Quentin du Verdier à l'orgue de Champcueil
Quentin du Verdier à l'orgue de Champcueil © Marc Plissard

Quentin du Verdier aux sources de l’orgue français

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Pour son premier album, l’organiste Quentin du Verdier enjambe près de deux siècles de musique polyphonique : du Kyrie édité par Pierre Attaignant en 1531 au Kyrie de la Messe de Nicolas de Grigny (1699). Un parcours passionnant.

 

Avec cet album, le label Rocamadour explore les sources du style classique français grâce à Quentin du Verdier, 25 ans seulement. Ce disque est né de la collaboration entre le label et le Conservatoire national supérieur de musique de Paris où l’organiste décrocha un master avec mention très bien. L’artiste est aussi lauréat de premiers prix de concours internationaux. 

Ce programme prend toute sa dimension sur l’orgue Dominique Thomas de Champcueil en Essonne, une reconstitution d’instrument dans le style franco-flamand du XVIIème au tempérament mésotonique (un accord réalisé pour donner des tierces majeures justes). Il est constitué de 32 jeux, répartis sur 3 claviers et un pédalier. Les registrations utilisées, disponibles à la fin du livret, sont un guide utile pour comprendre les sons obtenus par le mélange des jeux. 

Aux origines de l'orgue français, album de Quentin du Verdier
Aux origines de l’orgue français, album de Quentin du Verdier

L’originalité de ce projet réside en outre dans l’alternance entre l’orgue et le plain-chant, assuré par Thomas Van Essen et l’ensemble Les Meslanges. Une pratique utilisée lors de fêtes solennelles. On peut aussi compter sur le serpent de Volny Hostiou, un instrument à vent cousin éloigné du cornet à bouquin, qui possède le timbre idéal pour soutenir et magnifier les voix.  

Les pièces se succèdent dans l’ordre chronologique. Un choix intéressant qui laisse entrevoir l’évolution des styles au fil des années. On doit la première œuvre, le Kyrie anonyme de 1531, à l’invention de l’impression musicale par Pierre Attaignant. Sachant que l’organiste de la Renaissance pratiquait surtout des improvisations, on n’est pas surpris par la liberté de style de ce Kyrie.

Polyphonie élargie

Près d’un siècle plus tard, Jehan Titelouze apporte une polyphonie élargie qui prend ses racines dans le style de l’école franco-flamande de Ducauroy. En témoigne l’interprétation irisée de l’Hymne Ad Coenam agni providi livrée par Quentin du Verdier. 

Puis, pour la Fantaisie sur le Regina Caeli de Charles Racquet, l’organiste a tenté de se rapprocher de la configuration historique des jeux de l’orgue de Notre-Dame de Paris. Et pour reproduire le décor solennel d’une sortie de messe, les cloches de l’église de Champcueil s’invitent même sur cette pièce ! La fantaisie s’achève dans un élégant plein-jeu, soutenu par la Trompette du pédalier.

L’œuvre de Louis Couperin, oncle de François, mériterait une plus large diffusion. Pour preuve, l’organiste nous propose là un bouquet de fantaisies, toutes singulières par leur registration et leur thème, agrémentées par le jeu de Rossignol, ou le Tremblant. Plus épurée, la Fantaisie OL 26, jouée uniquement sur les fonds, offre un lyrisme touchant.

Un Récit de Cromorne éloquent

Les claviers de récits, jusque-là non utilisés par les compositeurs, font leur entrée avec Guillaume-Gabriel Nivers et ses contemporains. On relèvera l’éloquent Récit de Cromorne du Benedictus de la Messe Cunctipotens sur le clavier Positif, d’une surprenante vocalité.  

L’album s’achève en apothéose avec Nicolas de Grigny, syncrétisme des compositions du passé et du style classique. Grâce à une ornementation et à une polyphonie aboutie, les pièces de ce Kyrie, en écho au Kyrie d’Attaignant, demeurent les plus remarquables de ce programme. Le jeune organiste montre une solide maîtrise de ce répertoire, guidé par une lecture intelligente et documentée. Nul doute que l’on entendra parler de Quentin du Verdier dans les prochaines années !

Le mot de l’artiste, Quentin du Verdier

“Ce qui me touche dans cette musique c’est sa pureté. L’orgue Thomas de Champcueil, sur lequel j’ai enregistré ce disque, est accordé au tempérament mésotonique ce qui fait que les accords sonnent parfaitement juste, ils ont une limpidité particulière. Cet instrument est une reconstitution très fidèle de la facture de la fin de la Renaissance, qui est radicalement différente de la facture classique, et permet donc de rendre justice à cette musique.”

 

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Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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