La jeune pianiste Jodyline Gallavardin s’est fait remarquer avec son premier disque Lost Paradises, pensé comme un voyage initiatique où le temps semble suspendu, entre contemplation et onirisme. Nous l’avons interviewée avant ses récitals aux Musicales de Cambrai puis à La Scala Paris. Rencontre.
A travers votre premier album, salué par la critique, vous avez voulu, selon vos mots, « raconter une histoire ». Comment avez-vous imaginé ce programme ?
Initialement, dans mon esprit, il s’agissait de pièces qui allaient très bien ensemble musicalement, qui fonctionnaient à l’oreille. Et je voulais construire un programme de façon différente. L’idée de la construction du disque est liée à la géométrie, avec une pièce centrale et trois autres. La première répond à la dernière, avec le Cowell (Three Irish Legends) qui répond à Ravel (La Valse), création-destruction. Ça commence avec un registre très grave dans Cowell, ça se termine de la même façon dans Ravel. Ensuite, la deuxième pièce, de Sibelius (Five Trees), répond au Séverac (Cerdaña). Il y avait cette idée de structure en arc-en-ciel.
D’un point de vue musical et artistique, ces pièces avaient une connexion à l’oreille, que je ne peux pas forcément expliquer.
D’un point de vue musical et artistique, ces pièces avaient une connexion à l’oreille, que je ne peux pas forcément expliquer. Ce n’est pas un programme conçu de façon strictement musicologique mais construit plutôt par rapport à un récit.
Rodolphe Bruneau-Boulmier évoque cet album pensé « comme un refuge à l’agitation de notre époque, au bruit envahissant », vous avez besoin de vous placer à l’écart du quotidien pour trouver l’inspiration ?
Je suis de nature un peu sauvage, et j’aime bien les endroits perdus dans la nature, jamais silencieux, mais relativement calmes. Et en même temps j’habite à Lyon, j’aime la ville, aller au concert, voir du monde… Et en l’occurrence j’ai pensé ce disque quand j’habitais en Suède, dans un endroit minuscule, au bord d’un lac, en pleine pandémie.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cet endroit ?
C’est vraiment la nature folle scandinave comme on se l’imagine de façon un peu carte postale ou documentaire Arte (rires). De grandes étendues de forêts assez peu touchées par l’homme, de grands lacs, des myrtilliers qui recouvrent 70% du sol, et pas grand monde qui se promène. Et il y a aussi ce petit campus, qui est en fait une école supérieure de musique où enseigne une professeur de piano surmotivée qui construit elle-même sa propre classe, une pédagogue dans l’âme, Julia Mustonen-Dahlkvist.

Parlez-nous de votre relation avec cette pianiste.
Je l’ai rencontrée dans une master classe il y a quelques années et ça a marché ! C’est une excellente pianiste. Elle a travaillé avec Alicia de Larrocha par exemple, et a étudié avec d’excellents pédagogues, mais pas dans l’optique de faire de concours, faire carrière… Son but était vraiment de nourrir sa pédagogie et d’ouvrir sa propre classe. Je trouve ça vraiment beau ! Je n’ai jamais rencontré cela chez quelqu’un d’autre.
J’ai découvert que le beau son n’était pas une lutte physique.
Elle est très exigeante. Avec elle, on travaille sur de petits bouts de partition, et en même temps elle voit aussi le grand tableau, avec un grand recul. Il est beaucoup question de technique du son : comment le geste technique est relié au geste musical, comment l’un nourrit l’autre. J’ai découvert que le beau son n’était pas une lutte physique, jamais, mais plutôt quelque chose de naturel.
Avez-vous des œuvres fétiches ?
Je ne joue pas forcément des œuvres connues mais j’aime beaucoup celles du grand répertoire. Par exemple, mes pièces préférées au piano sont les sonates de Schubert. Et je suis plutôt attirée par le répertoire du XXème, mais c’est impossible de choisir…
Vous serez à La Scala de Paris le 25 mai, dans un programme tout de même différent de votre album. On pense à Alexandre Scriabine (Sonate n°2 Opus 19), Peteris Vasks (Music for a summer evening), Nikolaï Medtner (Fairy Tales), ou Alexandre Scriabine (Fantaisie Opus 28), pourquoi ce choix ?
Ici, j’ai mis Amy Beach en entier avec le deuxième Chant de la grive solitaire à l’aube. Le programme est parti de ce choix, du passage du crépuscule à l’aube. Et le récital est construit de cette façon-là. Il y a l’idée du renouveau, du printemps. Pour Vasks, sa note d’intention est assez significative du reste du programme. Il raconte un épisode douloureux, tragique, et puis le retour au calme, une forme de sérénité, et un chant populaire qui vient à la fin donner un nouvel élan. Les pièces se sont organisées de manière naturelle…
Ses prochains concerts :
MAI
21/05 Musée Matisse, Cambrai
25/05 Scala, Paris
26/05 Thionville
JUILLET
10/07 En Blanc et Noir, Lagrasse
17/07 Festival Radiofrance, Montpellier
17/07 Festival Radiofrance, Jacou
18/07 Festival Radiofrance, Fabrègues