Au moment de sa fermeture pour des travaux d’amélioration et d’accessibilité de juillet 2015 à Février 2017, l’Opéra comique avait proposé, en plus d’une saison hors les murs, un opéra via internet. Le mystère de l’écureuil bleu revient à la salle Favart dans le cadre du “Mon premier festival d’opéra”, qui aura lieu jusqu’au 11 mars 2018.
“Où va la jeun’ Margot
Hyène des arias
Quand d’Adèle en sanglots
S’éteint l’unique voix ?
Sans crainte des secousses
Elle emboîte le pas
D’Adèl’ qui la repousse
Comme une paria”
(Duo des clochettes)
Un hommage à l’opéra-comique
Pour ce webopera, l’Opéra Comique a fait appel à Marc-Olivier Dupin, qui avait déjà composé pour le théâtre Robert le cochon et les kidnappeurs.
Le Mystère de l’écureuil bleu est une œuvre qui fonctionne à plusieurs niveaux : pour les enfants il s’agit d’une enquête policière et pour les adultes c’est un jeu de piste à travers l’histoire de l’Opéra Comique. Le compositeur et le librettiste (Ivan Grinberg), ont en effet parsemé plein de références dans la musique et les textes.
On y retrouve donc les grands chef d’œuvre français créés à l’Opéra Comique, comme Lakmé, Louise, Carmen, Manon, la Dame blanche, les Contes d’Hoffmann, etc., dans un émouvant hommage à ce genre et au théâtre lui-même : ses lieux (Le central costumes, le bureau du directeur, les coulisses, …) et son histoire (ses deux incendies, sa rénovation et sa réouverture).
L’intrigue est déclenchée quand la diva Adèle se fait chasser du gala de réouverture, car elle refuse de jouer en même temps que Léon (qui en revanche est éperdument amoureux d’elle). Capricieuse et gâtée, elle fait dépenser beaucoup d’argent à son amant Saint-Germain, directeur de l’Opéra comique, qui se retrouve donc à devoir justifier ses dépenses auprès de Pel&Mel, son mécène.
Adèle est donc très en colère contre le directeur, mais aussi contre la jeune choriste Margot, qui la remplace, et l’ambiance est tout aussi en coulisses, où Zineb, la costumière, n’apprécie pas l’amitié entre son amoureux Bernabé et Margot.
Un mystère à résoudre
Un jour Zampa, le petit écureuil de Margot, est retrouvé mort et peint en bleu, sur le piano. Que s’est-il passé ? Qui a tué l’animal de compagnie ?
S’agit t-il d’Adèle, prête à tout pour saboter le gala et, surtout, les débuts de sa rivale Margot ?
Anna Reinhold, à la voix souple et douce, incarne à merveille ce personnage complexe, une femme à la fois séduisante, hautaine, cynique, cruelle, mais finalement très humaine.
Margot, serait elle-même l’assassine, afin d’inculper Adèle et s’assurer sa place ?
Armelle Khourdoïan est une jeune choriste naïve et exubérante, vêtue de manière enfantine et extravagante, se promenant partout avec son animal de compagnie.
Elle sait émerveiller en déployant sa voix des graves aux aigus avec grande agilité, mais elles sait aussi être touchante, en partageant son amour pour le chant : Moi chanter me suffit / Mes amours sont des voix / Des fantômes qui prennent vie / Le temps d’un air / Tocades passagères / Tu aimes un instant / Tu quittes le suivant / Sans larmes sans blessures.
On remarquera le beau “duo des clochettes” où, dans le cadre d’une “battle” vocale, on peut apprécier le timbre velouté de Reinhold et l’amplitude de la voix de Khourdoïan.

La coupable serait t-elle Zineb, aussi jalouse de Margot ? En plus, c’est bien elle qui fabrique la couleur bleu…
Marion Tassou incarne la “patronne” du Central costumes de manière réaliste et attachante. On la voit s’affoler avec ses costumes, faire des essayages, seconder les demandes du directeur (Zineb, sois gentille, dans mon bureau, ramène-nous une bouteille de champagne), mais sachant aussi se faire respecter (J’ai du boulot, laisse-moi. / Va retrouver ta Miss piapiapia qui chante comme un oiseau !) On apprécie sa sa personnalité affirmée, tout comme sa voix, dont on remarque aussi le legato maîtrisé.
C’est peut-être Barnabé qui a tué l’écureuil, afin de pouvoir consoler Margot ?
Décontracté, drôle, infatigable, généreux : le cintrier de Patrick Kabongo nous magnétise dès son entrée sur scène. Le public explose de rire quand il se met à genoux pour s’excuser avec Zineb (Engloutis-moi, Terre, j’ai oublié son anniversaire !), et s’amuse pendant le duo de la jalousie de Zineb.
Et si l’assassin était l’insoupçonné Léon, révolté car Adèle refuse de chanter à ses côtés ?
Le timide Léon de Jean-Jacques L’Anthoën surprend par sa voix profonde et puissante. Le baryton incarne un jeune ténor maladroit qui, habillé d’un pull à rayures, ressemble à ressemble au protagoniste de la BD Où est Charlie ?
Et si c’était un complot de Saint-Germain, destiné à distraire le mécène de ses problèmes financiers ?
Ronan Debois est un directeur débordé, coincé entre les demandes de son amante, du mécène et des ses collaborateurs, paraissant matérialiste et calculateur, mais qui finalement est véritablement attaché au futur du théâtre. La voix du baryton est riche en couleurs et son interprétation réaliste et charismatique.
Pédagogie et divertissement
Si on s’attendait une vrai enquête policière, avec la révélation du coupable à la dernière minute, le spectacle est tout de même une belle réussite.
Marc-Olivier Dupin a composé une ouvre drôle et intelligente, où les citations se mêlent tout naturellement à la musique originale, et les clins d’oeil à d’autres genres ajoutent du dynamisme, grâce aussi à l’engagement de l’orchestre des Frivolités Parisiennes, dont on remarquera l’énergie des percussions et des cuivres.

Ivan Grinberg a su imaginer un livret alliant un langage moderne à celui des siècles passés, où le respect de la tradition n’empêche pas l’autodérision (C’est la nouvelle chanteuse / De l’opéra co / Coco / Co / Mikmik). Ses personnages sont plausibles et bien caractérisés.
La mise en scène, les costumes d’Alain Blanchot et les décors d’Aurélie (que l’on voit être déplacés le rideau ouvert), sont tout à fait cohérents avec l’esprit de la pièce et suggèrent une lecture à plusieurs niveaux.
Pour revoir le spectacle de 2016 sur ArteConcert