Mariss Jansons
Mariss Jansons © Cédric Alet

Le Sacre de Mariss Jansons à la Philharmonie de Paris

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L’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise, Mariss Jansons à la direction, et Iveta Apkalna à l’orgue, tel était le casting exceptionnel pour le concert Berlioz, Poulenc et Stravinsky à la Philharmonie de Paris dans le cadre du week-end “Orgues”. Une leçon de cohérence orchestrale.

Pour profiter des rares apparitions de l’orgue Rieger dans la saison de la Philharmonie de Paris, il fallait être présent lors de ce week-end dédié à l’instrument ! Certes, le programme de cette soirée peut sembler convenu, mais les interprètes ont su transcender ce programme.
L’ouverture du Carnaval romain d’Hector Berlioz ouvrait les festivités avec brio. Deux thèmes antagonistes extraits de l’opéra Benvenuto Cellini se disputent cette oeuvre festive. Le premier, enchanteur, Ô Térésa, vous que j’aime plus que ma vie, introduite au cor anglais solo, puis reprise plus tard dans un canon du plus bel effet, tranche avec le deuxième thème, une danse infernale carnavalesque. Le final flamboyant Allegro vivace laissera éclater toute la puissance de cette formation. Une mise en bouche grisante !

L’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise, Mariss Jansons, et Iveta Apkalna
L’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise, Mariss Jansons, et Iveta Apkalna © Julien Mignot

Après l’installation de la console comportant les claviers reliés à l’orgue Rieger de la Philharmonie, place à l’organiste lettonne Iveta Apkalna (que nous avions écoutée en 2017 à la Maison de la Radio dans un récital solo), aux côtés de l’orchestre dans le Concerto en sol mineur pour orgue, orchestre à cordes et timbales de Francis Poulenc. La musicienne achève par ailleurs ce soir une série de concerts européenne avec la prestigieuse phalange munichoise.

Seules les cordes et les timbales sont sollicitées dans ce dialogue/fusion entre orgue et orchestre. L’oeuvre tout en contraste, composée d’un seul bloc mais divisée en sept sections de tempi différents, est bâtie en arche dont la section centrale reprend les trois premiers motifs. Dans cette configuration, l’orgue ne doit pas écraser les cordes par sa puissance, ce que les premières mesures aux couleurs dramatiques (avec le tutti de l’imposant instrument) font craindre. Mais par la suite difficile de ne pas succomber aux multiples combinaisons associant l’orgue et les cordes. Traversant des styles d’écritures différents, la partition convie divers jeux de l’orgue pour remplacer les vents de l’orchestre (le hautbois par exemple). Un équilibre séduisant.

L’organiste Iveta Apkalna brillera en solo dans un bis virtuose : Evocation II de Thierry Escaich. Une double pédale répétée sur la première octave de Do assoit la pièce sur un rythme implacable tandis que des thèmes, d’emprunts divers, évoluent frénétiquement jusqu’à la conclusion. Une oeuvre haletante qui fait de l’orgue de la Philharmonie un partenaire idéal. (Une pièce à découvrir dans le dernier album de l’organiste Light & Dark enregistré à l’Elbphilharmonie de Hambourg).

L’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise, Mariss Jansons, et Iveta Apkalna
L’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise, Mariss Jansons, et Iveta Apkalna © Julien Mignot

Seconde partie de concert. Le chef d’orchestre d’origine lettonne entre sur scène d’un pas mesuré pour donner vie au Sacre du printemps d’Igor Stravinsky, un répertoire que Mariss Janson affectionne particulièrement. Le chef, 76 ans, connaît bien les musiciens de l’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise (BRSO) car il en est le chef titulaire depuis 2003. Maniant la baguette avec rondeur, assurance et discrétion, Janson impulse plus qu’il ne dirige. Nul besoin de gestes grandiloquents lorsque l’on connaît parfaitement ses musiciens…

Dès le premier volet du Sacre, introduit par l’ondoyant solo de basson de Marco Postinghel, l’homogénéité des cordes – et de l’ensemble des pupitres – se révèle, notamment dans les Augures printaniers au rythme très acéré. Dans cet orchestre au grand complet, l’implication de chaque musicien est remarquable et la pulsation nous embarque sans réserve dans ces Tableaux de la Russie païenne.
La seconde partie ne laisse absolument pas retomber cette impression, la Danse sacrale finale nous étourdit par son impétuosité. On peut avancer sans se tromper qu’il s’agit ce soir d’une interprétation de référence !

 

En bis, le célèbre Minuet de Boccherini et le Liebesbotschaft Galopp de Johann Strauss II nous ramène sur un terrain beaucoup plus léger.

Les longues ovations du public sont méritées pour cet Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise et son chef, qui, déjà, avaient reçu un accueil exceptionnel la veille au Concertgebouw d’Amsterdam…

 

Rédacteur en chef adjoint de Classicagenda, Julien Bordas rédige également depuis 2016 des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts. Sa passion pour la musique classique provient notamment de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass.

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