Studio Pierre Henry
Studio Pierre Henry © Gil Lefauconnier

Le studio de Pierre Henry renaît au Musée de la musique

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Avant le week-end consacré au père de la musique concrète à la Philharmonie de Paris, du 20 au 24 novembre, nous avons visité le nouveau Studio Pierre Henry au Musée de la musique, qui se veut aussi un lieu interactif.

 

La “Maison de sons”, sise au 32 rue de Toul dans le XIIème arrondissement et vouée à la destruction en raison d’un projet immobilier, fut à la fois la demeure et le lieu de travail du compositeur. Afin de ne pas perdre le patrimoine matériel de Pierre Henry décédé le 5 juillet 2017, la veuve du musicien, Isabelle Warnier, a dû trouver un moyen de conserver le studio sur lequel il a “travaillé tous les jours de sa vie, parfois la nuit” se souvient-elle. Intitulé studio Son / Ré et situé au rez-de-chaussée (une visite en vidéo 360° permet d’admirer ce lieu unique), il a donc trouvé refuge à la Cité de la musique – Philharmonie de Paris dans un écrin de 120 m2 tandis que sa sonothèque et ses supports de composition – constitués notamment de 12 000 bandes – sont stockés et numérisés à la Bibliothèque Nationale de France.

En ce qui concerne la “Maison des sons”, les clés ont été rendues le 31 octobre 2018, et tout fut déménagé à temps : “Une prouesse, la maison était pleine !”

Le déménagement de la "Maison de sons" de Pierre Henry, au centre son épouse Isabelle Warnier
Le déménagement de la “Maison de sons” de Pierre Henry, au centre son épouse Isabelle Warnier © DR

De formation classique, le compositeur a étudié dans les classes d’Olivier Messiaen, Félix Passerone et Nadia Boulanger. “Pierre Henry a une place importante et singulière dans le continuum de l’histoire de la musique, note Laurent Bayle, directeur général de la Philharmonie de Paris. Il a marqué un certain nombre de ruptures. C’est l’aventure d’un homme libre qui a fait sauter des frontières entre les styles et les formes”.

Pionnier de la musique concrète aux côtés de Pierre Schaeffer, Pierre Henry a aussi influencé nombre d’artistes tels que les Beatles, Jimi Hendrix ou Franck Zappa… D’ailleurs, qui n’a jamais entendu son célèbre Psyché Rock, tiré de la Messe pour le temps présent chorégraphiée par Maurice Béjart, une collaboration entre les deux artistes qui débuta en 1955 avec la Symphonie pour un homme seul et se poursuivit avec 15 autres ballets.

Peu ouvert aux musiques actuelles, le Musée de la Musique a vu “comme une opportunité et une évidence l’installation de ce studio de recherche et de création musicale, explique sa directrice Marie-Pauline Martin. Il s’agit du patrimoine moral de la musique concrète”.

Studio Pierre Henry
Studio Pierre Henry © Gil Lefauconnier

Le matériel exposé est issu du studio Son / Ré créé en 1982 où Pierre Henry donna vie à 120 oeuvres parmi lesquelles la Dixième Symphonie de Beethoven et son remix. Le studio peut être divisé en deux types d’équipements. Le premier correspond à du matériel analogique. Lors de notre visite, Bernadette Mangin, qui fut l’assistante de Pierre Henry depuis 1982, nous a montré son fonctionnement avec enthousiasme et nostalgie. Encore fonctionnels, d’impressionnants magnétophones à bandes Telefunken M15A peuvent être synchronisés entre eux, et la vitesse de défilement de la bande ajustée. La table de mixage EMT à 30 voix, qui équipait aussi les studios de Radio France, trône à l’entrée de la pièce, et est également en état de marche.

L’autre partie du matériel, plus récente, est équipée numériquement et a accueilli dans les années 90 des lecteurs/enregistreurs DAT (Digital Audio Tape) Sony bien plus précis que les magnétophones à bandes.

Musicalement, le parcours s’articule autour de trois oeuvres emblématiques de Pierre Henry, les Variations pour une porte et un soupir (1963), la Messe pour le temps présent (1967) et la Dixième Symphonie de Beethoven (1979/1998).

Visite du Studio Pierre Henry
Studio Pierre Henry © Gil Lefauconnier

Surtout, le musée propose d’expérimenter vous-même la musique de Pierre Henry à travers différentes bornes interactives, touchant ainsi tous les publics.
A partir de la pièce Une Maison de sons, vous serez invité à manipuler plusieurs extraits et à fabriquer votre morceau. Une façon ludique de vous mesurer à la créativité du compositeur. Vous pourrez aussi revoir le mixage de Psyché rock : changer un seul paramètre du dosage peut donner un nouvel éclairage à ce “tube”  qui a fait l’objet de nombreuses reprises dans des films ou spots publicitaires. Il est aussi possible d’écouter son remix par des DJ’s de renom.

Puis, à partir de la Dixième Symphonie de Beethoven, patchwork d’éléments des neuf symphonies, et de son remix, vous pourrez tester les multiples filtres ou techniques permettant de transformer le son. Un synthétiseur, élément central de la musique électro, est aussi mis à disposition afin de créer ses propres compositions.

La diffusion de l’oeuvre de Pierre Henry a de beaux jours devant elle. Isabelle Warnier et son équipe s’attellent désormais à préparer le Catalogue exhaustif et illustré des oeuvres du musicien, qui paraîtra fin 2020 aux Editions de la Philharmonie de Paris, et marquera les 70 ans de la Symphonie pour un homme seul.

 

Le programme du Week-end Pierre Henry à la Philharmonie du 20 au 24 novembre 2019.

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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