Concert de l'Académie Voix Nouvelles à Royaumont © François Mauger / Royaumont
Concert de l'Académie Voix Nouvelles à Royaumont © François Mauger / Royaumont

Académie Voix Nouvelles II : la pepinière de talents de Royaumont

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Depuis 34 ans, l’Académie Voix Nouvelles permet à de jeunes compositeurs de se confronter avec des maîtres de renommée internationale et de faire jouer leurs œuvres par des grands interprètes.
Si, depuis 2016, l’Académie s’est ouverte également aux interprètes afin de favoriser de plus en plus de collaborations artistiques, elle intègre cette année deux formations spécifiques aux chanteurs et aux chefs d’orchestre, autour de chef-d’œuvres du XXe siècle.

 

Pendant un week-end, le Festival de Royaumont donne la place aux lauréats de l’Académie Voix Nouvelles, dont le directeur artistique est Jean-Philippe Wurtz.
Encadrés cette année par Mark Andre, Philippe Leroux et Alex Mincek, les jeunes compositeurs ont vu leurs œuvres interprétées par le quatuor Tana et l’ensemble Multilatérale, sous la baguette de Léo Warynski.

Le canadien William Kuo, nous propose Regulation, une pièce pour soprano et sextet instrumental autour de trois situations différentes d’écoute : le glissando, la modulation et la captation audio.
Ces propositions sonores interagissent en créant une ambiance hors du temps, en changement permanent, grâce aussi à l’utilisation de différentes techniques de création sonore, comme faire glisser un cylindre métallique sur les cordes du piano pendant qu’un autre musicien en percute les touches, ou encore parcourir avec un doigt mouillé le rebord d’un verre rempli d’eau pour en générer une vibration ou encore en spatialisant le son enregistré.

Dans Fragment for Division of the Plane, l’américain Alex Stephenson fait un intéressant travail de mise en abîme du son, pendant que son compatriote Matthew Chamberlain dans Office Park, explore une nature se désagrégeant sous nos yeux.

Dans Cleaning the temple, le taïwanais Shiuan Chang nous déconcerte en recréant un univers sonore concret et abstrait à la fois : on entend le bruit d’un balai parcourant un parquet, puis celui d’un chiffon glissant sur une surface plane.
Est-ce notre imagination ? On imagine la poussière frotter le sol sous des pas, rouler sous la paume d’une main ou s’effriter ultérieurement : on en entend tous les grains, petits, grands, réguliers ou pointus. Chang nous amène dans un voyage spirituel, sobre et inquiétant où nous doutons de la possibilité de gagner la guerre contre la poussière, malgré un final léger et réconfortant.

Concert de l'Académie Voix Nouvelles à Royaumont © François Mauger / Royaumont
Concert de l’Académie Voix Nouvelles à Royaumont © François Mauger / Royaumont

Avec Ondas Primarias, le chilien Fernando Munizaga met en musique le phénomène physique des ondes anticipant l’arrivée d’un tremblement de terre, manifestation malheureusement de plus en plus courante et dévastatrice, à l’ère des changements climatiques extrêmes.
Ces ondes étant capables de traverser les différents états de la matière, l’écriture de cet élève du Conservatoire National Supérieur de Paris et de l’IRCAM se sert librement de différentes objets et du détournement des instruments, comme les cordes de la harpe et les touches du piano parcourues par un verre, ou encore leur utilisation en tant que percussions.

Le Vocalise de l’anglais Daniel Lee Chappell est un intéressant parcours autour des différentes possibilités plastiques de la voix humaine, du langage au chant accompagnés par une écriture instrumentale centrée sur la couleur et les dynamiques.

Nous remarquerons An account of imaginary or real people and events du néerlandais Boris Bezemer, une pièce très intéressante et évocative.
Elle commence de manière très percutante avec la soprano, à qui se joignent ensuite les voix des instrumentistes. Petit à petit, le fond sonore créé par les notes tenues laisse la place aux dissonances des cordes et de la clarinette.

Avec une texture sonore large et dense, rappelant la musique scandinave, le compositeur nous amène en voyage dans le temps et dans l’espace, via une succession d’ambiances espacées par des silences.
Comme un vol d’oiseau sur différents lieux et cultures, le compositeur fait l’expérience d’une synesthésie liée aux visions d’oiseaux tropicaux multicolores, aux marchés nord-africains, où les couleurs des fruits secs se mélangent à celles des épices parfumées. Il nous accompagne ensuite dans des paysages sauvages où l’on entend les cris des animaux et le bourdonnement des insectes, puis, sans que l’on puisse s’en rendre compte, on se retrouve en Europe de l’est, transportés par la douceur d’une mélodie populaire.
Une après-midi à l’enseigne de la découverte, du voyage et du dépaysement, qui nous donne envie de suivre de près ces jeunes artistes.

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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