Georgijs Osokin, Giedré Dirvanauskaité et Gidon Kremer au festival de Salzbourg © SF / Marco Borrelli
Georgijs Osokin, Giedré Dirvanauskaité et Gidon Kremer à Salzbourg © SF / Marco Borrelli

Gidon Kremer au Festival de Salzbourg, « A la mémoire d’un grand artiste »

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Malgré la crise sanitaire qui frappe le monde culturel, le festival de Salzbourg a maintenu l’an dernier son édition du 100e anniversaire. Prolongé jusqu’à cet été, nous avons participé au centenaire en assistant au concert du 1er août donné au Stiftung Mozarteum. On retrouvait sur scène le violoniste Gidon Kremer, la violoncelliste Giedré Dirvanauskaité, et le pianiste Georgijs Osokins. Ils étaient notamment réunis dans un émouvant Trio élégiaque N.2 Op.9 écrit par le jeune Rachmaninoff, hommage à son mentor Tchaïkovski.

 

En longeant les Alpes depuis la France en passant par la Suisse et le sud de l’Allemagne, nous arrivons en Autriche et apercevons une ville. Petite de taille mais riche de tradition et de culture. Située tout au bout des Alpes, la ville de naissance de Mozart abrite les lieux de résidence ou de passage d’autres grands artistes : Karl Böhm, Herbert von Karajan, Oskar Kokoschka, Stefan Zweig et Maria von Trappo… pour n’en citer que quelques-uns. C’est ici que l’un des festivals les plus réputés d’Europe a vu le jour il y a 100 ans à l’initiative de Richard Strauss, compositeur et chef d’orchestre, Hugo von Hofmannsthal, dramaturge, et Max Reinhardt metteur en scène.

Composé du Felsenreitschule destiné à l’opéra et au théâtre, du Grosses Festspielhaus pour les concerts symphoniques et opéras, et du Haus für Mozart pour les concerts de musique de chambre et récitals, la résidence Festspielhaus est un lieu de culte incontournable. Chaque été de mi-juillet à fin août, les plus éminents artistes sont invités à s’y produire avec une programmation de très haute qualité. Les festivaliers du monde entier s’y précipitent.

Salzbourg lors du festival © SF / Andreas Kolarik
Salzbourg lors du festival © SF / Andreas Kolarik

Gidon Kremer, une philosophie artistique intègre

A l’aube de ses 75 ans bientôt, Gidon Kremer n’a pas perdu la curiosité de ses jeunes années. Il est le fervent défenseur de Mieczyslaw Weinberg ,compositeur polonais, au travers des derniers enregistrements de son Ensemble Kremerata Baltica. Alfred Schnittke, Luigi Nono, Arvo Pärt, Sofia Gubaidulina, Michael Nyman, Philip Glass… tels sont les compositeurs dont les oeuvres se sont fait connaître par l’engagement du violoniste letton. L’univers musical de Gidon Kremer reste toujours innovant et sa philosophie artistique, loin d’être un compromis commercial, est non négociable.

Aussi, Kremer nous fait redécouvrir, sous un angle différent, les oeuvres auxquelles nos oreilles sont habituées. Il y a quelques années, son album Preghiera nous avait laissé une impression particulièrement émouvante. La violoncelliste lithuanienne Giedré Dirvanauskaité et le jeune pianiste russe Daniil Trifonov accompagnaient leur ainé dans les deux Trios élégiaques de Rachmaninoff. La partition en hommage à Tchaïkovski, grand compositeur cher à Rachmaninoff, était interprétée avec une sincère immersion, faisant un bel hommage aux deux compositeurs.

Gidon Kremer au festival de Salzbourg © SF / Marco Borrelli
Gidon Kremer © SF / Marco Borrelli

Le Trio élégiaque N.2 Op.9 écrit par le jeune Serge Rachmaninoff est un hommage à son mentor Tchaïkovski décédé en 1893, d’où le titre de l’oeuvre « A la mémoire d’un grand artiste ». Rachmaninoff l’a composé la même année suivant le modèle du Trio de Tchaïkovski aussi bien pour la structure de l’oeuvre qu’en terme d’idée thématique. Le Trio de Tchaïkovski est dédié à Nikolaï Rubinstein, un autre grand artiste russe et les deuxièmes mouvements des deux trios sont sous forme de « thème et variations ». On aperçoit un autre signe de l’hommage à Tchaïkovski. Le motif du deuxième mouvement est issue du poème symphonique Le Rocher de Rachmaninoff qui a été salué par Tchaïkovski.

 

Au plus près du texte de la partition

Le concert du 1er août au Stiftung Mozarteum nous a fait revivre cette même émotion. On retrouvait sur scène avec Gidon Kremer, Giedré Dirvanauskaité, le violoncelle solo du Kremerata Baltica (l’Ensemble fondé par Gidon Kremer en 1997) et également la violoncelliste de l’album Preghiera. On remarque notamment que son élégant vibrato et sa belle technique d’archet produisent la voix idéale pour véhiculer le message de mémoire à un grand artiste. Doux et profond, le beau timbre du violoncelle soutient la voix aigüe du violon par un sens de l’écoute attentif et bienveillant. Georgijs Osokins, le finaliste du Concours Chopin en 2015, était au clavier. Ce jeune pianiste, artiste invité permanent du Kremerata Baltica, maintient la position de ses mains plus bas que le clavier, ce qui permet une connexion avec le piano plus directe et intime. Ainsi il privilégiait une conduite du phrasé adéquate au texte de la partition plutôt que la mise en valeur de sa virtuosité technique, et ce, évidemment, dans une direction artistique donnée par son mentor Gidon Kremer.

Gidon Kremer, Georgijs Osokin, et Giedré Dirvanauskaité au festival de Salzbourg © SF / Marco Borrelli
Gidon Kremer, Georgijs Osokin, et Giedré Dirvanauskaité à Salzbourg © SF / Marco Borrelli

Le programme organique se déroule autour du thème élégiaque. La version pour violon et piano de Fretres de Arvo Pärt est une oeuvre qui avait été commandée par le festival de Salzbourg et dédiée à Gidon Kremer et son épouse Eléna qui l’avaient créée en 1980. Cette pièce utilisant la technique signature de Pärt, « tintinnabuli », est jouée dans la première partie du programme comme prélude du Trio élégiaque qui commence aussi par les sons de cloches annonçant la marche funèbre. La 2e sonate pour violon et piano de Ferruccio Busoni fait le lien de parenté avec le Trio élégiaque par sa dédicace ; la sonate est dédiée à son ami compositeur Ottokar Nováček – Busoni avait créé son Concerto Eroico en 1896.

 


Le 1 août, 19h30, Stiftung Mozarteum Grosser Saal

Gidon Kremer, violin / Giedré Dirvanauskaité, violoncelle / Georgijs Osokins, piano

Arvo Pärt – Fratres
Ferruccio Busoni – Sonate pour violon et piano N.2
Serge Rachmaninoff – Trio élégiaque N.2 « A la mémoire d’un grand artiste »

Le site du festival

Passionnée de musique depuis son plus jeune âge et pianiste accompagnatrice, Marine partage ses émotions au travers de ses chroniques. Elle collabore en tant que rédactrice avec différents médias français et coréens spécialisés dans la musique classique. Diplômée du cursus professionnel « Administrateur / Producteur Projets Musicaux » à l’Université Paris X, Marine est conseillère artistique et développe divers projets artistiques.

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