Nous étions à l’Internationaal Theater Amsterdam ces 10 et 11 octobre afin d’assister, d’éprouver The Cycle Love, un spectacle en deux temps : OCD Love et Love chapter 2 de la compagnie L-E-V. Deux soirées, comme une sorte de diptyque, deux rendez-vous indissociables ayant pour objet l’amour-névrose.
Avant chaque spectacle, le théâtre proposait dans le « Nieuwe foyer » de courtes présentations afin d’avoir les informations permettant de s’approprier au mieux les propositions artistiques.
La compagnie L-E-V, signifiant « coeur » en Hébreu, est aujourd’hui mondialement reconnue. Après avoir dansé plus de vingt ans au sein de la Batsheva Dance Compagny dirigé par Ohad Naharin où elle apprendra la technique « gaga », la chorégraphe Sharon Eyal retrouve son partenaire de longue date Gai Behar, renommé dans le milieu de la musique live à Tel Aviv.
Un minimalisme scénographique souligné par la musique techno
La scénographie se compose d’une simple lumière grisâtre, créé par Thierry Dreyfus, prenant corps sur une fumée évanescente… Un minimalisme souligné par la musique techno, dans lequel cinq danseurs vont prendre l’espace de manière progressive. Cet espace « humble » nous donne déjà le ton du spectacle : une ambiance brumeuse, incertaine et sombre qui ne met en valeur qu’une chose, l’expression des corps.
Premier tableau. Un corps féminin d’une grande prestance apparaît sous un faisceau de lumière blanche. L’ouverture des bras est lente. Le corps, habillé d’un justaucorps noir profond contraste avec une scène vaporeuse. La musique techno, composée en live par le DJ Ori Lichtik, s’appose sur la vibration des corps.
D’autres danseurs apparaissent par la suite formant des duos, trios et quintet (Leo Lerus, Gon Biran, Keren Lurie Pardes, Rebecca Hytting & Mariko Kakizaki). Entre spasmes et tremblements, ils prennent conscience les uns des autres sans vraiment échanger de regard, ils s’ouvrent vers l’extérieur, timidement, puis se referment.

Extases et abandon
Entre grande technicité des postures classiques et liberté infinie des mouvements, la quête obsessionnelle du geste crée le motif chorégraphique. Les arabesques sont saccadées, les poignets cassés brisent la rondeur et la douceur des bras et les corps ondulent dans des déhanchés parfois brutaux à la manière de Pina Bausch.
OCD signifie «trouble obsessionnel compulsif», le titre prend sens : de l’amour à la démence.
Poings serrés et corps tremblants, le quintet se met progressivement en transe, l’âme se déverse lentement dans la névrose. Dans cette pénombre qui ressemble au néant, les tableaux sont toujours asymétriques, les transitions fluides, la chorégraphie hypnotique et tourmentée. On pourrait y voir les mystiques extatiques de l’artiste plasticien Ernest Pignon-Ernest.
Un esthétisme de la mélancolie
Comme à la lumière du soir, un clair-obscur mélancolique enivre les danseurs, ils s’offrent alors de manière sensuelle et nous plongent dans le désarroi. Ardeurs exaltées. On croit reconnaitre quelques émanations de « voguing », une danse inspirée des poses caricaturales des mannequins. Les paumes de mains caressent un corps rongé par les sentiments. Nous, spectateurs, sommes plongés à deux reprises dans la contemplation d’une virtuosité sculpturale et statuaire pourtant en mouvement.