Classicagenda a rencontré le Trio Hélios qui nous parle de sa genèse, de son dernier enregistrement D’un matin de printemps, de sa collaboration avec la mezzo-soprano Albane Carrère au Théâtre des Bouffes du Nord, et de son prochain disque tchèque Bohemia.
Votre dernier enregistrement de musique française est aussi lumineux que le nom de votre trio. Qu’est-ce qui vous a motivé pour enregistrer l’album « D’un matin de printemps » ? Quel est le fil conducteur qui lie Saint-Saëns, Ravel et Lili Boulanger ?
Un premier album, c’est en quelque sorte une première présentation officielle, et nous souhaitions en effet quelque chose de lumineux. Après avoir exploré plusieurs pistes, nous nous sommes assez naturellement tournés vers la musique française, avec en pièce centrale le sublime trio de Ravel, que nous donnions en concerts depuis de nombreuses années. Le centenaire de Saint-Saëns en 2021 nous a donné l’occasion de redécouvrir ses deux trios, et en particulier la fraîcheur toute printanière de son premier trio op. 18. Il se trouve d’ailleurs que Ravel admirait tout particulièrement cette oeuvre qu’il avait beaucoup relue avant de se lancer dans l’écriture de son propre trio !
Enfin comme complément de programme il nous tenait à cœur de sortir de l’ombre une pièce plus confidentielle : le diptyque D’un Soir Triste – D’un Matin de Printemps de Lili Boulanger avait sa place toute trouvée. Associé à Ravel et Saint-Saëns, cela permettait de montrer trois identités compositionnelles françaises très fortes et contrastées !

Parlez-nous du nom de votre trio ? Et de sa genèse ?
Cette idée de lumière a toujours été centrale pour nous, dès nos débuts, notamment par la mise en valeur des œuvres, sous différents éclairages. Et bien sûr Hélios, dieu du soleil, est souvent associé à Apollon, dieu de la lumière solaire et des arts. Enfin, nous avons tous trois des personnalités assez solaires (paraît-il !) donc nous espérons que ce nom reflète aussi notre dynamique générale !
Quant à sa genèse c’est tout simplement au Conservatoire Supérieur de Paris que nous avons tous trois créé l’ensemble en septembre 2014, unis par l’envie d’explorer l’incroyable répertoire de cette formation.
On vous a retrouvé avec la mezzo-soprano Albane Carrère le 19 décembre au Théâtre des Bouffes du Nord pour votre programme « Âme slave ». Comment est né ce projet de collaboration ?
Quand est venu le moment de préciser notre projet avec Antoine Manceau, directeur de la Belle Saison, une envie commune d’impliquer la voix s’est manifestée, association assez rare pour notre formation. C’est Antoine qui nous a suggéré Albane, avec qui il avait déjà travaillé par le passé : nous n’aurions pas pu rêver meilleure rencontre, c’est un vrai bonheur de partager la scène avec elle !
Quant à la thématique slave, elle nous tenait à cœur dès le début, en partie parce que nous sortirons cette saison notre deuxième disque consacré à la musique tchèque ! Par ailleurs, nous jouons depuis quelques temps le sublime trio d’Arensky op. 18, et en évoquant presque par hasard les Romances de Chostakovitch pour voix et trio, nous est venue cette organisation en deux parties, russe puis tchèque, qui nous permet de dépeindre cette âme slave sous de multiples aspects.
En deuxième partie, après la découverte de Novak (au programme de notre disque), nous avons le plaisir d’interpréter une adaptation commandée par la Belle Saison à Bruno Fontaine des Gipsy Songs de Dvorak pour notre quatuor vocal et instrumental, où les cordes apportent des textures plus orchestrales et proposent une nouvelle vision très intéressante de ces sept mélodies. Un programme atypique à découvrir !

Comment définissez-vous le rôle de chacun des trois instruments (en dehors du rôle musical exigé par les partitions) ?
Cela semble difficile de figer les rôles de chacun tant ils sont mouvants selon les oeuvres, les compositeurs, les périodes, la nature du discours musical même…
Bien sûr, en simplifiant, originellement le piano apporte la structure générale, le violon la mélodie, et le violoncelle la basse. Mais “Papa Haydn” lui-même finit par briser ses propres codes, établis dans ses oeuvres de jeunesse ; codes qui sont définitivement abolis par Beethoven. Et c’est là aussi tout le plaisir du trio avec piano, où la force collective est cimentée par trois personnalités distinctes qui se doivent d’être force de proposition, permettant ainsi d’associer richesse des individualités en même temps qu’une certaine indépendance de jeu.
Y-a-t-il une œuvre de trio qui vous unit plus que d’autres ? Et pourquoi ?
Depuis nos débuts, la diversité du répertoire pour trio nous a attiré, et nous avons autant de plaisir à explorer les trios de Haydn ou Beethoven que ceux de Schubert, Mendelssohn, Smetana, Fauré, Ravel, Turina, Boulanger, Chostakovitch, Henze… Difficile de choisir un ou une finaliste !
Peut-être reconnaîtrons-nous une affection particulière pour les trios de Brahms, qui associent cette science de l’architecture à un génie mélodique et harmonique extraordinaire. Et puis… il sait si bien nous fendre le coeur !
Quels sont vos prochains projets ?
À court terme nous donnerons un concert Franco-Tchèque (Ravel, Novak, Fibich) au Wigmore Hall à Londres le 13 janvier, participerons à la Folle Journée en région et à Nantes fin janvier-début février, et jouerons le Triple Concerto de Beethoven à l’Auditorium de Vincennes le 11 février avec l’orchestre Ostinato sous la direction de Raphaël Merlin.
À moyen terme, la sortie de notre disque tchèque Bohemia nous occupera une bonne partie de l’année 2023, toujours chez Mirare, avec le trio de Smetana, le 2ème trio de Novak et le trio de Fibich !
Site du trio :