Les 20, 21 et 22 mai derniers, la Fondation Banque Populaire a investi, pour la 9ème édition, l’orangerie du Parc de Bagatelle, pour ses Musicales, festival mettant en lumière ses lauréats dans une ambiance festive, légère et ludique.
Bagatelle : n.f. « Occupation futile, dénuée de sérieux ; fadaise : Perdre son temps à des bagatelles. » Beethoven serait ravi de lire cette définition du Larousse. A moins que…
« Composition de caractère léger ». Ah oui, voilà qui est déjà mieux ; lorsqu’on parle de musique, la futilité se transforme en légèreté.
Dans tout art, la futilité est à la fois de mise et hors-jeu. L’art musical n’y échappe pas : parce qu’il est gratuit — au sens de « désintéressé », il est aussi inutile à l’action qu’indispensable à l’esprit.
Au rang des actions désintéressées, le mécénat, au sens strict du terme, occupe une place de choix. Cependant, les politiques de mécénat sont aujourd’hui souvent instrumentalisées pour se faire le relais de stratégies de communication, par des actions opportunistes dont le succès se mesurera davantage à l’écho médiatique qu’elles susciteront qu’à leur efficacité. La générosité oui, mais pas à n’importe quel prix.
Dans un secteur d’activité durement soumis à la loi des marchés (financiers), la constance de la Banque Populaire, qui soutient depuis 24 ans l’éclosion de jeunes talents, fait notable exception.
Les Musicales de Bagatelle, rendez-vous annuel pour célébrer les jeunes pousses lauréates de la Fondation d’entreprise, sont, depuis 9 ans, la vitrine d’une action qui a commencé bien avant que le festival ne mette en scène cet engagement.
Cette fidélité à la cause a permis à la Fondation de constituer, année après année, un palmarès impressionnant de découvertes qui font la scène musicale classique d’aujourd’hui : Renaud Capuçon, Edgar Moreau, Nicolas Angelich, pour ne citer qu’eux.
Ainsi, plus encore que l’amour de la musique, c’est l’amour pour ceux qui la créent et la font vivre aujourd’hui que le festival des Musicales de Bagatelle honore, avec une joie et une légèreté de ton (musical), donnés, encouragés, soutenus et amplifiés par la facétie de Marielle Nordmann, directrice artistique du festival.
Légèreté d’abord, car le programme, composé de quatre concerts, cherche à multiplier les rencontres entre les arts, les genres, les publics, et bien sûr les artistes. Quatre concerts à thème, pour faire un tour de piste de la diversité artistique encouragée par la Fondation.
Pendant cette 9ème édition, on a pu assister à un concert baroque rendant hommage à Bach et à Vivaldi et à un concert dédié au duo sous toutes ses coutures, les accordéonistes Fanny Vicens et Vincent Lhermet reprenant, entre autre, la Suite pour deux accordéons de Casse Noisette et Thomas Lefort au violon et Pierre-Yves Hodique nous offrant au piano une magnifique Vocalise de Rachmaninov, d’une puissance émotionnelle troublante.
Si le samedi soir nous nous sommes laissés surprendre par le concert-cabaret servant pêle-mêle Bernstein, Piazzolla, ou par le jeu allègrement comique de la chanteuse lyrique Vanessa Hidden interprétant des airs d’opérette ; le dimanche, la jonglerie de Vincent de Lavenère et la musique se sont entrelacées pour un concert « visuel » pour les enfants… de tous âges !
Légèreté ensuite, nourrie par la fraîcheur des très jeunes lauréats (rappelons qu’il faut avoir moins de 27 ans pour pouvoir candidater en tant qu’instrumentiste classique), qui ont proposé des œuvres audacieuses : je pense notamment à la performance texto-musico-théâtrale de Guy-Loup Boisneau, qui a hypnotisé le public en martelant un texte syllabique entièrement rédigé mais qui ne forme aucune phrase intelligible, ou à Basha Slavinska qui a électrisé son accordéon sous des airs de tango argentin ; jeunesse rehaussée par la présence vitaminée, pour chaque concert, de « parrains » qui ont davantage le profil et le rôle de grands frères : Vincent Balse, Nima Sarkechik, Julien Szulman, Vadim Tchijik, eux aussi anciens lauréats de la Fondation.
Légèreté enfin, car dans le décor huppé de l’orangerie du parc de Bagatelle, l’animation malicieuse de Marielle Nordmann a su faire déborder de joie la musique, pour ne pas la rendre prisonnière de l’écrin somptueux mais policé des jardins dessinés au cordeau par François-Joseph Bélanger.
La légèreté de la fête, pour célébrer la musique, un mois avant l’heure, avec la dose de spontanéité nécessaire à toute cérémonie réussie.
La proposition artistique des Musicales pourrait ainsi être résumée dans la paraphrase de Chesterton : « La musique est une chose trop importante pour être prise au sérieux ». Et réussir ce pari, c’est bien plus qu’une simple bagatelle.