Pelléas et Mélisande © Charles Duprat - ONP
Pelléas et Mélisande © Charles Duprat - ONP

Pelléas et Mélisande : lumineuse légende

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C’est toujours un événement lorsqu’une proposition de Bob Wilson trouve une place dans une programmation parisienne, d’autant plus à l’opéra. En reprenant sa mise en scène du Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, l’Opéra national de Paris se garantie la présence d’un public fidèle. Cependant, la relecture n’a pas convaincu totalement les spectateurs-auditeurs. Décryptage.

 

L’histoire de Pelléas et Mélisande tient à la fois du conte et de la légende. Dans une forêt, Golaud découvre Mélisande, une jeune femme, en pleurs et effrayée. Il parvient à l’emmener avec lui et six mois après son mariage, il demande l’autorisation à Pelléas, son demi-frère, afin de rentrer au royaume. En jouant avec lui près d’une fontaine, dans une grotte, Mélisande perd son alliance. Lorsque son époux s’en aperçoit, le soir même, il la somme d’aller la chercher. Jaloux, le mari tente de quémander des informations sur la relation naissante entre Pelléas et Mélisande auprès du jeune Yniold. Mais l’annonce du départ prochain de Pelléas précipite son frère dans une jalousie exponentielle qui finira par la mort venue envelopper de son drapé sombre les deux amants.

De la mise en scène de Robert Wilson, nous en attendions beaucoup. Dès l’ouverture, les rais de lumière, mouvants, noirs et bleus, nous plombe dans une valse illuminée si caractéristique du maître de l’esthétisme. Mélisande, au sol, immobile, resplendit, auréolée d’une source lumineuse à la fois profonde et délicate, qui effleure la scène. Bob Wilson maîtrise à la perfection les codes de l’éclairage. A l’opéra comme au théâtre, ses interprètes ont le visage grimé de blanc et tout est millimétré. Pas besoin de décor imposant, tout passe par la suggestion, l’imaginaire, l’espace mental du spectateur. Cependant, et c’est là que le bât blesse, la relecture effectuée est parfois trop approximative voire en contradiction avec le livret. Si les tableaux sont visuellement sublimes et accompagnent comme une caresse la musique de Debussy, à la fois fuyante et mystérieuse, la direction musicale de Philippe Jordan semble un peu sèche, là où elle demande douceur, ondulation et lyrisme mystérieux. Semblable à une embarcation, parfois calme ou tempétueuse, la partition nécessite d’être constamment nuancée et n’est ici que tension permanente.

Du côté vocal, Etienne Dupuis est un solide Pelléas aux côtés d’Elena Tsallagova, parfaite Mélisande aux aigus cristallins comme l’onde de lumière qu’elle effleure du bout des doigts. Elle se montre captivante. Telle une statue vivante et personnifiée, ses déplacements traduisent à la fois la grâce et la fermeté. Le duo que forment les amants est convaincant et la scène de l’acte II dans la tour, rappelant de loin le balcon de Roméo et Juliette, est resplendissante. Le petit Yniold est incarné par une femme, Jodie Devos, pour davantage de douceur bien qu’elle virevolte sans cesse sur le plateau.  Franz-Josef Selig campe un Arkel aux allures de Merlin l’enchanteur que l’on imagine dans nos souvenirs d’enfance, bercés par les légendes merveilleuses. Le vieillard, barbe longue et vêtements amples, semble flotter sur la scène. Il enchante le plateau vocal par une présence affirmée. Luca Pisaroni est remarquable en Golaud. La distribution se montre à la hauteur et fait briller « un soleil du soir dans les yeux » de la musique de Debussy.

A Aix-en-Provence l’an dernier, la version donnée par Katie Mitchell nous laissait sous le choc, conquis par son appropriation de cet univers spécifique. Ici, Bob Wilson ne renouvelle pas l’exploit de nous surprendre avec une œuvre qui a depuis longtemps quitté la catégorie des découvertes. Il remplit néanmoins le contrat en proposant un travail soigné mais peut-être trop scolaire pour ne pas risquer de nous lasser. Rappelons que toutes les représentations de Pelléas et Mélisande seront dédiées à la mémoire de Pierre Bergé qui nous a quittés il y a quelques jours et qui a soutenu le travail de la maison de l’Opéra national de Paris.

Professeur des écoles le jour, je cours les salles de Paris et d'ailleurs le soir afin de combiner ma passion pour le spectacle vivant et l'écriture, tout en trouvant très souvent refuge dans la musique classique. Tombée dans le théâtre dès mon plus jeune âge en parallèle de l'apprentissage du piano, c'est tout naturellement que je me suis tournée vers l'opéra. A travers mes chroniques, je souhaite partager mes émotions sans prétention mais toujours avec sensibilité.

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