D.I.V.A. © J. Stey
D.I.V.A. © J. Stey

D.I.V.A. au théâtre Montparnasse : Lady Gaga à l’opéra

5 minutes de lecture

Depuis le 19 avril et jusqu’à fin juillet, le théâtre Montparnasse accueille D.I.V.A. : un opéra-spectacle qui revisite 6 grands opéras sous forme de mash-up de leurs airs les plus connus. Avec, pour les servir, 5 cantatrices loufoques.
Deux rédactrices de Classicagenda ont assisté au spectacle et leurs avis sont… comment dire… D.ifférents, I.rréconciliables, V.olcaniques… mais A.uthentiques !!!

 

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J’ai aimé

« Je me souviens encore de la naissance des Spice Girls, le premier d’une longue série de groupes musicaux de filles, construit ad hoc sur des principes de marketing.
Il était composé de cinq jolies filles, chacune avec un style différent : la blonde naïve, la brune mince et sexy, la black explosive aux cheveux naturels, la sportive et la rousse ronde et sexy. Une pour tous les goûts.

Aujourd’hui le même modèle a été repris par D.I.V.A. : un girl’s band de cinq chanteuses lyriques, qui se repromet de faire découvrir l’opéra à de nouveaux publics, en jouant sur un univers visuel décalé et sur les codes de communication de la musique pop.

Tel un véritable vidéoclip, la bande-annonce du spectacle de Flore Philis, Marie Menand, Alexandra Hewson, Jazmin Black Grollemund et Audrey Kessedjian, met en scène un collage des tubes de Carmen de Bizet, arrangé par Olivier Rabet.
A ce moment-là, on pourrait craindre la vidéo de musique classique qui se veut extravagante et qui est en fait ridicule, mais ce n’est pas le cas : il s’agit ici de vraies chanteuses lyriques et cela s’entend.
Les 52 569 vues et les commentaires enthousiastes, confirment la réussite de l’opération.

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Je n’ai pas aimé

« Certes, l’affiche du spectacle est séduisante, la présentation prometteuse et le pari de faire venir l’opéra au théâtre, amusant. Car, oui, c’est un spectacle, et non un opéra ; en cela, nous étions prévenues, et c’est même ce qui m’avait convaincue d’acheter ma place. Au fond, qu’est-ce que cela change ? Tout d’abord, ce qu’il nous est permis de vous dire : lorsque nous assistons à un opéra, on connaît déjà la fin. Quand bien même vous ne connaîtriez pas l’argument, vous ne seriez sans doute pas offensé(e) qu’un mélomane ne s’encombre pas avec l’art du suspense. Oui, Tosca meurt au dernier acte. Savoir, mais pleurer quand même. Mais faire une chronique de spectacle en vous décrivant ce qui nous a plu et moins plu, c’est vous révéler une bonne partie des surprises qui font tout l’intérêt d’y aller.

C’est là la grande différence entre un opéra et un spectacle comme D.I.V.A. : la surprise est ailleurs. Dans le premier cas, nous comparons les interprètes, les mises en scène, nous espérons -avouons-le – assister à l’une de ces représentations qui entreront dans le panthéon des œuvres, pour avoir la fierté de dire : «  j’y étais ».
A l’inverse, nous attendons du deuxième qu’il nous surprenne, nous émeuve, nous fasse rire, bref, nous fasse vivre une expérience inédite, sans savoir le chemin qu’il nous fera emprunter. C’est ce voyage vers l’inconnu que nous achetons avec notre billet.

De manière assumée, la Carmen des D.I.V.A. s’inspire de l’univers des icônes de la pop mondiale, comme Madonna et Lady Gaga, et les chanteuses se font plaisir avec les références cinématographiques les plus disparates, allant de la voiture faussement en train de rouler de Psychose de Hitchcock, à l’improbable cover de Bohémian Rhapsody de Queen du délirant Wayne’s World.
Une attention particulière est donnée aux costumes (par Michel Dussarat) qui — bien que finalement pas si originaux, pour les habitués des mises en scène d’Olivier Py — marquent les traits des cinq personnages, attirent le regard et suscitent la curiosité, tout comme les perruques de Michèle Bernet et le maquillage de Christina Lutz. Des strass, des plumes et des perles collées aux visages, les chanteuses présentent au public six célèbres opéras dans une version condensée de dix minutes, à l’enseigne du second degré et de l’envie de ne pas se prendre trop au sérieux.
C’est le seul reproche que je ferai à ce spectacle, mais qui contient toute ma déception : je suis restée dans la salle d’embarquement d’un voyage qui n’a jamais commencé. Inutile, donc, de prendre maintes précautions pour ne pas dévoiler les surprises, car ce spectacle en manque cruellement. Une fois le rideau levé, dévoilant un magnifique tableau d’entrée, tout est dit. S’en suivent, pendant 1h30, des extraits méli-mélo, de la Flûte Enchantée à Carmen, qui sont — certes — l’occasion de quelques gags qui arrachent un sourire, mais qui sont servis par une mise en scène plate et un jeu des cantatrices inégal. Je m’attendais à voir un spectacle faisant (re)découvrir l’opéra, j’ai eu davantage l’impression d’écouter un CD best-of des plus grands tubes du genre. J’attendais le moment où le spectacle “décollerait”, nous permettrait de prendre un peu de hauteur en offrant un nouveau terrain de jeu au lyrique, voire, osons rêver, en donnant naissance à un nouveau genre, à la croisée du théâtre, de l’opéra et du spectacle d’humour. Un cocktail inclassable mais tellement rafraîchissant.

 

D.I.V.A. © J. Stey
D.I.V.A. © J. Stey

Perchées sur des cubes comme des danseuses de boîte de nuit, les chanteuses prennent la parole, en solo, duo ou quintette, et nous conduisent dans un terrain connu et inconnu à la fois, aidées par des projections vidéo (Luminium) et quelques simples accessoires  — savamment choisis pour s’adapter aux décors de Manon Savary.

Le public, étonnamment moins jeune que ce que l’on imaginerait, se laisse porter par ce spectacle loufoque sans prise de tête : des rires remplissent la salle, des pieds tapent les rythmes et les levres se retiennent de fredonner les airs connus.

Je ne sais pas si un spectacle comme D.I.V.A. réussira véritablement à attirer de nouveaux publics vers le chant lyrique, mais il peut certainement contribuer à susciter de l’intérêt vers cet art, toujours soupçonné d’élitisme chez les non-initiés. »

Cinzia Rota

Mais ces extraits d’opéra sans opéra ont du mal à trouver leur place dans un spectacle vivant. Une diversité sans unité, qui affaiblit la proposition artistique.

Je m’interroge : quel public ce spectacle peut-il rencontrer ? Cette création a le mérite de respecter les œuvres, en évitant l’écueil de les dénaturer au profit d’un ressort comique. Certains amateurs d’opéra pourront alors peut-être s’amuser d’entendre leurs airs fétiches interprétés par les cousines de Lady Gaga, en se rappelant avec émotion cette première fois où ils ont vu la Traviata ; une sorte de soirée photos, où l’on feuillette avec nostalgie un vieil album pour replonger dans l’émotion des moments immortalisés. Quant au public qui souhaite découvrir l’opéra et qui pense trouver avec ce spectacle une porte d’entrée plus accessible, ils s’y ennuieront quand même. Dommage… »

Anne-Laure Robine

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Professeur des écoles le jour, je cours les salles de Paris et d'ailleurs le soir afin de combiner ma passion pour le spectacle vivant et l'écriture, tout en trouvant très souvent refuge dans la musique classique. Tombée dans le théâtre dès mon plus jeune âge en parallèle de l'apprentissage du piano, c'est tout naturellement que je me suis tournée vers l'opéra. A travers mes chroniques, je souhaite partager mes émotions sans prétention mais toujours avec sensibilité.

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