Partenaires à la vie comme à la scène, la soprano Anna Netrebko et le ténor Yusif Eyvazov poursuivent leur récital d’airs et de duos d’opéras italiens à travers toute l’Europe. Ils ont fait escale le 27 février dernier dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris pour le plus grand plaisir auditif du public présent ce soir-là.
Pas de dolce vita sans entendre les plus beaux airs d’opéras italiens. Cela tombe bien puisque c’est la raison pour laquelle la prestigieuse soprano Anna Netrebko et son compagnon le ténor Yusif Eyvazov ont fait une apparition fort remarquée le lundi 27 février 2017 à la Philharmonie de Paris. Consacrée à Verdi, la première partie du récital a permis de faire un rapide tour de l’étendu des couleurs vocales du couple avant d’enflammer le cœur et les mains du public qui a réservé un accueil triomphal aux deux artistes. D’humeur mutine, le couple, parfaitement à l’aise dans ce répertoire, fut à la hauteur de nos attentes avec une générosité vocale et humaine délectables.
Le chef Jader Bignamini a dirigé une attaque très douce de l’Ouverture de La Traviata pour faire résonner la délicatesse des cordes avant une entrée plus vive des vents. L’Orchestre national de Belgique, suspendu un court instant afin de savoureux davantage la première note soufflée par Anne Netrebko dans le très beau duo Libiamo nei lieti calici où la diva a esquissé quelques pas de valse au bras de son compagnon, a fait un parcours sans faute. A la fois vif, piquant et enlevé comme dans le prélude orchestral de la Sinfonia qui débute La forza del destino (dont les cinéphiles peuvent apprécier l’Ouverture dans Manon des Sources de Claude Berri) avant de se faire d’une profondeur exquise, l’orchestre s’est montré tourbillonnant et fébrile et a exécuté magistralement le programme en s’inscrivant dans une très belle énergie, ce qui a contribué à faire grimper le baromètre de la satisfaction du public.

Invitée sur toutes les plus grandes scènes lyriques internationales, celle que l’on retrouvera dans quelques semaines à l’Opéra de Paris pour Eugène Onéguine est apparue en grande forme dans une robe bouffante bordeaux et grenat, avant de revêtir une robe moins ample mais tout aussi élégante, blanche avec des motifs floraux, après l’entracte, pour mener ce récital à l’ovation amplement méritée. Si chaque pièce a enflammé la Philharmonie de Paris qui s’est levée dans un même et unique mouvement à l’issue du récital, notons tout de même l’exceptionnelle interprétation d’Anna Netrebko d’E strano, è strano… Follie, follie… Sempre libera, extrait de La Traviata de Verdi. Accompagnée avec parcimonie par les musiciens, sa voix, semblable à un cristal étincelant, est remontée puissamment des profondeurs pour nous envelopper d’un lumineux désespoir. Elle nous a offert une Violetta vertigineuse aux aigus limpides à nous en donner des frissons et nous a saisis d’émotions sincères telles une pluie de glaçons en plein désert.
[epq-quote align=”align-left”]Sa voix, semblable à un cristal étincelant, est remontée puissamment des profondeurs pour nous envelopper d’un lumineux désespoir[/epq-quote]
De même lorsque, placée près des percussions, elle a entonné un sublime crescendo dramatique, projeté dans toute la salle, sur l’air In questa reggia, extrait du Turandot de Puccini. Cela a eu pour effet, à chaque fois, de déclencher un tonnerre d’applaudissements. La salle Pierre Boulez vibrait à l’unisson de ce récital dont chaque note nous parcourait le corps d’une douce caresse musicale. Nullement en reste, Yusif Eyvazov a pu s’illustrer dans un étourdissant et brillant Ah si ben mio… di quella pira, extrait d’Il trovatore. C’est net, agile, puissant et élégant, tout comme Nessun Dorma de Puccini. Mais bien entendu, la salle exultait davantage sur les duos, tous dans l’intensité et la beauté, tel un paysage déserté dans la bise matinale avec tout un monde à conquérir.
Le couple opératique ouvrira la saison 2017-2018 de la Scala de Milan avec Andrea Chénier. Au regard du Colpito qui m’avete irréprochable offert par Yusif Eyvazov et de son duo plus que convaincant sur Vicino a te, nul doute que cela sera, une fois de plus, une pure réussite. On parle déjà d’un triomphe assuré qu’il ne faudra pas rater. Mais en attendant, les mélomanes parisiens se sont délectés de ces choix certes classiques et convenus mais incontournables du répertoire italien proposés avec brio ce soir-là. Il n’en fallait pas davantage pour mettre du baume au cœur de chacun, ressorti le sourire aux lèvres et de petits papillons de bonheur battant encore des ailes dans notre mémoire auditive plusieurs heures après la dernière note de Non ti scordar di me.