Depuis son ouverture en 2009, la Bibliothèque musicale François Lang est au cœur des activités de la Fondation Royaumont, allant de la recherche à la formation professionnelle, de la création à la diffusion. Aujourd’hui cette précieuse collection nécessite une restauration, pour que de nombreux artistes et chercheurs internationaux puissent continuer à s’en servir.
François Lang, pianiste-collectionneur
Après des études de piano, d’orgue et de composition, François Lang (1908-1944) eut une carrière de pianiste, mais c’est surtout pour son activité de collectionneur qu’il est connu aujourd’hui. A la manière d’Alfred Cortot, son contemporain, la collection de Lang est une véritable bibliothèque d’étude, conçue comme un outil pour son art de pianiste.
Elle comprend 1300 volumes, allant du XVIe au XXe siècle, dont des partitions, des traités, des manuscrits et des imprimés, parmi lesquels on retrouve des exemplaires ayant appartenu, entre autres, à Berlioz et à Debussy.
Au cours de sa vie, Lang a pu collecter un grand nombre d’ouvrages — aussi grâce à un réseau de libraires qui faisaient des repérages pour lui, souvent en voyage — et profiter de ventes très importantes ayant eu lieu dans les années 30, dont celles de Vincent d’Indy, Claude Debussy et Camille Saint-Saëns.
En tant que pianiste, son intérêt était plutôt orienté vers le répertoire pour clavier et pour orgue : dans la collection on retrouve le deuxième livre des Toccate de Frescobaldi (1637), les quatre livres de Pièces de clavecin de Couperin, et des œuvres de Rameau, Debussy, Scarlatti et Mozart. On y retrouve également des documents reflétant étapes du processus de composition de Debussy allant des esquisses aux éditions définitives annotées, en passant par des manuscrits achevés et plusieurs épreuves corrigées, que Lang avait acquis pour mieux comprendre le compositeur.
La collection comporte aussi un bel ensemble de partitions d’ouvrages lyriques des XVIIe et XVIIIe français – répertoire de l’Académie royale de musique dans différentes éditions et cantates – ainsi que des monumentales anciennes.
D’une collection privée à une bibliothèque musicale
Suite à la tragique disparition de François Lang, déporté à Auschwitz en 1943, sa soeur Isabel (épouse d’Henry Goüin, qui était proprietaire de l’Abbaye de Royaumont) a rassemblé sa collection musicale, ses objets d’art et ses instruments de musique, dans une vaste salle dédiée à sa mémoire, située au-dessus des anciennes cuisines de l’Abbaye, donnant sur le cloître et un jardin, aujourd’hui dit des Neuf Carrés.
Devenu ensuite salon de musique et théâtre de nombreux concerts privés, ce lieu symbolique accueille encore aujourd’hui la collection de François Lang, acquise en 2007 par la Fondation Royaumont dans le but de l’ouvrir aux chercheurs et aux musiciens.



Après d’importants travaux d’aménagement et de restauration, la Bibliothèque musicale François-Lang a enfin vu le jour en 2009. Au fil du temps, elle s’est enrichie de dons, comme le fonds de Patrick Florentin, entièrement consacré à Rameau, qui en a fait un vrai centre de ressources pour la musique du XVIIIème siècle, et la collection musicologique de Jean-Yves Hameline, venue la compléter avec du répertoire religieux.
Un patrimoine en danger
Aujourd’hui utilisée par de nombreux artistes venus du monde entier, cette collection à taille humaine permet donc d’interroger des sources particulièrement précieuses pour la recherche musicologique.
Mais au fil du temps, les ouvrages passant entre les mains de nombreuses personnes, leur état de conservation s’est trouvé altéré. En 2015, la Fondation a donc confié à la restauratrice du patrimoine Coralie Barbe le soin de mener une expertise visant à dresser un état sanitaire du fonds François Lang. Cette examen a révélé la nécessité de mener une campagne de restauration afin de garantir la pérennité d’un patrimoine qui comprend des éditions rares d’une grande importance historique.
Dans son expertise, la restauratrice remarque que sur 410 volumes, plusieurs n’ont jamais été soumis à une quelconque intervention de consolidation, qui est donc absolument prioritaire pour 45 d’entre eux.
“Il est très important d’effectuer cette restauration pour conserver ce patrimoine” nous explique Coralie Barbe, “on ne peut pas se contenter d’une reproduction numérique, parce que certains éléments ne peuvent être décelés qu’à partir des versions originales”.
Il s’agit d’ouvrages de qualité, mais qui présentent des traces de dégradation liées à l’usage et qui, bien évidemment, ont subi le vieillissement naturel des matériaux organiques. Parmi les oeuvres à restaurer, celles qui datent du XVIIème et du XVIIIème siècle, possèdent encore leur reliures d’origine en plein cuir ou en parchemin, et sont donc très fragiles.
Si heureusement il n’existe aucune infestation majeure liée aux insectes parasites, il y a des dégradations mécaniques et des dégâts causés par le stockage dans des lieux inappropriés. Il est donc essentiel d’exécuter cette restauration et de consolider les reliures selon les normes de conservation actuelles car, à la différence des tableaux par exemple, ces ouvrages sont destinés à être consultés et donc manipulés fréquemment.
Une collection vivante… à sauver
Depuis son ouverture, la bibliothèque musicale a donc poursuivi la démarche de François Lang, en nourrissant et en inspirant le travail de nombreux artistes, point de départ de nombreux projets de la Fondation Royaumont.
“C’est très pratique pour un musicien de travailler à Royaumont, où il a à sa disposition un piano, un orgue et un clavecin et il peut donc immédiatement jouer les partitions qui se trouvent dans la bibliothèque” nous raconte Louis-Noël Bestion de Camboulas. L’organiste et claviciniste, actuellement en résidence à l’abbaye, nous explique y avoir pu consulter le répertoire d’artistes peu connus tels que Detouche et Rebel, tout comme des transcriptions de Liszt ou un manuscrit de Berlioz, qui comporte le thème principal de la Symphonie fantastique.
Comme lui, plusieurs artistes (tels que l’ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, Bertrand Cuiller et Edoardo Torbianelli) ont bénéficié des ressources de la BmFL, tout comme les chercheurs invités aux colloques, séminaires ou résidences de recherche, qui y ont lieu régulièrement.
Dans ce même esprit d’ouverture et de partage, qui anime les activités de la BmFL, la Fondation Royaumont a donc décidé de recourir à une campagne de financement participatif en plusieurs étapes, dont la première aura lieu du 1er au 31 mars.
Cette campagne vise à contribuer à la pérennité des collections et à la transmission d’un patrimoine musical dans un lieu « qui n’a jamais cessé de résonner » comme aime à le rappeler Marie-Christine Daudy, nièce de François Lang et fille des créateurs de la Fondation Royaumont Henry et Isabelle Goüin.
Le lien à l’opération de financement participatif