Nous étions au Meervaart Theater à Amsterdam ce 17 novembre. Retour sur la pièce Bacon (prix de danse “de Zwaan” pour la meilleure production des Pays-Bas) de l’artiste Néerlandaise Nanine Linning, après treize ans et 80 représentations en Europe.
La chorégraphe rencontre le succès lors de ses années au prestigieux Scapino Ballet Rotterdam, où elle résidera pendant plus de six ans. Elle y sera d’ailleurs la plus jeune résidente de ce lieu. Ses pièces sont une collaboration avec des artistes et scientifiques internationaux pour lesquelles elle sera récompensée aux Pays-Bas, en Suisse et en Allemagne.



Une multidisciplinarité omniprésente
Profondément sensible à la juxtaposition des arts, les propositions artistiques de la Nanine Linning compagnie sont reconnues pour la multiplication des disciplines artistiques. On retrouve cette volonté dans la pièce Bacon mêlant subtilement chorégraphie, musique, vidéo et scénographie liées à l’œuvre singulière de l’artiste Francis Bacon. Cette production est réalisée en collaboration avec le compositeur Jacob ter Veldhuis, l’artiste vidéo Juliane Noß et le scénographe Jan Boiten.
La scénographie se compose d’un cube lumineux qui structure et dessine l’espace, composé de deux faces blanches, ouvertes sur le public et habillées tout au long du spectacle de videos. On alterne entre figuratif et abstrait, dans une sorte de « motif de texture », quand apparaissent soudainement un flash, de grands yeux, un corps. Les images surgissent aussi vite qu’elles ne disparaissent, elles effraient parfois.
La musique est prenante, virulente et incessante durant le spectacle. On entend des battements de coeurs, des bruits d’animaux, des cris. Cela renforce une atmosphère des plus sombres.
Si les visuels et la musique du spectacle sont séduisants, ils sont à quelques moments dans la surabondance. Il est en effet difficile de se concentrer sur un seul élément puisque tout les médiums sont toujours en mouvement. Ce manque de relief peut être relevé dans la proposition, mais n’enlève pas néanmoins le plaisir des yeux dans un mélange varié d’images et de sons, toujours plus proches de la touche de l’artiste Francis Bacon.



Bacon, de toute évidence
Dès les premières secondes, c’est-à-dire lors de l’entrée en salle, la performance est intense, puisqu’avant même le début « officiel » du spectacle, nous nous retrouvons face à deux corps suspendus par les pieds sur un fond de peinture rouge, pourpre. De toute évidence, Bacon. Une prouesse technique pour les danseurs, puisqu’ils vont tenir de longues minutes ainsi dans cette position. Étant donné la puissance de cette première image, on peut noter un manque de progression du spectacle par la suite, tant ce premier tableau est déjà une expérience plastique signifiante et radicale. Par la suite, des danseurs apparaissent, marchant à quatre pattes, avançant lentement, langoureusement, dans des costumes « seconde peau », donnant de la puissance au dessin du corps, aux muscles, à l’originel, au primitif. Les danseurs, toujours suspendus, se meuvent et se torsionnent éternellement. Le décor fonctionne par la suite comme un élément interactif pour les danseurs dans des « ouvertures » et « fermetures » d’espaces à la manière de Dimitris Papaioannou. Ces espaces changeants d’une seconde à l’autre créent des tableaux remarquables.



Proposition intéressante, extrêmement vivante, parfois trop généreuse. La simplicité aurait été parfois préférable, conférant plus de valeur à chaque élément présent. La vidéo étant un médium extrêmement attractif, il semble prendre le dessus sur les danseurs à de nombreuses reprises. Des moments de silence, d’air, de suspension, auraient rendus la proposition plus vibrante. Néanmoins, s’attaquer à un artiste tel que Francis Bacon n’est pas chose simple, le peintre étant déjà une œuvre en lui-même. Il en est de même pour la pluridisciplinarité qui se doit d’être un tissage harmonieux et équilibré, et, c’est tout de même un défi remporté par la chorégraphe dont nous sommes impatients et curieux de voir d’autres pièces.