La Grande-Duchesse © Claire Besse

Une Grande Duchesse dans l’air du temps

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Dans cette adaptation de La Grande Duchesse de Gérolstein d’Offenbach, la compagnie Les Brigands nous offre un spectacle divertissant et intelligemment imaginé, malgré les moyens exigus de la mise en scène et un orchestre réduit à neuf musiciens.

La protagoniste de l’opérette d’Offenbach est la jeune Duchesse d’un pays imaginaire, dont le précepteur fait commencer une guerre pour la distraire. Mais la vraie distraction de la jeune fille sont les garçons : malgré ses fiançailles avec le Baron Puck, elle tombe amoureuse d’abord du jeune soldat Fritz, qu’elle fait promouvoir Comte d’Avallvintt-katt-chopp-Vergismein-nicht puis rétrograder à simple soldat, ensuite du Baron Grog, qui se révèle être une femme.

La compagnie n’hésite pas à déplacer ou supprimer des airs (bravo à Thibault Perrine) et à modifier l’intrigue, ouvrant la porte à l’humour et aux malentendus : ainsi le Baron Grog devient une femme et la fiancée de Fritz devient le soldat Krak.

Le kitsch est à l’honneur, on y retrouve une robe orange vif et des cheveux roux en « bataille » pour la Duchesse, des tatouages et des uniformes à salopette dans les vert et orange, comme l’étendard du duché de Gérolstein. La mise en scène est dynamique et ingénieuse, les idées créatives ne manquent pas : des portraits d’ancêtres imaginés comme des vitrines de musée, à l’interaction entre musiciens et chanteurs où l’on remarquera le piano virevoltant de la pianiste Eriko Minami.

Si la Duchesse d’Isabelle Druet paraît déjà prometteuse dans le spectacle « Au pays où se fait la guerre », avec le Quatuor Giardini, nous ne sommes pas déçus de la voir dans le rôle intégral au théâtre de l’Athénée. Certes, l’hôtel des Invalides se prêtait comme un gant à la parodie militaire (accueillie avec humour par le colonel en personne !) mais cette Duchesse n’est pas moins resplendissante.

Le naturel d’Isabelle Druet est incontestable, ainsi que sa grande assurance sur scène : sa voix est ample, agréable et homogène, ses gestes et les expressions de son visage signifiants mais sans excès. Dès son entrée la barre de l’interprétation est posée très haut, mais ses collègues relèvent le défi avec succès dans le chant comme dans le parler. Le superbe ténor François Rougier réussit un Fritz sot et attachant, Olivier Hernandez, au timbre remarquable, nous offre un Prince Paul insipide et raide et Arnaud Marzorati nous amuse avec les grimaces de son malveillant Baron Puck.

Antoine Philippot un général Boum pétillant et sympathique, malgré quelques gestes à effleurer le grotesque, David Ghilardi est un Krak timide et romantique et Emmanuelle Goizé nous délice avec un Baron Grog froid et raffiné.

Les deux soldats d’Olivier Naveau et Guillaume Paire sont convaincants et particulièrement touchants dans le quatuor à capella « Ah, lettre adorée », où le chef Christophe Grapperon s’ajoute comme une cerise sur le gâteau.

Une soirée à l’enseigne des références au XXIe siècle, dans les ballets comme dans les objets, comme le « journal de Hollande » avec le président en couverture, et de second degré, comme l’irrésistible air du sabre, interprété avec beaucoup d’humour à la fin du premier acte, et repris à la fin du spectacle pour être chanté avec le public.

 


La Grande-Duchesse
d’après la Grande-Duchesse de Gérolstein
Opéra bouffe de Jacques Offenbach
livret : Henri Meilhac et Ludovic Halévy
direction musicale : Christophe Grapperon
mise en scène : Philippe Béziat
Compagnie Les Brigands

Avec : Isabelle Druet, David Ghilardi, Emmanuelle Goizé, Olivier Hernandez, Arnaud Marzorati, Olivier Naveau, Guillaume Paire, Antoine Philippot, François Rougier

 

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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