Deux interprètes intelligents et expressifs pour un disque révélant à chaque écoute des nouvelles dimensions et profondeurs et qui vous introduira aux sonorités envoûtantes de Szymanowski.
Adaptation de son ballet inspiré par le conte La Vierge des glaciers d’Andersen, le Divertimento pour violon et piano de Stravinsky (1882-1971) parcourt l’histoire tragique d’un jeune homme qui, marqué par le baiser de la fée des glaces dans son enfance, voit son destin scellé à jamais : « Je t’ai embrassé quand tu étais petit – déclare l’esprit des eaux – je t’ai donné un baiser sur la bouche. Maintenant, je te le redonne sur les pieds, et tu es à moi complètement. »
L’expression et l’engagement de Solenne Païdassi, qui passe aisément d’une ambiance à l’autre, la subtilité du jeu et la maîtrise des sonorités de Frédéric Vaysse-Knitter, permettent de souligner la riche palette de nuances du Divertimento, qui nous amène tantôt dans la mélancolie de la culture populaire russe, tantôt dans la violence des tempêtes hivernales, dans un lyrisme romantique avec une pointe de malice.
Des paysages russes, Stravinsky nous conduit à Naples pour nous raconter les aventures amoureuses de Pulcinella – célèbre personnage de la Commedia dell’arte – qui donne le nom à cette Suite italienne inspiré de la musique de Giovanni Pergolesi.
Sa rencontre avec l’œuvre du compositeur italien — qui fut une vraie épiphanie : « Un regard en arrière, certes, la première histoire d’amour dans cette direction-là, mais ce fut aussi un regard dans le miroir » — se traduit par une œuvre à l’apparence néoclassique, mais dont une écoute attentive révèle toute l’ironie stravinskienne, faite de dissonances et de timbres surprenants, intelligemment mis en relief par Païdassi et Vaysse-Knitter.
La complicité des deux interprètes est évidente, que ce soit dans des dialogues très équilibrés ou dans la fusion des sonorités, comme dans le très intense Scherzino.
Mais la partie la plus intéressante de ce CD est celle dédiée à Karol Szymanowski (1882-1937).
L’écriture pour violon de ce compositeur visionnaire, contemporain de Stravinsky, nous impressionne par la savante utilisation de chaque technique (des doubles cordes aux glissandi chromatiques, en passant par l’utilisation des harmoniques naturels) au profit de la couleur.
Les Mythes sont particulièrement représentatifs de cette écriture suggestive : l’atmosphère est féerique, irréelle, le violon se fait flûte de Pan et le piano devient harpe. Les métamorphoses physiques ou spirituelles d’Arethuse, transformée en fontaine par Artemis pour fuir aux ardeurs d’Alphée, de Narcisse et de Pan sont décrites avec clarté par les instruments, comme dans « La Fontaine d’Arethuse », où les sons cristallins du piano de Vaysse-Knitter évoquent le bain de la belle nymphe, dont nous imaginons tout le pouvoir de séduction, grâce au suggestif jeu de Païdassi.
Nous remarquons l’expressivité des interprètes, qui maîtrisent le suspense, avec des pianissimo et un rubato remarquables, mais qui savent également s’exposer en nous offrant des moments de grande intensité et passion. C’est avec beaucoup de raffinement que Païdassi et Vaysse-Knitter expriment la grande sensualité de la musique du compositeur polonais, qui transparaît également dans sa railleuse mais sensible adaptation des caprices de Paganini.
La violoniste Solenne Païdaissi est lauréate de nombreux concours internationaux à : Hanovre, Sion, Gyengnam, Kiev, Varsovie, ainsi que premier Prix au Long-Thibaud en 2010.
Frédéric Vaysse-Knitter a été nommé Révélation Classique de l’Adami et Lauréat Juventus. Passionné par Szymanowski, il enregistre actuellement l’intégrale de son œuvre pour piano.
Szymanowski – Stravinsky
Igor Stravinsky (1882 – 1971)
Divertimento (Le Baiser de la fée)
Suite italienne (Pulcinella)
Karol Szymanowski (1882-1937)
Les Mythes, Op. 30
Trois caprices de Paganini op. 40
Solenne Païdassi, violon
Frédéric Vaysse-Knitter, piano
Durée : 72’23
Aparté, 2014 (AP095)