Classicagenda a assisté au Bachfest à Leipzig. L’édition 2023 du 8 au 18 juin a fêté les 300 ans de la prise de fonction de Bach en tant que cantor de l’église Saint-Thomas. A cette occasion, le festival a présenté des œuvres plus ou moins connues du compositeur, sous diverses formes.
Leipzig fait penser inévitablement à quelques grands noms de la musique. Jean-Sébastien Bach y occupe les fonctions de cantor de l’église Saint-Thomas. C’est la ville de naissance de Richard Wagner. Félix Mendelssohn y est le premier chef permanent du célèbre orchestre Gewandhaus. Robert Schumann y passe ses années d’études et rencontre Clara Wieck pianiste virtuose de l’époque qui deviendra sa femme. Et sans oublier Gustave Mahler qui travaille à l’opéra de Leipzig. Dans cette ville qui semble bénie des dieux de la musique, s’enchaînent toute l’année des événements qui rendent hommage à ses musiciens.
La ville de Leipzig compte de nombreux festivals récurrents: le ConSpirito autour de la musique de chambre (chaque mois de septembre), le festival Mendelssohn (en novembre), les festivals d’opéra de Leipzig, les festivals par le Gewandhausorchester, et… Bachfest. Parmi ces manifestations culturelles qui font perdurer la grande tradition musicale de Leipzig, cette dernière est l’une des plus importantes. Le festival organise 150 événements durant 11 jours en juin et réunit chaque année des visiteurs de plus de 50 pays différents. Jusqu’en mai 2024, les œuvres de Bach (depuis sa première année à Leipzig en 1723) seront célébrées lors d’un concert mensuel d’anniversaire.

Concert d’ouverture
Le 8 juin à l’église de Saint-Thomas, le chœur Thomaner (Thomanerchor) et l’orchestre Gewandhaus (Gewandhausorchester) ouvrent l’édition 2023 sous le thème Bach for Future. La cantate Die Elenden sollen essen (The poor shall eat), BWV 75, œuvre inaugurale de Bach, retentit dans l’église Saint-Thomas de manière à rappeler que l’âme de son compositeur y règne et qu’elle veille sur les musiciens et le public.
La création mondiale de la Cantate pour solistes, chœur et orchestre de Jörg Widmann reste une expérience inoubliable. “La cantate est l’une de mes plus importantes œuvres, hormis mon opéra Babylon et mon oratorio the ARCHE en terme de contenu et forme”, a d’ailleurs précisé Jörg Widmann. La cantate est une commande spéciale pour l’anniversaire Bach 300 à Leipzig. Il s’agit d’une réflexion élargie et approfondie du jeune compositeur allemand autour de la cantate BWV 75. Tandis que celle-ci porte sur le sujet de la « pauvreté », Widmann y ajoute la thématique actuelle de la « guerre ».

D’un univers atonal, le passage du début avec les cloches et clarinette-basse semble évoquer la grande contradiction de notre temps au sujet de l’existence de Dieu face à l’actualité désastreuse de la vie humaine. L’œuvre parcourt différents genres et formations ; instruments solos, chœur, chœur et orchestre, chanteurs solistes, orchestre… introduisant le public vers un voyage musical et spirituel à la fois. Cette exploration sonore envoûtante est aussi une extension de l’univers de Bach par le propre langage du jeune compositeur. L’auteur superpose ses propres lignes sonores sur l’œuvre de l’ancien maître de Leipzig. Lorsque tous les musiciens sont réunis, l’opus est au même rang que les grandes symphonies avec chœur de Mahler (sa 3ème symphonie) ou de Scriabine (son Poème de feu).
Concert de gala “Tribute to Bach”
Après le solennel concert d’ouverture à l’église Saint-Thomas, l’ambiance festive n’a pas manqué à Leipzig ! La place du marché située juste à côté de l’ancien hôtel de ville où Bach a signé son contrat il y a 300 ans – sans lequel sa Passion selon saint Jean (BWV 245), sa Passion selon saint Matthieu (BWV 244), Messe en si (BWV 232) et Goldberg Variations (BWV 988) n’auraient pas vu le jour ! – devient un immense lieu de fête.
Le 9 juin sur la place du marché de Leipzig, le concert de gala en plein air organisé en collaboration avec Deutsche Grammophon y invite diverses catégories de publics. Mélomanes avertis et débutants, enfants et adolescents accompagnés de leurs parents et de grands-parents. La scène laisse aux stars internationales une carte blanche de plus de trois heures autour des œuvres de Bach. En présence du chœur Thomaner et du Gewandhausorchester, les deux formations emblématiques de Leipzig, dirigés par Andreas Reize, des artistes solistes rendent hommage à Bach. On remarque notamment Daniel Hope, violoniste britannique, qui a ravi le public en jonglant entre le rôle de soliste interprète et présentateur-animateur, et Lang Lang, pianiste chinois qui a enchanté toute la place du marché avec sa très personnelle interprétation des Variations Goldberg.
“B-A-C-H est l’alpha et l’oméga de toute la musique”, disait Max Reger. Jean-Sébastien Bach inspire toujours les musiciens et sa musique influence encore celle d’aujourd’hui. Fraîche et éloquente, elle nous parle, et sonne toujours vivante, même 300 ans plus tard.
