Pour le premier spectacle de la saison 2017-2018, l’Opéra Comique a programmé “Miranda”, un ” semi-opéra”, d’après Shakespeare et Purcell, conçu par Raphaël Pichon, le déjà célèbre directeur musical du jeune ensemble Pygmalion (Choeur et Orchestre), ainsi que par Katie Mitchell et Cordelia Lynn. Nous sommes allés assister à la représentation du 29 septembre.
L’Opéra Comique propose pour l’ouverture de sa saison “Miranda”, imaginé comme un prolongement de l’œuvre de Shakespeare “La Tempête” et revendiquant la double filiation de ce dernier et d’Henry Purcell (1659-1695). On l’aura compris, il ne s’agit pas d’un “opéra oublié” d’Henry Purcell mais bien d’une création quelque peu hybride dans laquelle se mêlent des textes du grand Will et pour l’essentiel des musiques du compositeur anglais et de quelques-uns de ses contemporains Clarcke et Locke, mais aussi d’Orlando Gibbons.
Le scénario conçu par la librettiste Cordelia Lynn nous met en présence d’une église anglaise ; Chloé Lamford a créé un décor à la fois très ordinaire mais aussi très beau, tout de marbre froid.
On s’apprête à célébrer les funérailles de Miranda qui vient de se suicider. Cette cérémonie va donner lieu à une sorte de “happening familial” au cours duquel vont se succéder règlements de comptes : accusations de viols et de maltraitances diverses. Il s’avère que le récit n’est pas toujours d’une lisibilité parfaite. Car ce “semi-opéra”, comme le désignent ses initiateurs, trouve ses limites dans la contrainte à laquelle ils se sont heurtés : celle d’assurer une nécessaire cohérence entre un récit complexe nourri de rebondissements et des musiques éparses, la plupart du temps géniales, glanées ça et là dans les œuvres du compositeur de Didon et Énée ou de ses confrères précités.
Mais la mise en scène très serrée de Kate Mitchell – et une très belle direction d’acteurs-chanteurs – ont raison de ce manque de lisibilité et l’ouvrage porté par la musique – souvent très belle – en forme de continuo, parvient à donner une vie intense à cette histoire improbable et à lui conférer une tension parfois étouffante.
Force est de constater en effet que le montage, car il s’agit bien de cela – d’aucuns diront patchwork – est dramatiquement et musicalement très réussi. Tous les interprètes, à des degrés divers, concourent à la réussite indéniable de cette soirée : citons notamment les deux principaux rôles solistes Kate Lindsey et Katherine Watson, respectivement Miranda et Anna, deux très belles voix rayonnantes.
Ne sont pas oubliés le ténor Allan Clayton qui interprète Ferdinand rejeté par la sombre héroïne de cette histoire tourmentée, ni Henry Waddington en Prospéro ; Marc Mauillon incarne idéalement, vocalement et dramatiquement, un pasteur bousculé par des évènements qui le dépassent ; citons enfin le jeune Aksel Rykkvin (soprano garçon) dans le rôle d’Anthony.
Le Choeur Pygmalion (au sommet) et la Maîtrise populaire de l’Opéra Comique avec un Orchestre Pygmalion, dirigés de main de maître par Raphaël Pichon, sont les artisans de cette belle et étrange cérémonie en forme d’hommage à Henry Purcell.