Clara-Jumi Kang et Sunwook Kim © Marco Borggreve
Clara-Jumi Kang et Sunwook Kim

Sunwook Kim et Clara-Jumi Kang : rencontre avec deux musiciens venus du pays du matin calme

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A l’occasion d’un concert de musique de chambre au Théâtre des Champs-Elysées en janvier, nous avons rencontré Sunwook Kim et Clara-Jumi Kang, deux musiciens venus du pays du matin calme. Ils nous parlent, notamment, de leur album consacré à l’intégrale des sonates pour piano et violon de Beethoven.

Clara-Jumi Kang (violon), Edgar Moreau (violoncelle) et Sunwook Kim (piano) avaient déjà joué ensemble en mars 2022. Les mélomanes parisiens se souviennent très bien de leur osmose fantastique ressentie au Théâtre des Champs-Elysées notamment dans le deuxième trio de Chostakovitch. Les trois jeunes virtuoses se sont retrouvés cette année autour de la musique de chambre de Beethoven au même théâtre.

Sunwook Kim, vous êtes connu comme spécialiste de Beethoven. Votre album de l’intégrale des sonates pour piano et violon avec Clara-Jumi Kang concerne également le Maître de Bonn. Sunwook Kim, Clara-Jumi Kang, comment est né ce projet ?

S.K. : Il s’agissait avant tout d’un plaisir d’accomplissement personnel. Pendant le Covid, les concerts s’annulent et les artistes ont l’impression de perdre non seulement leur travail mais aussi leur identité. La vie des musiciens étant de jouer en public, « Travailler à domicile » n’existe pas (n’a aucun sens) chez les musiciens. Tout se passe sur scène.

En 2020, l‘année de 250 ans de Beethoven, nous avons enregistrés l’intégrale en 3 sessions.

Clara-Jumi et moi avons le même langage et la même vision sur l’univers de Beethoven et elle voulait aussi enregistrer les sonates de Beethoven. Mais l’enregistrement n’était pas un processus toujours évident pour nous, car vivre sur scène est essentiel pour les artistes. Nous avons besoin de sentir la présence du public et d’entendre sa respiration et son énergie. Le projet est né afin de combler et rattraper ce manque quelque part. C’était notre façon de fêter les 250 ans d’anniversaire du Maitre de Bonn.

C-L K. : Beethoven est un compositeur significatif pour nous deux depuis notre enfance. J’étais très contente que Sunwook soit d’accord pour mener ce projet de grande envergure avec moi. Puisque les sonates sont écrites pour piano et violon, je pensais qu’il était important de collaborer avec un(e) pianiste qui avait des choses à dire dans son interprétation de Beethoven. La lecture de Beethoven par Sunwook me paraissait évidente depuis mes années d’étudiante. Ce projet de collaboration avec lui a été un cadeau pour moi.

Que représente-t-il pour vous ce projet de l’intégrale Beethoven ?

C-L K. : Nous l’avons enregistrée en 2020, l’année choisie exprès pour le 250e anniversaire de Beethoven. Le Covid nous a empêché de nous produire sur scène, ce qui nous a permis de nous concentrer sur notre projet de l’album. J’ai beaucoup appris durant l’enregistrement de l’intégrale. J’en suis reconnaissante !

Sunwook Kim chef d’orchestre et pianiste © Marco Borggreve

Sunwook Kim, vous avez joué les 32 sonates pour piano. Vous avez aussi enregistré les trois dernières. Que disent pour vous ces sonates de Beethoven ?

S K. : Il y a environ 10 ans j’ai eu l’occasion de jouer les 32 sonates pour piano de Beethoven. Chacune des 32 comporte des caractéristiques bien distincts. Quand je les jouais selon l’ordre chronologique de composition, je pouvais constater l’évolution du processus d’écriture et la quête d’idéal du compositeur dans chacune des sonates. Il s’agit d’une biographie du Beethoven qui se donnait des challenges toute sa vie durant.

Il s’agit d’une biographie du compositeur.

Quand je joue les trois dernières, je les joue de suite sans interruption car harmoniquement les trois sont étroitement liées, et forment une architecture sonore unique.

Votre carrière de pianiste se transforme vers celle de jeune maestro de la baguette car vous êtes également chef d’orchestre depuis peu. Qu’est-ce qui a changé dans votre jeu de piano depuis que vous dirigez ?

S K. : J’ai fait mes débuts en tant que chef en Corée et en Angleterre où j’ai dirigé le Bournemouth Symphony Orchestra. J’y étais auparavant artiste résident donc ils m’ont connu d’abord comme pianiste. La direction d’orchestre implique le fait de gérer les gens, ce qui est une responsabilité importante. C’est une affaire de confiance entre humains. J’ai eu la chance de diriger les gens que je connaissais très bien grâce à mon statut artiste résident. Encore maintenant je suis connu comme pianiste plutôt que comme chef. Cela prendra un certain temps pour être considéré comme chef.

Encore maintenant je suis connu comme pianiste plutôt que comme chef.

Que ce soit au piano ou sur le pupitre de direction, le processus fondamental reste le même puisque l’objectif final c’est de faire de la musique. Ce qui est différent en revanche c’est que je peux réaliser avec orchestre ce que je ne pouvais pas exprimer par le piano. L’image du son devient possible avec l’orchestre. Il est un laboratoire gigantesque pour la création de couleurs sonores…

Clara-Jumi Kang
Clara-Jumi Kang

Clara-Jumi, vous avez collaboré récemment avec le maestro François-Xavier Roth. Pourriez-vous nous en parler ? Quels sont les caractéristiques de sa direction artistique ?

C-J K. : C’était une expérience absolument magnifique, une expérience difficile à décrire en mots. J’ai joué le 3e concerto pour violon de Camille Saint-Saëns (j’adore ce concerto !) sous sa direction. Grâce à lui, de multiples couleurs et de l’imagination ont été ajoutées dans mon jeu. Il est comme un magicien de son. Quand j’écoute son interprétation, j’entends plusieurs plans sonores avec différentes couleurs. C’est un chef très flexible qui laisse une certaine liberté aux solistes, donc je me sens libre.

Vous avez aussi joué l’intégrale des Sonates et des Partitas de J.S. Bach. Quel est votre prochain projet d’intégrale ?

C-J K. : Je joue l’intégrale des œuvres solo de Bach depuis 2019. Je ne sais pas encore exactement quand aura lieu l’enregistrement. Je ne voudrais surtout pas me presser et me stresser. Je ressens particulièrement que la musique de Bach murit au fil du temps. Plus je la joue sur scène mieux je retrouve de nouvelles idées musicales. Chaque interprétation sur scène enrichit mon interprétation.

Pour terminer, Sunwook Kim, parlez-nous de vos mentors. Un autre grand spécialiste de Beethoven Andras Schiff est-il votre artiste modèle ?

S K. : Dans ma vie j’ai eu deux professeurs importants : Kim Daejin, mon professeur pendant 10 ans durant mes années de jeunesse en Corée et Andras Schiff, mon mentor depuis que je vis en Europe. J’avais participé à sa masterclass pour les œuvres de Beethoven. C’est Andras qui m’a mis en contact avec la Maison de Beethoven à Bonn pour mes recherches sur le compositeur. Il m’a aussi appris la manière d’approcher la musique de Beethoven, l’expression et le développement du timbre et comment gérer la fluidité musicale.

 

https://sunwookkim.com/

https://www.clarajumikang.com/

 

Sunwook Kim et Clara Jumi Kang
Sunwook Kim et Clara-Jumi Kang

Passionnée de musique depuis son plus jeune âge et pianiste accompagnatrice, Marine partage ses émotions au travers de ses chroniques. Elle collabore en tant que rédactrice avec différents médias français et coréens spécialisés dans la musique classique. Diplômée du cursus professionnel « Administrateur / Producteur Projets Musicaux » à l’Université Paris X, Marine est conseillère artistique et développe divers projets artistiques.

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