Stéphanie-Marie Degand
Stéphanie-Marie Degand © François Séchet

Un temps pour Elles : les violonistes compositrices avec Stéphanie-Marie Degand

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Samedi 3 juillet à l’église de Taverny, la rayonnante violoniste Stéphanie-Marie Degand, entourée de ses élèves du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et du pianiste Simon Zaoui, nous amenait à découvrir quelques grandes figures du violon et éminentes compositrices dans le cadre du Festival « Un Temps pour Elles ». Un concert dont ont pu se délecter les aficionados du violon, et pas qu’eux.

 

A cheval sur les mois de juillet et août, le festival Un Temps pour Elles se consacre exclusivement à la mise en lumière de musiciennes compositrices à travers les siècles. Audacieux et tout à fait unique en son genre, ce jeune festival a su attirer l’intérêt et la sympathie d’excellents interprètes, curieux et prêts à apporter leur propres sensibilité et pièces d’intérêt. Le concert de ce 3 juillet en est un parfait exemple. La soirée était consacrée au violonistes compositrices, du XVIIIe siècle à aujourd’hui :  Maddalena Sirmen, Teresa Milanollo, Grazyna Bacewicz et la toute jeune et remarquable Elise Bertrand.

Le concert s’ouvre avec deux duos de Maddalena Sirmen née Lombardini présentés et interprétés par Stéphanie-Marie Degand et Gaspard Maeder. Comme l’explique Stéphanie-Marie Degand, les deux duos sont de facture classique pour l’époque, en deux mouvements, avec un premier mouvement vif et un deuxième plus élégant.

Maddalena Lombardini nait à Venise dans un famille pauvre mais noble. Elle commence la musique à l’orphelinat, l’Ospedale dei Mendicanti, étudie avec le fameux Tartini, et fait une carrière musicale hors de Venise. Elle se marie avec le violoniste Ludovico Sirmen en 1767 et ils enchainent les tournées avec beaucoup de succès, notamment à Paris et Londres, et on se souviendra d’elle comme d’une compositrice et exécutante brillante. Ses duos ont des accents quasi mozartiens, très équilibrés, très harmonieux. Complices, Stéphanie-Marie Degand et Gaspard Maeder mêlent les voix de leur violon avec un sens de la nuance raffiné, jouant avec une aisance brillante jusque dans les parties les plus délicates.

Le festival Un temps pour Elles
Le festival Un temps pour Elles © Nicolas Neufcourt

L’impromptu de Teresa Milanollo dite « Mademoiselle Adagio »

Un joli Impromptu opus 8 de Teresa Milanollo est ensuite interprété par l’altier Arthur Decaris au violon, et Simon Zaoui au piano. C’est une partition vibrante, profondément romantique, interprétée avec un vibrato viril par Arthur Decaris, mais qui se souvient de Teresa Milanollo, dont le nom est porté par un Stradivarius, le « Milanollo » ?

Teresa Milanollo, naît près de Turin, en 1827, dans une famille nombreuse et pauvre. Elle étudie dans cette même ville et se produit très tôt, à huit ans, à Marseille. Le succès est tel, que ses parents s’installent à Paris où Teresa poursuit son apprentissage auprès d’éminents professeurs dont Charles-Auguste de Bériot, donne des concerts devant et avec de célèbres compositeurs de son temps en Europe. Elle a une petite soeur, également violoniste de talent, et toutes deux sont surnommées Mlle Adagio (pour Teresa), et Mlle  Staccato (pour sa soeur Maria). Leurs concerts font salle comble jusqu’à la mort prématurée à 16 ans de la petite soeur. Teresa continuera de faire une belle carrière inspirant des compositeurs tels que Henryk Wieniawski, qui lui dédie son Capriccio-Valse en mi-majeur. En 1857, Teresa se marie avec un aide de camp du Maréchal Niel, excellent musicien et compositeur amateur, et met un terme à sa carrière de violoniste.

Contrastant singulièrement avec cette pièce délicieusement romantique, le concert s’enchaîne avec la Sonate poème opus 11 d’Elise Bertrand. Cette jeune violoniste semble destinée à autant d’engouement que Teresa Milanollo et on est impressionné par son écriture, riche, dense, empreinte de lyrisme et qui semble déjà avoir assimilé les évolutions de l’écriture musicale du XXe siècle. Ce 3 juillet, sa sonate fût  admirablement interprétée par l’excellent Simon Zaoui au piano et au violon, Alcide Ménétrier. Ce jeune violoniste, petit de taille, des cheveux noirs, drus, ébouriffés, se révèle dans cette sonate d’une puissance virtuose remarquable, rappelant un Isaac Stern, avec une main gauche qui semble couvrir tout le manche du violon, tandis que sa main droite imprime une maîtrise absolue à l’archet. La relève est assurée.

 

Compositrices sûres et fervents interprètes

Retour au romantisme avec Stéphanie-Marie Degand et la très belle Sonate en si mineur d’Amanda Maier. On avait vu la violoniste en duo dans un style parfait, quasi galant. Avec Amanda Maier on entre dans le romantisme passionné et dévorant. Le premier mouvement allegro d’un grand lyrisme amène à des accords qui semblent arrachés au destin pour ouvrir sur des trilles célestes. Le son chaud et velouté de Stéphanie-Marie Degand convient parfaitement à ce romantisme à la fois tendre et tourmenté de la pièce, passant de la fougue du premier mouvement à la douceur d’un deuxième mouvement semblable à une berceuse, et s’achevant dans le troisième mouvement molto allegro par des accords d’une autorité implacable, le tout mené avec maestria par la violoniste et l’impétueux Simon Zaoui au piano.

Le festival Un temps pour Elles
Le festival Un temps pour Elles © Nicolas Neufcourt

Après cette sonate très applaudie, on a le bonheur de trouver les quatre violonistes du concert réunis ensemble sur scène pour un quatuor de violons de la compositrice polonaise Grazyna Bacewicz écrit en 1949. Si les premières danses déroutent un peu l’auditoire, qui s’était confortablement installé dans le climat romantique de la sonate précédente, on s’adapte rapidement à l’écriture de la jeune polonaise, aux tournures modernes, aux rythmes slaves qui ne sont pas sans faire penser à Bartok, et surtout à l’excellent agencement des quatre violons. Le dernier mouvement, vif, particulièrement réussi, témoigne de l’humour et de l’espièglerie de Bacewicz.

Un coup de chapeau à Héloïse Luzzatti, violoncelliste et organistrice du Festival « Un temps pour elles », qui avec Stéphanie-Marie Degand a conçu ce programme avec ces pièces soigneusement et judicieusement choisies. Un concert dont on sort agréablement surpris et enrichi.

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