Jusqu’au 16 juillet, le Théâtre de Poche Montparnasse propose une oeuvre écrite à quatre mains, “Histoire du Soldat” de Ramuz et Stravinski qui, mêlant musique et théâtre, nous fait partager les errements d’un jeune soldat, et en profite pour nous faire réfléchir sur le destin et le sens – ou le non-sens – de nos désirs.
Le Théâtre de Poche Montparnasse a eu la bonne idée de monter ce printemps, à l’occasion du centenaire de sa création (le 29 septembre 1918, sous la direction d’Ernest Ansermet…), Histoire du Soldat, fruit de la collaboration, en 1918, de l’écrivain suisse d’expression française Charles-Ferdinand Ramuz et du compositeur russe Igor Stravinski.
Histoire du Soldat se présente comme une œuvre inclassable, mi- théâtre, mi- musique, sans que jamais l’un ou l’autre de ses composants ne prenne le dessus sur l’autre, une sorte de “théâtre musical”… avant l’heure. Destinée initialement aux tréteaux d’une troupe itinérante de musiciens et de comédiens imaginée un temps par les deux créateurs de l’œuvre, Histoire du Soldat nous est proposée selon une dramaturgie qui dépasse de loin le mimodrame et met en mouvement efficacement cette histoire inspirée d’un recueil de contes populaires russes de l’écrivain russe Afanassiev.
Cette Histoire du Soldat conte la rencontre – nécessairement fatale – d’un jeune soldat permissionnaire ( qui deviendra déserteur) avec le Diable, à qui il va – sous la pression fourbe du Malin – vendre son violon – autrement dit son âme – en échange d’un livre “coffre-fort” dans lequel il pourra obtenir le chemin de la richesse….
Cette Histoire qui – on l’aura compris – relève du mythe faustien, est une œuvre courte et dense, comportant trois personnages parlants (le Lecteur, le Soldat, le Diable) et un personnage muet (la Princesse), le tout accompagné par un orchestre – façon bastringue – animant cette partition qui puise à plusieurs sources (dont le jazz), partition bigarrée, âpre, étonnante de modernité.
Cette musique, d’une grande richesse rythmique, souvent dissonante et aux timbres ironiques, parfois désespérés, est servie par une batterie d’instruments à vent (basson, cornet à pistons, trombone, clarinette) encadrée par un percussionniste, une contrebasse et enfin un violon – à partir duquel, d’ailleurs, certaines versions de l’œuvre sont dirigées (notamment celle qui fut enregistrée par le violoniste Shlomo Mintz).
La mise en scène de Stéphan Druet, limpide et claire, met subtilement en valeur la poésie de Charles-Ferdinand Ramuz, son questionnement et son humour.

Le Lecteur (qui, dans cette version, est également ici le conteur – auteur du récit) est interprété avec autorité et élégance par Claude Aufaure, le Soldat, tout en innocence égarée, par Fabian Wolfrom, candide infortuné. Licinio Da Silva , le Diable, donne avec bonheur à son personnage maléfique un profil à la Chaplin, doté d’humour, coloré d’ironie et de menaces.
Enfin, surgit à la fin de l’œuvre, la Princesse incarnée par une danseuse (Aurélie Loussouarn) tel un fantôme blanc irréel, comme une idée du bonheur perdu à jamais.
L’Orchestre Atelier Ostinato, placé sous la direction musicale de Jean-Luc Tingaud, assisté, en alternance, des chefs d’orchestre Olivier Dejours et Loïc Olivier, est présent sur scène durant toute l’œuvre, en uniforme de l’armée française du début de la première guerre mondiale (magnifiques costumes de Michel Dussarat). Il enveloppe en quelque sorte le drame tel un chœur antique et devient le complice actif et impliqué de ce récit en forme de conte philosophique.
Un spectacle à ne pas rater.
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h, jusqu’au 16 juillet.
Théâtre de Poche-Montparnasse