Cette année, le 46e festival de Quatuors du Lubéron met à l’honneur Wolfgang Amadeus Mozart, l’un des grands maitres du quatuor à cordes qui a influencé de manière directe ou indirecte ses contemporains ou successeurs : Haydn, Beethoven, Schubert, sans oublier Josef Mysliveček, Frantisek Xaver Dusek, ses amis tchèques. Nous avons assisté aux deux soirées animées par deux ensembles tchèques. Au programme, les quatuors de Mozart mis en parallèle avec ceux des compositeurs tchèques.
Fin août, direction le sud du pays où la chaleur est agréable. Il y a quelque chose de la dolce vita que l’on ressent dans cette région : on se croirait un peu en Italie. L’ocre, d’une palette de mille couleurs, offre une douceur visuelle au paysage. Voilà une atmosphère idéale pour pouvoir apprécier les soirées musicales en plein air préludées par les chants des cigales.
La région est réputée pour ses mélomanes de musique de chambre très avertis. Un festival essentiellement dédié à des quatuors à cordes, unique en son genre, existe depuis maintenant 46 ans et répond largement à cette haute exigence d’un public connaisseur. Sa programmation, d’un niveau élevé, comprend aussi bien les grands classiques que les nouveautés d’aujourd’hui. Chaque année les mélomanes se précipitent à Roussillon, à Gordes, à Goult, et à la Roque d’Anthéron pour découvrir et redécouvrir le répertoire dont l’axe est le quatuor à cordes.

Une magie opère
Vendredi 20 août, tous réunis dans la cour de l’Ecomusée de l’Ocre, les musiciens du Quatuor Zemlinsky et le public ont d’abord partagé un moment convivial autour d’un diner aux couleurs du sud. Ce moment simple et décontracté était suivi d’un moment musical imprégné de couleur tchèque avec le Quatuor tchèque Zemlinsky.
Si leur interprétation élégante du Quatuor n.19 de Mozart et du n.22 de Mysliveček considéré comme « le Mozart tchèque » est de caractère plutôt « conventionnel », celui de Dvorak n.13 nous laisse un souvenir particulièrement époustouflant ; leurs changements de tempi et de dynamiques subito, très habiles, sont remarquables. Tous les quatre unis comme un seul, ils mènent un beau dialogue musical tout en s’écoutant les uns les autres. Leur archet quasiment ancré dans les cordes produit une belle pâte sonore de couleur tchèque.
Donné comme bis, un mouvement du Quatuor Américain a été joué juste après le Quatuor n.13 de Dvořák comme une suite logique. Espiègle, enlevé et jovial, jamais ce mouvement de l’Américain n’avait autant swingué auparavant !

Nous remarquons notamment l’altiste par sa sonorité chaleureuse grâce à laquelle il soutient et met à l’aise ses partenaires. Son sens naturel du partage est tout aussi remarquable. Le musicien communique de manière permanente avec le public, et dialogue avec ses partenaires de façon bienveillante. Placé à l’extrême droite de la scène, l’alto soutient l’ensemble et arrondit les angles. Les quatre musiciens s’unifient, se tuilent et se fondent en un seul.
La conque acoustique, conçue de petite dimension, rendait une juste valeur de résonance au programme de musique de chambre. Il s’avère que l’équipement simple et efficace est un exemple pour les autres concerts de chambre en plein air. La conque préserve une intimité, la clarté et la précision du son jusqu’à permettre au public de percevoir le moindre mouvement vivant des archets qui frottaient, mordaient ou caressaient les cordes de mille manières…
En présence d’un public composé d’une centaine de personnes dans la cour, ce concert de salon extérieur nous emportait ailleurs. La nuit tombe, même les cigales se taisent pour écouter le moment culminant. Il reste juste à laisser nos oreilles se faire dorloter par les quatre voix qui font vibrer nos âmes. Et là, une magie opère.
Vendredi 20 août, 20h30, Ecomusée de l’Ocre, Roussillon
Quatuor Zemlinsky
W.A. Mozart – Quatuor à cordes n.19 en ut majeur K.465
Josef Mysliveček – Quatuor à cordes n.22 en sol majeur op.posthume
Antonin Dvořák – Quatuor n.13 op.106 en sol majeur B.192

A la Roque d’Anthéron, un engagement tchèque
Le concert du lendemain a eu lieu dans un autre lieu de la région. Le Quatuor Prazak (l’ensemble est le maître direct du Quatuor Zemlinsky) a joué dans le cloitre de l’Abbaye de Silvacane à la Roque d’Anthéron. Le lieu offrait une résonance naturellement riche. Tout en bénéficiant d’une meilleure acoustique, le Quatuor Prazak n’a pas manqué son rôle d’ambassadeur de ses compatriotes. Dans le programme, les oeuvres de Frantisek Xaver Dusek, Antonin Dvořák et, Mozart bien évidemment étaient au rendez-vous. Le Quatuor de Dusek de caractère classique, récemment découvert par les interprètes, fait le lien entre le Mozart et le Dvořák. Doté d’une belle assise basée sur une solide technique, le Quatuor Prazak, avec son programme, assume son identité et son engagement tchèques.
Chaque quatuor a son propre ADN, ce qui fait que pour les mêmes œuvres chaque ensemble interprète différemment. Chacun sculpte soigneusement son programme. La scène du Festival du Lubéron est comme une orfèvrerie de quinze jours où chaque quatuor élabore soigneusement son programme avec sa propre identité sonore distincte des autres.
Un seul son
Dans la programmation savamment conçue, les œuvres des compositeurs contemporains de Mozart, moins connues, sont également mis en lumière. Le public se régale de la musique aussi bien que du contenu du livret du programme qui fournit de précieuses informations détaillées.
Dans les quatuors à cordes, il y a une esthétisation sophistiquée quant à la justesse, une symbiose absolue des âmes. Instruments et instrumentistes ne forment qu’un son, nous disait une pianiste dans une interview récente. Les deux soirées du Festival de Quatuors du Lubéron, nous rappelaient justement ce propos.
Samedi 21 août, 18h30, Abbaye de Silvacane, La Roque d’Anthéron
Quatuor Prazák
W.A. Mozart – Quatuor à cordes n.20 en ré majeur K.499 / Deux Airs de Don Giovanni
Frantisek Xaver Dusek – Quatuor à cordes en la majeur
Antonin Dvořák – Quatuor en fa majeur B.120