A l’occasion des mardis des Bernardins, une table ronde autour du thème “Des liturgies aux salles de concert: quel rôle pour la musique sacrée?” a eu lieu ce 29 novembre au Collège des Bernardins. Celle-ci était suivie d’un débat avec le public. Le compositeur Eric Tanguy, le philosophe Michel Onfray et le pasteur et musicien Louis Pernot étaient présents lors de cette intervention.
Ce sont les membres du projet Vocello (mélangeant le violoncelle et un choeur a capella), le violoncelliste Henri Demarquette et Catherine Simonpietri (de l’ensemble vocal Sequenza 9.3), qui ont eu l’idée d’organiser cette intervention. L’objectif de ce débat était d’interroger l’avenir de la musique sacrée.
Au cours de cette discussion mélangeant philosophie, religion et musique, les trois intervenants ont été amenés à présenter leurs liens avec la musique. Et le public a pu apprécier la diversité des parcours. Pour Eric Tanguy, c’est par le violon (le Stabat Mater de Vivaldi l’a particulièrement bouleversé) et la composition qu’il a réussi, avec brio d’ailleurs, à se faire un nom parmi les grands compositeurs de musique contemporaine. Louis Pernot, quant à lui, en plus de son activité de pasteur, est luthiste et spécialiste de musique pour luth entre 1638 et 1645 (il a enregistré pour la maison de disque Accord un CD consacré à la musique du luthiste français François Dufaut). Enfin, Michel Onfray a pu raconter ses rendez-vous manqués avec la musique: une première fois après avoir soufflé dans une clarinette et une deuxième après avoir voulu jouer de l’orgue dans un pensionnat.
Après une présentation des différents parcours des intervenants, l’animateur, Luc Evrard, est entré dans le vif du sujet en demandant aux participants d’expliquer ce que représente la musique ainsi que les différences entre musique sacrée et musique profane.
La pensée de Michel Onfray, dont l’inspiration est très nietzschienne, évoque ses rapports à la musique dans son ouvrage: La Raison des sortilèges. Entretiens sur la musique, paru aux éditions Autrement en 2013. Il explique ainsi que la musique génère une vibration et que celle-ci entre en contact avec le musicien. La musique est donc une des modalités pour évoquer un rapport au monde.
Auprès du public, Eric Tanguy a montré comment le texte était important pour composer une oeuvre musicale. Ainsi, il a pris pour exemple sa collaboration avec Michel Onfray, ami de longue date, pour écrire une cantate (Célébration de Marie-Madeleine, créée en 1996).
Pour Louis Pernot, il n’existe pas de lien direct entre musique et religion. En reprenant sa démonstration, la musique est un domaine qui n’a rien à voir avec le toucher. En conséquence, elle tend vers l’immatériel et peut, à ce titre, être considérée comme l’art le plus spirituel.
A la suite de cette première question, les intervenants ont eu à répondre sur la différence entre musique profane et musique sacrée. Et c’est Eric Tanguy qui a répondu en premier. D’après le compositeur, c’est l’auditeur qui peut percevoir le sacré dans une oeuvre musicale. Cet aspect sacré est renforcé lorsqu’il y a un texte, lequel permet de donner la clef de l’histoire.
Michel Onfray a livré une vision différente de celle fournie par son ami Eric Tanguy. En effet, pour le philosophe français, la musique sacrée nécessite un temps d’arrêt (silence) pour mieux la comprendre. Quant à Louis Pernot, il s’est appuyé sur des chorals de Bach pour étayer son propos: les religions essaient de codifier le sacré. Pour mieux comprendre ce raisonnement, il semble utile de rappeler brièvement les caractéristiques de ce genre musical. Le choral est une composition à caractère religieux, dans un style harmonique, recherché et expressif. La sobriété de ce genre aide ainsi les fidèles dans leur prières.
Pour finir, le présentateur leur a demandé quelle musique pouvait transporter les participants. Et à cette question, les réponses obtenues furent très variées: ainsi, Eric Tanguy apprécie tout particulièrement le Dixit Dominus de Georg-Friedrich Haendel ou les symphonies de Jean Sibelius. Louis Pernot a évoqué son goût prononcé pour la musique de Denis Gaultier (1603-1672), luthiste français, en citant une oeuvre à redécouvrir: La Rhétorique des Dieux, recueil de 1652. Enfin, Michel Onfray comprend la musique répétitive des compositeurs comme Philip Glass ou Steve Reich.
Cette conférence fut vivement applaudie par le public qui prit beaucoup de plaisir à intéragir avec les participants en échangeant directement ou par téléphone portable afin d’obtenir des informations complémentaires sur un thème précis. Il faudra donc suivre de très près la programmation des prochains Mardis des Bernardins !