La Diane Française au Printemps des Arts de Monte-Carlo
L'ensemble La Diane Française au Musée océanographique de Monaco © Alice Blangero

Des jeux et des cordes au Printemps des Arts de Monte-Carlo

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Les 17 et 18 mars, nous avons assisté à deux soirées du festival Printemps des Arts de Monte-Carlo. L’une consacrée aux jeux – rien d’étonnant dans la principauté –  avec le trio Bernold, l’autre au violon du XVIIIème siècle avec l’ensemble La Diane Française mené par Stéphanie-Marie Degand.

 

Pour ce deuxième week-end monégasque (voir notre compte-rendu du premier), Bruno Mantovani, directeur artistique du Printemps des Arts, compositeur et ancien directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse (CNSMD) de Paris, avait convié de remarquables professeurs de cette institution prestigieuse, source intarissable de talents. On pense notamment au flutiste Philippe Bernold ou à la violoniste Stéphanie-Marie Degand, mais aussi à l’organiste Thomas Ospital qui s’est produit le jeudi soir dans un récital mémorable, aux dires des spectateurs.

Lise Berthaud, Anaïs Gaudemard et Philippe Bernold
Le trio Bernold, le 17 mars 2023 au Printemps des Arts © Alice Blangero

Faites vos jeux

La salle des conférences du Musée océanographique accueillait le premier concert avec le trio Bernold, du nom du flutiste Philippe Bernold. Aux côtés de pointures telles que l’altiste Lise Berthaud et la harpiste Anaïs Gaudemard, il explore le thème du jeu grâce aux pièces de Kurtág, Bach et Debussy. De ce dernier, le trio a extrait la Children’s Corner Suite – à l’origine pour piano mais transcrite ici par Carlos Salzedo – une série de charmantes miniatures en guise d’apéritif musical. La harpe d’Anaïs Gaudemard s’appropriera avec un lyrisme remarquable une pièce impressionniste, la Première Arabesque, écrite à l’origine pour le piano. Des arabesques, il en est aussi question avec Syrinx, pour flûte. L’espace de quelques minutes suspendues, Bernold semble ressusciter le mythe grec et improviser une mélodie incandescente. Quant au trio, il donnera le meilleur de lui-même dans la mélancolique et avant-gardiste Sonate pour flûte, alto et harpe, révélée grâce aux délicats jeux de timbres entre les instruments. Indéniablement, les artistes ont su présenter les subtilités d’une musique entre ombre et lumière, entre mélancolie et joie. De plus, en remplaçant le clavecin par la harpe, Debussy fait renaître ici l’art de la sonate en trio. 

Dans la Sonate en mi bémol majeur pour flûte et clavecin de Jean-Sébastien Bach, la harpe apporte sa richesse de timbres et ôte l’aspect percussif qu’apporte le clavecin, éclairant d’un nouveau jour cette pièce.

Anaïs Gaudemard et Philippe Bernold
La harpiste Anaïs Gaudemard et le flutiste Philippe Bernold au Printemps des Arts © Alice Blangero

L’idée du jeu se manifeste particulièrement avec György Kurtág et les Extraits de Jelek, játékok és üzenetek, pièces en solo et en duo, et de Jelenetek pour flûte, op. 39. Játékok signifie « jeux » en hongrois. Parmi ces miniatures, notons notamment « …preparation, experiments for the creation of a perpetuum mobile… », de l’opus 39, une œuvre dans laquelle le flutiste émaille son interprétation d’onomatopées, piquant la curiosité du public. 

Le violon dans tous ses états

Le lendemain, une conférence menée par le violoniste Fabien Roussel permettait d’appréhender le statut du violon au XVIIIème siècle, ou comment le violon a gagné ses lettres de noblesse au fil du temps. Des premières bandes de violons accompagnant les spectacles de rues aux orchestres organisés et puissants, la place du violon a évolué. Tout comme le son, plutôt âpre à l’origine, qui gagnera en vocalité et en virtuosité grâce aux compositeurs italiens. Harmonie et polyphonie viendront également enrichir la palette sonore de l’instrument grâce à la technique.

De la théorie… à la pratique. Stéphanie-Marie Degand et les musiciens de son ensemble La Diane Française, composé principalement de jeunes artistes prometteurs, ont donné un solide panorama du violon au XVIIIème. Malgré un accord des cordes pas facile à maintenir au fil du concert, les onze protagonistes ont parcouru brillamment des pièces de Rebel, Francoeur, Leclair, Locatelli, Geminiani, Vivaldi et Bach. Lesquelles contenaient aussi bien une élégante ouverture à la française (Ouverture de Scanderberg de Rebel et Francoeur), que des concertos grossos italiens, tandis que le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur de Jean-Marie Leclair synthétisait les influences des deux pays. Ce dernier était d’ailleurs considéré comme l’un des premiers virtuoses du violon. Il fut surnommé l’ange violoniste lors d’une joute musicale face au démon Locatelli dont le Concerto grosso en mi bémol majeur, tout en contrastes saisissants, sera joué à la suite du concerto de Leclair. 

Le Concerto grosso en ré mineur “La Follia”, une transcription de Geminiani d’après la fameuse Sonate op5 n°12 de Corelli, fait sensation avec l’emploi de techniques comme les doubles cordes résonnantes. Dans la même veine, le Concerto pour quatre violons en si mineur de Vivaldi – où l’on voit virevolter les thèmes sur chacun des violons – se révèle un terrain de jeu grisant pour les solistes. 

On retiendra de ce concert la formidable énergie qui se dégage de l’ensemble, emmené par la charismatique Stéphanie-Marie Degand, à l’aise sur tous les terrains musicaux. 

Le festival se poursuit jusqu’au 2 avril.

 

Rédacteur en chef adjoint de Classicagenda, Julien Bordas rédige également depuis 2016 des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts. Sa passion pour la musique classique provient notamment de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass.

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