Les 10 ans des Musicales de Bagatelle © Sebastian Ene
Les 10 ans des Musicales de Bagatelle © Sebastian Ene

Les 10 ans des Musicales de Bagatelle : l’âge de raison ?

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Le 4 juin dernier, la Fondation Banque Populaire avait donné rendez-vous aux mélomanes avertis au parc floral de Vincennes pour célébrer les 10 ans du festival des Musicales de Bagatelle. Pour l’occasion, l’équipe a réuni de nombreux lauréats de la fondation, venus lui souhaiter « happy birthday » à l’unisson.

 

Pour une raison obscure, le passage d’une décennie sonne souvent l’heure du bilan ; les musicales de Bagatelle ont matière à se prêter à l’exercice : 262 lauréats primés depuis la création de la fondation en 1992 ! Depuis ses débuts, fidèle à sa vocation, elle encourage les « artistes de demain » qui, 25 ans après, font les grands noms d’aujourd’hui. 25 ans, qui résonnent comme le renouvellement d’une génération qu’elle a contribué à faire naître, puis grandir ; des enfants qui reviennent nombreux aux rendez-vous festifs qu’elle propose, à la manière des retrouvailles familiales pour l’anniversaire de la grande tante.

Ce dimanche 4 juin, ce concert anniversaire « surprise » venait clôturer les deux weekends du festival, avant de partir en tournée pour quelques dates régionales. Symbole du compte rond oblige, on aurait pu craindre une enfilade de discours sans fin, des remerciements plus longs que ceux de la cérémonie des Molières et une surenchère d’anecdotes de la part des artistes. Chacun aurait pu donner dans une forme d’autocomplaisance qu’un tapis d’applaudissements polis aurait tacitement légitimée.

Les 10 ans des Musicales de Bagatelle © Classicagenda
Les 10 ans des Musicales de Bagatelle © Classicagenda

Mais rien de tout cela : la directrice artistique Marielle Nordmann a voulu nous prouver qu’une décennie au compteur ne changerait rien, et certainement pas l’esprit du festival. Les Musicales sont entièrement tournées vers la musique, vers son plaisir et son partage. La programmation affichait quelques nouveautés faisant la part belle à la jeunesse et au vent frais : la création de trois œuvres par de jeunes compositeurs, le Carnaval des Animaux de Saint-Saëns pour jeune public, mais aussi un nouveau lieu ; cette année, les Musicales de Bagatelle se sont partiellement émancipées du parc éponyme pour aller s’abriter sous l’aile Delta du parc floral. Faut-il y voir une revendication d’indépendance typique d’un pré-adolescent ? On connaît le dicton : « il faut bien que jeunesse… »

A dix ans, on a encore cette âme d’enfant qui aime le jeu par-dessus tout, la discipline un peu moins. Celle qui traîne des pieds pour aller se coucher — même au bout de 2h30 de concert. On s’accolade, on se sourit, on se taquine, on s’applaudit… on se cherche aussi (“mais où sont passés les pianistes ? C’est à eux de jouer là-maintenant-tout-de-suite! “).

Il est vain d’essayer de détailler le programme. Je pourrais vous citer le Galop-Marche de Lavignac interprété par 4 pianistes sur 2 pianos, El Taquito Militar de Mariano Mores pour harpe et bandonéon par Marielle Nordmann et Eduardo Garcia, les claquettes légères et rafraîchissantes de Fabien Ruiz, des extraits du ZigBand d’Aperghis par Guy-Loup Boisneau, un air traditionnel klezhmer joué par un collectif mené avec charisme par le clarinettiste Pierre Génisson, l’improvisation jazzy de Vincent Balse sur les archi-courus accords d’Automn Leaves, mais qui n’en restait pas moins élégante et très personnelle, ou enfin un « happy birthday – arc-en-ciel », teinté des couleurs musicales d’ici et d’ailleurs … Ne retenir que cela, c’est assurément très partiel et possiblement très partial.

Bien sûr, le monde de la musique classique n’est pas toujours aussi léger et insouciant : bien sûr, les artistes ont eu la décence de taire aux spectateurs les innombrables heures de travail, la relative austérité des études d’excellence qu’ils ont tous suivis, les trésors de motivation qu’il faut déployer pour se faire un nom, la compétition parfois, le doute souvent. Mais qu’importe, au final, en solo ou ensemble, devant le public, seul le plaisir doit transpirer.

C’est surtout l’impression du moment qu’il s’agissait d’imprimer, pas le programme.  La musique (se) vit d’abord, s’enregistre parfois, s’analyse après. Ou ne s’analyse pas. Abandonnées aux courants d’air, les notes les plus chanceuses de cette fin d’après-midi ont fini leur vie dans l’oreille distraite d’un promeneur du dimanche. Mais quels que soient leurs voyages ou leurs rencontres, ces notes semblaient si fragiles, sitôt créées et sitôt abandonnées au ciel ; ne sachant comment les accueillir, il a préféré les disperser. Comme pour nous rappeler que la musique est aussi physiquement éphémère qu’elle est permanente au cœur. Les airs peuvent mourir, mais l’émotion qu’ils procurent, elle, ne prend jamais une ride.

« Prends un bain de musique une à deux fois par semaine pendant quelques années et tu verras que la musique est à l’âme ce que l’eau du bain est au corps. » (Oliver Wendell Holmes). Avec mes chroniques, je souhaite partager les effets bénéfiques de ces bains de jouvence et convaincre de nouvelles oreilles de faire le grand plongeon!

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