“La Trahison orale”, pièce de Mauricio Kagel arrangée par Jean-Pierre Drouet pour Nomos pour 12 violoncelles, chef, magicien et récitant…
Mauricio Kagel, disparu en 2008, fut l’un des inventeurs du théâtre musical dans les années soixante. Le percussionniste et compositeur Jean-Pierre Drouet et le violoncelliste Christophe Roy, qui ont compté parmi ses interprètes privilégiés, ont imaginé ce spectacle comme un hommage aux différentes facettes du compositeur argentin.



La Trahison orale est une pièce emblématique de Mauricio Kagel inspirée des Évangiles du Diable selon la croyance populaire, un recueil paru en 1964 qui recense de nombreuses légendes glanées par Claude Seignolle au cours de ses voyages dans les campagnes françaises. Derrière leur apparente naïveté, ces textes nous touchent car ils évoquent nos racines, notre imaginaire, nos croyances. S’ils s’adressent à l’enfant qui est en nous – celui qui a peur du noir, à qui l’on raconte des histoires effrayantes au coin du feu – ils nous rappellent aussi que nous sommes des êtres superstitieux en perpétuel marchandage avec le diable. Autour de ces textes tantôt drôles tantôt inquiétants, Mauricio Kagel a écrit une partition pour orchestration non déterminée. Jean-Pierre Drouet l’avait adaptée pour ensemble de 8 violoncelles il y a trois ans. Se souvenant sans doute que Kagel affirmait que « l’interprète doit toujours trahir légèrement le compositeur » (sans quoi la musique serait une stérile répétition), Jean-Pierre Drouet a décidé d’y insérer une composante supplémentaire : la magie !
Pour lui offrir l’espace nécessaire, il a imaginé une nouvelle adaptation, pour 12 violoncelles, un chef, un magicien et un récitant. Pour les interprètes, l’exercice est de taille : ils doivent à la fois jouer une partition très exigeante techniquement et prononcer leurs textes le plus distinctement possible. Un ingénieux système de sonorisation leur permet de ne jamais forcer la voix, ce qui donne à l’ensemble un côté naturel particulièrement réussi. A tour de rôle, les violoncellistes de l’ensemble Nomos semblent prendre un malin plaisir à se métamorphoser en conteurs ou en illusionnistes, sous le regard complice du magicien Abdul Alafrez et du chef d’orchestre Michel Pozmanter. Des étranges créatures apparaissent et disparaissent. Christophe Roy et sa troupe, victimes consentantes de cette trahison diabolique, jubilent – et nous avec !



C’est en orchestrant la pièce de Mauricio Kagel pour l’ensemble Nomos que Jean-Pierre Drouet a eu l’idée d’écrire Le Goût des plumes, d’après un conte oriental. Cette fable faussement légère racontée par Jean-Pierre Drouet lui-même en première partie du spectacle, est à elle seule un grand moment de théâtre musical.
On entend souvent que le violoncelle est l’instrument qui se rapproche le plus de la voix humaine. Dans ce spectacle, les violoncellistes de l’ensemble Nomos explorent tous les modes de jeux, les hauteurs de sons, les timbres de leurs instruments. Ils parlent quand ils jouent, jouent quand ils parlent, nous emmènent dans un univers poétique, à la fois étrange et proche de nous, où les êtres qui voient le monde tout en blanc ou tout en noir ne vont jamais bien loin. Maurizio Kagel, qui affectionnait particulièrement la littérature, la philosophie et le violoncelle, aurait sans doute été conquis.
Ce spectacle (tous publics) sera présenté au concert d’ouverture du Festival “Aujourd’hui et demain” à Cluny le 8 juillet. Céderez-vous à la tentation ?
Vendredi 29 mai 2015, Théâtre du Beauvaisis Hors les Murs
Nomos raconte…
Jean-Pierre Drouet
Le goût des plumes
Mauricio Kagel
La trahison orale
pour 12 violoncelles, un chef, un magicien et un récitant
Ensemble Nomos
Abdul Alafrez, magicien
Jean-Pierre Drouet, récitant
Christophe Roy, direction artistique
Michel Pozmanter, direction musicale