Victor Julien-Laferrière
Victor Julien-Laferrière © Jean-Baptiste Millot

Victor Julien-Laferrière : “J’ai envie de rendre hommage à Beethoven en permanence”

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A l’occasion du Grand Week-end Violoncelle qui s’est déroulé du 20 au 22 février au Théâtre des Champs-Elysées et le 10 mars, Classicagenda a pu rencontrer le musicien Victor Julien-Laferrière. Dans cet entretien, il aborde notamment son prochain concert à la Philharmonie où il jouera le concerto pour violoncelle d’Elgar.

 

Pourquoi et comment êtes-vous devenu violoncelliste ?

Pour commencer, je suis issu d’une famille de musiciens. En effet, ma grande soeur est violoniste baroque, mon petit frère est corniste et mes deux parents sont clarinettistes. J’ai donc commencé plusieurs instruments avant de me tourner vers le violoncelle. Avec le temps, je me suis rendu compte de l’ensemble des possibilités du violoncelle et que cet instrument répondait parfaitement à ma boulimie de musique.

 

En 2017, vous avez remporté le grand prix Reine Elisabeth (première édition consacrée au violoncelle dans ce concours), quelles nouvelles opportunités de carrière avez-vous eues ?

Ce concours a été très important pour moi et m’a donné tout ce que l’on peut attendre de ce type d’événement. Ainsi, j’ai par la suite eu des contacts avec d’excellents chefs et de très bons orchestres. J’ai eu l’opportunité de jouer des concertos qui me faisaient envie depuis longtemps. Cette étape m’a permis de structurer ma carrière.

 

Vous avez joué au Théâtre des Champs-Elysées lors du Grand Week-end Violoncelle : pouvez-vous nous parler de cet évènement ?

C’était la première fois qu’une telle rencontre avait lieu. A l’origine de ce projet, se trouve l’agence d’événementiel Sarfati. De magnifiques violoncellistes ont joué ce week-end (Alexander Kniazev, Pablo Ferrandez et Sheku Kanneh-Mason). J’ai été très heureux que l’on fasse également appel à moi. Ce projet de grand week-end, qui avait pour objectif de faire découvrir l’instrument au grand public (notamment grâce à des ateliers), a attiré ma curiosité. J’ai ainsi constitué, avec mes partenaires Justin Taylor et Jonas Vitaud, un programme contenant notamment des oeuvres de Ludwig van Beethoven et Felix Mendelssohn, avec un pianoforte de 1838. Pour interpréter ces compositions et retrouver un aspect authentique, j’avais choisi de jouer sur un violoncelle monté en cordes en boyau, sans pique, ce qui a aussi des répercussions sur le son et permet de retrouver un côté intimiste idéal pour ces oeuvres.

Pour interpréter ces compositions et retrouver un aspect authentique, j’avais choisi de jouer sur un violoncelle monté en cordes en boyau.

En seconde partie de soirée (avec un Steinway de concert pour les oeuvres de Britten et de Thomas Adès) je retrouvais un violoncelle monté en cordes métalliques. Avec ce concert, je voulais faire partager au public un voyage dans le temps (de Beethoven à nos jours). En effet, la pièce de Thomas Adès est dédiée au violoncelliste anglais Steven Isserlis. Ce programme était aussi une belle occasion de voir des univers différents.

Victor Julien-Laferrière
Victor Julien-Laferrière ©Jean-Baptiste Millot

Avez-vous voulu mettre en avant toutes les possibilités techniques du violoncelle et montrer au public comment il s’est développé au fil des siècles ?

Il s’agit d’une autre lecture de ce programme. En effet, la virtuosité de chacune des compositions données est bien réelle. Honnêtement, il s’agit là d’une conséquence de l’agencement des pièces que j’ai proposées au sein de ce programme. Par ailleurs, je suis fasciné par Thomas Adès et son oeuvre est vraiment très difficile à jouer.

En fait, je dirais que chacune des pièces du programme présente des difficultés qui lui sont propres. Mais, à mon sens, la plus grande difficulté a été de passer d’un violoncelle en cordes en boyau vers un instrument monté avec des cordes métalliques.

 

Dans ce programme, quel est le compositeur qui vous a le plus touché ?

Assez fréquemment, dans mes programmes de musique de chambre, je commence mes concerts par des oeuvres de Ludwig van Beethoven. Toutefois, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu un compositeur qui m’a le plus marqué.

Je pense que commencer un programme par des variations (construites à partir de thèmes d’opéras connus) permet à l’auditeur d’ouvrir son oreille. Ce qui me laisse le champ libre pour proposer d’autres oeuvres moins abordables.

Victor Julien-Laferrière
Victor Julien-Laferrière © Jean-Baptiste Millot

Vous continuerez à vous produire le 10 mars à Paris avec le concerto pour violoncelle d’Elgar : pouvez-vous nous parler de ce concert ?

Le concerto d’Elgar est très important pour tous les violoncellistes (tout comme celui de Camille Saint-Saëns et de Edouard Lalo). Après l’avoir travaillé durant mes études, je peux dire qu’avec du recul, j’ai maintenant une vision totalement différente. Avant, je voyais le concerto d’Elgar comme étant le fruit de la quintessence du romantisme. Avec mon expérience acquise depuis mes études, j’essaie de placer ce concerto davantage dans son contexte historique (première guerre mondiale). J’y vois le reflet de l’effort de guerre qu’a dû fournir l’Angleterre pour soutenir ce conflit. Le concerto montre ainsi le tribut que le peuple anglais a payé. Enfin, ce concerto révèle aussi la dépression dans laquelle Elgar est tombé à la suite de ce conflit. L’ensemble de ces éléments rend cette oeuvre extrêmement riche.

Avec mon expérience acquise depuis mes études, j’essaie de placer ce concerto (Elgar) davantage dans son contexte historique

 

Avez-vous déjà pensé à faire renaître des oeuvres oubliées?

J’adore ces opportunités. Toutefois, je n’ai pas à ce jour la casquette de chercheur. Actuellement, je n’ai pas trop le temps de chercher dans les bibliothèques et je laisse les musicologues faire ce travail. J’essaie de me renseigner autant que possible sur les compositions moins jouées et/ou enregistrées. Il faut que j’arrive à m’approprier complètement une oeuvre pour la donner ensuite au public.

 

Avez-vous créé des oeuvres ou avez-vous passé commande à des compositeurs contemporains ?

Effectivement, j’ai créé assez souvent des oeuvres contemporaines. En fait, je souhaite avoir un contact régulier avec les compositeurs de notre temps. Il s’agit, d’après moi, d’un élément vraiment important dans l’équilibre de la vie d’un musicien. Toutefois, je n’ai pas le regard d’un spécialiste (ceci étant aussi valable en musique ancienne). Je continue régulièrement à travailler les oeuvres du XXe siècle (comme le concerto de Dutilleux).

Dans le cadre de ma Résidence avec l’Orchestre national d’Ile-de-France, je vais créer trois concertos.

Dans le cadre de ma Résidence avec l’Orchestre national d’Ile-de-France, je vais créer trois concertos. Les compositeurs, Julien Giraudet, (France), Maarten Lingier (Belgique), Maria del Pilar Miralles Castillo (Espagne) ont été sélectionnés parmi vingt-cinq candidats pour le concours Île de créations. Le cahier des charges stipulait l’écriture d’un concerto d’une douzaine de minutes pour violoncelle et orchestre de chambre. En conséquence, je vais donc créer les oeuvres des trois finalistes (concert le 30 avril à 20h30). Ce type de projet me passionne absolument. Grâce à ces expériences je peux être en contact avec des compositeurs de ma génération. De plus, je peux voir trois styles ou univers musicaux différents. En un mot : j’ai hâte.

 

Avez-vous des projets pour cette année hommage à Beethoven (au disque, au concert) ?

J’ai envie de rendre hommage à Beethoven en permanence. Ce n’est pas uniquement cette année, et je crains qu’il y ait trop de disques et d’hommages autour de ce compositeur. Dans le passé, j’ai déjà donné l’intégrale des sonates et des variations en concert (en janvier de cette année). Je proposerai ce programme encore deux fois en 2020.

 

Concernant vos projets, avez-vous déjà travaillé sur des productions permettant de croiser plusieurs arts ?

Pas très souvent. Quelques fois, j’ai eu l’occasion de travailler avec des danseurs. A l’avenir, j’aimerais bien en faire davantage car ces projets sont très intéressants. Pour cela, il faut trouver le bon projet, les bonnes personnes et le répertoire. Potentiellement, cela me passionne tout autant que le reste.

 

Concours Ile de Création: https://www.orchestre-ile.com/page/ile-de-creations

Victor Julien-Laferrière: https://www.victorjulienlaferriere.com/

Site de Justin Taylor: https://www.justintaylorharpsichord.com/

Site Musicaglotz: https://www.musicaglotz.com/musiciens/julien-laferriere-victor/

Site de Jonas Vitaud: http://www.jonas-vitaud.fr/

Ingénieur en mécanique, mais aussi titulaire d'un master international de musique et musicologie (université Paris-Sorbonne et Université de Sarrebrück) ainsi que d'une licence de sciences, je suis passionné par les instruments et la musique classique depuis mon enfance. Ma jeune carrière m'a permis d'avoir une opportunité à Safran Transmission Systems de 2017 à 2020. En tant que violoncelliste amateur, j'ai participé à l'Annecy Classic Orchestra avec Fayçal Karoui et Denis Matsuev en 2014 et 2015 et au Festival Berlioz en 2016.

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