Aurélien Dumont
Aurélien Dumont © Philippe Stirnweiss

Aurélien Dumont : compositeur d’aujourd’hui

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A l’occasion de la dix-septième édition du concours international Piano Campus, nous avons rencontré Aurélien Dumont, compositeur, dont l’œuvre Slide-Listening sera créée par l’orchestre de la faculté de Nanterre sous la direction de Fabrice Parmentier.

 

Quels sont les enjeux musicaux qu’un jeune compositeur se fixe aujourd’hui ?

J’observe que nous sommes aujourd’hui à un moment très intéressant de l’histoire de la musique. Alors que les libertés de composition sont devenues totales, je constate des difficultés que nous, compositeurs, devons assumer pleinement. Pour construire mon langage, j’ai voulu ainsi réfléchir sur le concept d’altérité, qui dans mes compositions se décline en trois catégories : dans le rapport aux autres arts (littérature et plus particulièrement celle d’Antoine Volodine), au sein de références à la musique du passé (et la musique baroque) et dans le rapport que j’entretiens avec la culture japonaise.

 

Avec Slide-Listening, qui sera créée à Piano Campus le 5 mars 2017 au Théâtre des Louvrais de Pontoise, vous écrivez votre première pièce pour piano et orchestre : comment l’avez-vous imaginée ?

Les recherches que j’ai entreprises durant mon parcours académique (Conservatoire national supérieur de musique de Paris et IRCAM) m’ont amené à conceptualiser ce que j’appelle, par analogie aux OGM, des “OEM, objets esthétiquement modifiés”. Il s’agit de prélever dans la musique du passé des éléments musicaux que je modifie et recompose au niveau du rythme, du timbre, de la nuance, etc. Dans le cas de Slide-listening figurent quelques OEM issus du deuxième mouvement du concerto pour piano de Robert Schumann.

Par ailleurs, cette œuvre a été conçue pour un concours. Bien que n’appréciant guère les pièces à objectif pédagogique, j’ai voulu mettre en avant la virtuosité du soliste.

 

Habituellement, vous travaillez avec des ensembles professionnels (Les Cris de Paris, Quatuor Diotima, Ensemble Linea, Ensemble Itinéraire…): quels apports vous procure cette expérience avec l’orchestre étudiant de la faculté de Nanterre ?

Avant de venir écouter l’orchestre en répétition, j’ai travaillé de manière approfondie avec le chef d’orchestre Fabrice Parmentier. L’objectif premier de cette discussion était de faire comprendre mon langage musical puisqu’il s’agit pour moi de ma première collaboration avec un orchestre amateur de haut niveau.
Au delà de la comparaison entre ensembles amateurs et professionnels, je pense que le grand nombre de répétitions dont l’orchestre a bénéficié a permis de faire émerger de nouvelles couleurs et de nouveaux timbres auxquelles les musiciens ne sont pas forcément habitués. Lors de ma venue, j’ai été agréablement surpris par l’enthousiasme et la soif de découverte des musiciens ainsi que par l’ambiance studieuse: ceci m’a rendu confiant pour la suite.

Orchestre de la faculté de Nanterre avec Fabrice Parmentier en 2015 à Piano Campus / Aurélien Dumont © Anthony Soimié
Orchestre de la faculté de Nanterre avec Fabrice Parmentier en 2015 à Piano Campus © Anthony Soimié

Comme vous nous l’avez évoqué un peu plus haut, vous êtes très ouvert sur la culture japonaise. Existe t-il des liens entre botre musique et cette culture ?

Même si certaines de mes œuvres peuvent contenir des éléments musicaux provenant du Japon, ce n’est pas le cas avec Slide-Listening. Cette composition a été avant tout pensée pour un concours : en conséquence, elle doit servir le candidat et répond surtout à un exercice de style.
Par ailleurs, avec cette commande, j’ai beaucoup réfléchi au rapport piano/orchestre.  Ce dernier peut être vu comme une augmentation du piano, qui est l’instrument central de cette composition : la richesse des modes de jeu sollicités (col legno en étouffant les cordes, pizzicato mate, saltando…) permet d’introduire de l’étrangeté dans cette pièce et de la sortir du cadre classique (concerto).

 

Quels sont vos prochains projets ?

Plusieurs projets sont actuellement à l’étude. J’ai évoqué plus haut mon rapport à la musique du passé. L’une des compositions sur laquelle je suis actuellement en train de travailler sera créée en mai prochain par l’ensemble baroque Lacartae, doté d’une formation instrumentale insolite (deux théorbes, clavecin, harpe celtique, serpent, contre-ténor et percussions). Cette œuvre s’inspire de la composition du Tempo di Dormire de Tarquinio Merula, compositeur italien du XVIIsiècle. Dans cette composition, qui s’intitulera Chanson de Ténèbres, je garderai l’idée de berceuse qui est présente dans la pièce baroque.

Je travaille aussi à un quatuor à cordes pour le quatuor Diotima : l’œuvre interroge les structures narratives d’Antoine Volodine et, du point de vue du matériau employé, s’inspire du peintre japonais Ito Jakuchu (1716-1800). L’oeuvre, qui s’appelle Neiges de Jakuchu, tentera de musicaliser la manière dont le peintre a conçu la neige.

Plus tard, je collaborerai avec un jeune metteur en scène, Matthieu Roy sur une pièce de Christophe Pellet intitulée Qui a peur du loup ?. Ce projet, porté par l’ensemble Ars Nova, permettra de rendre l’opéra accessible à tout un chacun puisque les artistes iront à la rencontre du public au sein d’un dispositif nouveau et itinérant.

Ingénieur en mécanique, mais aussi titulaire d'un master international de musique et musicologie (université Paris-Sorbonne et Université de Sarrebrück) ainsi que d'une licence de sciences, je suis passionné par les instruments et la musique classique depuis mon enfance. Ma jeune carrière m'a permis d'avoir une opportunité à Safran Transmission Systems de 2017 à 2020. En tant que violoncelliste amateur, j'ai participé à l'Annecy Classic Orchestra avec Fayçal Karoui et Denis Matsuev en 2014 et 2015 et au Festival Berlioz en 2016.

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