Dans le cadre du Festival Montpellier Danse, le chorégraphe aixois Angelin Preljocaj présentait La fresque à l’Opéra Berlioz – Corum de Montpellier. Une création inspirée des images du célèbre conte chinois « La peinture sur le mur » datant du XVIIe siècle. Retour sur une proposition jeune public qui nous plonge dans l’univers du voyage imaginaire et de l’enchantement.
Le Ballet Preljocaj est installé au Pavillon Noir à Aix-en-Provence. Aujourd’hui composé de 24 danseurs permanents, c’est un espace entièrement dédié à la création dont Preljocaj est le directeur artistique depuis 2006. Le Festival Montpellier danse, quant à lui, est ancré sur le territoire Montpelliérain depuis 38 ans avec sa première édition en 1981. Jean-Paul Montanari en est le directeur depuis 1983. L’évènement rayonne aujourd’hui à l’international avec plus de 35 000 spectateurs pour l’année 2018, et fait de Montpellier une capitale de la danse. En ce qui concerne le 39e Festival Montpellier Danse, il aura lieu du 22 juin au 6 juillet 2019. (Save the date !)
À l’origine une commande d’Emmanuel Demarcy-Mota directeur du Théâtre de la Ville, cette création de 2016 en direction du jeune public, trouve donc son inspiration dans les contes. « J’ai trouvé ce conte chinois, absolument délicieux, sur l’histoire d’un homme qui tombe amoureux d’une femme peinte sur un mur et se trouve emporté dans le tableau » dit le chorégraphe. Comme une invitation, donc, pour le public, à passer au delà d’une certaine dimension picturale, et à nous plonger dans les couleurs et le merveilleux d’une histoire d’amour quelque peu « ordinaire », mais tout de même charmante.
L’image, la fresque
« J’aime cette idée de passer de l’autre côté du miroir, dans une autre dimension ».
Telle est la volonté de l’artiste pour cette création. Traverser une sorte d’entre deux, entre image réelle et irréelle, tangible et intangible. Le support projecteur, une sorte de masque blanc, met à distance le spectateur des danseurs, et nous positionne dans une sorte d’ « entre deux ». Une image mouvante face à nous, pourtant inaccessible, jusqu’à ce que, ce voile, ne s’ouvre. De sublimes visuels (de Constance Guisset) nous enivrent… Face à ce monde dans lequel nous pourrions basculer, le tableau inerte se met à vibrer, un passage secret nous mène au coeur de cette histoire d’amour.
Le principe de cette idée a déjà été fantasmé par beaucoup d’artistes, mais reste néanmoins réussi. Le design visuel et la scénographie nous porte au jeu de l’illusion. Les premiers tableaux nous immergent dans le questionnement de ce qui est existant ou artificiel. Les éléments scéniques s’activent, la matière se dessine. Constance Guisset, scénographe et designer française a, à plusieurs reprises, collaboré avec le chorégraphe pour les décors et les vidéos, et notamment pour la pièce Le Funambule (2009). Ici, elle façonne ses visuels de manière picturale et attractive pour le spectateur. Nous admettrons tout de même que la vidéoprojection, dans une salle comme le Corum est assez impressionnante et remporte, de manière générale, toujours un franc succès de la part du public.



Lecture du conte et de son allégorie
Les contes traditionnels d’Asie : les histoires dont la poésie nous bercent, où la magie du merveilleux active l’art pictural, le surnaturel et les possibles. Le chorégraphe est dans l’activation de cette matière : les différents plans sont travaillés, contrôlés. Entre images, couleurs et textures, le tout est véritablement soigné. La lecture est facile. Ne manque t-il pas de place, alors, pour une certaine spontanéité ? Ne souhaiterions-nous pas que les danseurs se révèlent, s’offrent et quittent ce costume ? Preljocaj évoque L’allégorie de la caverne de Platon en référence à cette création et avance une réflexion sur la place de l’image et sa valeur dans notre monde. « J’aimerais explorer dans ce spectacle les relations mystérieuses existant entre la représentation et le réel. ». Le mirage, ce sont ces femmes aux cheveux longs sur un piédestal, qui nous conduisent à la fascination : des présences fortes, des cheveux qui s’entremêlent et des poses asymétriques, une sorte d’illusion, un mirage de déesses. Cette mise en abîme, les silhouettes, questionnent notre rapport à l’existence de ce qui est « tableau » ou réalité. Cependant, certes, l’intention de ce questionnement est présente, mais les procédés ne sont que légèrement survolés pour toucher à une réelle matière philosophique. On peut voir ce spectacle comme un ballet contemporain, et comme la simple illustration d’un conte fantastique. Cette création est accessible au grand public, et absolument pour les enfants, où la magie et la douceur, feront leur effet.