Rencontre avec le pianiste et fondateur du Label Fondamenta, Frédéric D’Oria-Nicolas, à l’occasion de la sortie de son nouvel album consacré à Scarlatti. Pour Classicagenda, il revient sur son aventure musicale discographique et celle de son label.
Profil atypique du paysage musical français, le pianiste Frédéric d’Oria-Nicolas aime autant jouer qu’il sait écouter et admirer les autres. Sa quête personnelle de la qualité sonore semble inextinguible. Elle l’a amenée, en dehors de la scène, à collectionner les enregistrements, puis à créer Fondamenta, une maison de disque de haute qualité, dont il évoque les particularités, autour de son disque consacré à Scarlatti.
Pourquoi revenir à l’enregistrement avec Scarlatti ?
Scarlatti a été l’un des plus grands chocs de ma vie musicale. Il m’accompagne depuis ma jeunesse où j’écoutais beaucoup de sonates au clavecin, notamment par Scott Ross… j’écoutais aussi de merveilleux enregistrements de Clara Haskil, Dinu Lipatti ou encore Emil Gilels… Je joue certaines sonates depuis 20 ans, depuis mes études en Russie en fait … Ce qui est passionnant chez Scarlatti c’est que son univers semble infini. Il est d’une fantaisie incroyable, à la hauteur de celle d’un Schumann ! Il ne se cite jamais et ce n’est jamais redondant, c’est vraiment remarquable… et puis c’est un tardif ! (rires) Il commence à écrire ses sonates à 57 ans ! J’aime l’idée qu’on puisse être génial sans forcément être précoce.
J’aime l’idée qu’on puisse être génial sans forcément être précoce.
L’album comporte une sélection personnelle de quinze sonates, comment s’est fait votre choix ?
Je voulais en jouer de très connues et d’autres très rares. Celles de ma sélection comptent parmi mes préférées dans ces deux catégories. Ce sont des sonates très colorées, orchestrales, qui n’ont pas de frontière de timbre : on entend des guitares, des castagnettes, des percussions… Le piano permet de rendre toutes ces couleurs tout en maintenant une ligne épurée, et c’est ce que j’ai essayé de faire avec ces miniatures qui sont tantôt très enjouées, tantôt très mélancoliques. Elles sont, je trouve, accessibles et plaisantes à un large public et toutes d’une grande qualité d’écriture et d’une variété vertigineuse.
L’infinie variété et le goût du détail, c’est ce qui vous plaît chez Scarlatti, et aussi plus généralement dans l’art ?
Oui… Lorsque j’ai cherché à illustrer visuellement cette sensation d’infini pour la pochette de l’album, j’ai eu un coup de cœur pour le travail de Max Tetar. C’est un artiste de ma génération, qui fait des fresques immenses avec des motifs dont aucun n’est semblable à l’autre… Pour moi c’était très représentatif de Scarlatti… il y a chez Tetar comme un foisonnement avec quelque chose d’unique dans chaque détail ; comme chez Scarlatti, c’est d’un extrême raffinement.
Cet album Scarlatti est édité chez Fondamenta, le label que vous avez créé…
En effet, le Label Fondamenta existe depuis 2008. La motivation était l’envie de travailler la qualité sonore. D’ailleurs aujourd’hui, c’est ce qui fait notre renommée : l’extrême qualité de la prise de son et le rendu sonore lui-même. Le son fait l’objet de deux masterings différents. Nous faisons cela depuis le début et sommes les seuls à le faire!
Il y a donc 2 CD dans chaque album ?
En effet, deux disques pour deux masterings différents. L’un, le Fidelity CD délivre toute la plage dynamique originale et c’est ce qu’on pourrait appeler une version audiophile, destinée aux systèmes audio haute-fidélité. En plus, il y a le Mobility CD, où le mastering est optimisé pour une écoute nomade, adaptée aux ordinateurs ou à la voiture par exemple. Il permet de ne pas avoir à régler constamment le volume par exemple.
Et puis vous éditez de vieux enregistrements inédits aussi avec la collection Lost Recordings ?
Ces dernières années, je me suis consacré à la recherche d’enregistrements inédits d’artistes de légende et à leur restauration. Cette collection m’a complètement happé ! Je me sentais comme Indiana Jones ! J’ai parcouru les archives du monde entier, Berlin, Amsterdam, Moscou, Londres…. Puis ça a été un énorme travail de recherche et d’écoute ; avant de trouver la pépite, j’ai écouté des milliers d’enregistrement !
On a redécouvert et partagé des inédits fabuleux d’Ella Fitzgerald, André Navarra, Oscar Peterson, Dizzy Gillespie et dernièrement Emil Gilels.
Tout ce travail a donné lieu à une collection qui s’appelle the Lost Recordings, qui touche tant au classique qu’au jazz. J’en suis très fier… On a redécouvert et partagé des inédits fabuleux d’Ella Fitzgerald, André Navarra, Oscar Peterson, Dizzy Gillespie et dernièrement Emil Gilels. C’est un grand bonheur musical, et nous sommes heureux du succès que nous avons rencontré, tant auprès de la presse que du public notamment en Allemagne, en Angleterre et aux Pays-Bas, où nous avons reçu le Prix Edison, remis par Renée Fleming … un moment inoubliable !
Et pour la suite ?
Nous avons découvert un enregistrement qui va réécrire l’histoire du jazz ! Il s’agit de légendes des années 70 jouant ensemble… Je ne vous en dis pas plus, l’album sortira en 2020. Et pour la collection d’artistes d’aujourd’hui, nous travaillons actuellement sur trois projets, dont le prochain sera un disque Tchaikovsky par Vladimir Tropp d’une beauté absolue !
En CD et téléchargement mp3, FNAC, Amazon.