan et Iseult. Maria Grazia Schiavo est une Adina pleine de fraîcheur. Espiègle, elle cache bien ses sentiments mais n’est pas pour autant insensible à la sincérité de Nemorino, jeune fermier naïf et timide incarné par le ténor Davide Giusti.
Mais le vrai maître de la soirée est la basse roumaine Adrian Sampetrean, qui, dans sa veste à franges et sous sa perruque blonde, tout droit sorti de Las Vegas, est un Dulcamara haut en couleurs, gagnant sans peine tous les badauds à la cause de son élixir d’amour.
Sous la baguette de Bruno Campanella, l’orchestre sait colorer les plus beaux airs (le fameux “Una furtiva lacrima”) et jouer avec la partition explosive de Donizetti. Le piano-forte accompagne intelligemment les récitatifs, qui ne manquent pas d’énergie, et font avancer l’action dans un débordement d’enthousiasme et d’humour.
L’elisir d’amore
Melodramma giocoso en 2 actes de Gaetano Donizetti
Livret de Felice Romani d’après Le Philtre d’Eugène Scribe
Opéra Royal de Wallonie, Liège
Distribution :
Bruno Campanella
Stefano Mazzonis di Pralafera
Maria Grazia Schiavo
Davide Giusti
Julie Bailly
Adrian Sâmpetrean
Laurent Kubla
Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie