Le “Conservatoire à Rayonnement Régional” (CRR) de Paris, rue de Madrid, a accueilli le vendredi 10 novembre 2023, la recréation du dernier opéra du Régent Philippe d’Orléans, “Penthée”, en coproduction du Centre de musique baroque de Versailles, le CRR de Paris et le CRR de Versailles Grand Parc.
Le compositeur de “Penthée” (créé en 1705), “tragédie en musique” — car on est en France et à cette époque c’est ainsi que l’on désigne un ouvrage lyrique profane — est Philippe d’Orléans (1674-1723). Petit-fils de Louis XIII et fils du frère cadet de Louis XIV, il est surtout connu pour avoir assuré la régence du royaume de France, au décès de ce dernier, de 1715 à 1723.
Il est par ailleurs notoire que Philippe d’Orléans, nonobstant sa vie tumultueuse, a été un important protecteur des Arts, et singulièrement des musiciens. Par contre, il est resté méconnu en tant que musicien et, de plus, compositeur.
La représentation, en version concert, de”Penthée” nous apprend que l’ouvrage méritait mieux qu’une simple curiosité musicologique et nous a révélé que le Régent était un vrai musicien. On l’aurait su plus tôt si l’intéressé n’avait pas souhaité maintenir expressément ses compositions dans l’anonymat, en interdisant leur publication.
Philippe d’Orléans a fait appel, pour le livret, à son ami le poète Charles-Auguste de La Fare (1644-1712) qui met en scène “ l’histoire tragique de “Penthée” (…petit-fils de “Cadmus” et désigné successeur du royaume de Thèbes) qui périt pour avoir douté de la divinité de Bacchus et méprisé la force de son amour” *.
Cette tragédie lyrique se déroule en un Prologue et cinq actes, durant environ 2 heures.
Elle requiert l’intervention de 10 solistes vocaux, d’un choeur mixte et d’un orchestre très fourni, dans lequel les violons et les altos se voient associés non seulement à une contrebasse, mais également, pour un continuo très substantiel, “complet”, deux basses de violon, deux violes de gambe, deux théorbes et un clavecin.
Les instruments à vent ne sont pas en reste, puisque sont présents quatre traversos, deux bassons, deux hautbois et une trompette.
La musique répond avec élégance aux codes de la tragédie lyrique: Prologue ” à la française”, récits, soli, duos, intervention du Chœur, etc…
Elle surprend parfois par son originalité et le choix de certaines tonalités qui peuvent paraître inhabituelles, mais destinées à exprimer plus vigoureusement la colère et la passion, notamment dans quelques duos passionnants pour leur intensité dramatique.
Certains passages du chœur annoncent, par l’ampleur de leurs phrasés, certaines pages de motets du milieu du XVIII ème siècle, tel ceux de Cassanéa de Mondonville.
On aura goûté certains moments de grâce: par exemple, quand les deux hautbois sont associés en solo aux deux bassons pour un délicieux petit concert; de même, intervention délicate et savoureuse du petit choeur (quatre sopranos, quatre hautes-contre), le tout ponctué par un vaillant percussionniste qui nous fera entendre tout au long de l’oeuvre, timbale, tambour, castagnettes, etc.. (*Benoît Lecomte).
Les solistes vocaux, issus de différents conservatoires, ont tous été très investis dans cette production, même si leur diction est inégale, et pour certains, difficile à comprendre, ce qui en l’absence de sur-titres, rend complexe le suivi dramatique de l’oeuvre. A noter les belles interventions de Sébastien Tonnel dans “Penthée”, la belle tenue vocale de tous, certains sans doute trop en retrait, mais l’engagement de tous efface toute réserve.
A noter, l’idée excellente -et mise en pratique- d’associer des élèves des classes de chant du CRR de Paris, de Rueil-Malmaison, du Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt, du CRR de Versailles Grand Parc et de Clamart, du CMBV, tant au niveau vocal qu’au niveau instrumental.
Une synergie stimulante conseillée artistiquement pour le style et la déclamation par Benoît Dratwicki du “Centre de musique baroque de Versailles” (CMBV).
Synergie évidente dans l’orchestre réuni pour cette occasion, cordes et vents au taquet.
Les Chantres du CMBV chantent dans un répertoire qui est naturellement le leur, autrement dit dans leur jardin: ils sont d’une belle homogénéité.
Enfin, cette recréation a été rendue possible grâce à la science du chef Fabien Armengaud, sa passion bienveillante, sa direction ferme et attentive, sans lesquelles elle aurait été vaine.
A quand une version scénique de “Penthée” ?
* Extrait du programme de salle, rédacteur Thomas Leconte du CMBV, savant et complet.
Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris (CRR)
Auditorium Marcel Landowski
vendredi 10 novembre 2023, 19h
“PENTHEE”
Tragédie en musique, en un prologue et cinq actes (1705)
Musique de Philippe d’Orléans (1674-1723)
Livret de Charles-Auguste de La Fare (1644-1712)
Rôles solistes: Etudiants des CRR de Paris, de Rueil-Malmaison, du Pôle supérieur de Paris Boulogne-Billancourt, et du Centre de musique baroque de Versailles CMBV
Chœurs: Les Chantres du CMBV
Orchestre Baroque Paris Île de France: Etudiants des CRR de Paris, Versailles Grand Parc, Boulogne-Billancourt, des CRD d’Orsay-Paris Saclay, Clamart, du Pôle supérieur de Paris Boulogne-Billancourt, et des conservatoires du réseau parisien.
Conseiller artistique: Benoît Dratwicki
Direction musicale: Fabien Armengaud
