Comment la musique baroque est arrivée dans votre vie ?
Très jeune, j’ai été inspiré par la pratique de la musique baroque sur instruments anciens par des personnalités comme le violoncelliste Jérôme Pernoo, qui m’a beaucoup appris.
Jérôme m’a plongé dans le bain de la musique baroque, puis m’a envoyé au Conservatoire royal de La Haye pour étudier avec Vera Beths. En Hollande, je me suis spécialisé dans la pratique des instruments anciens.
Ensuite je suis revenu en France où, avec Jéremie Rohrer, j’ai fondé le Cercle de l’Harmonie, un projet consacré à la période classique. Après dix ans, j’ai décidé de me lancer dans un nouveau projet et de revenir à une des mes intentions premières : former en France un orchestre indépendant ouvert aux collaborations artistiques, que ce soit avec des instrumentistes, des chanteurs ou des chefs invités.
Vous avez décidé de faire revivre le célèbre Concert de la Loge Olympique. Quelle est la genèse de ce projet ?
L’idée était de reprendre un nom historique, et nous avons choisi celui d’un orchestre illustre qui a existé au XVIIIe siècle, avant la révolution française. L’orchestre est devenu célèbre pour la commande des six symphonies dites « Parisiennes » de Joseph Haydn.
Les membres de l’orchestre étaient de grandes interprètes et compositeurs – dont certains également professeurs de conservatoire – qui ont façonné la vie musicale française de l’époque. L’orchestre a toujours été dirigé par des violonistes comme Viotti, Kreutzer ou le Chevalier de Saint-Georges.
Pour nous, il y a, d’un côté, la tradition et le retour aux sources du XVIIIe siècle, de l’autre, l’envie de donner des programmes de concert originaux avec un répertoire varié pour orchestre, pour formation de chambre ou encore lyrique.
Nous avons une vision très spontanée du concert et sommes convaincus que cela aidera à toucher les jeunes et ainsi contribuer au renouvellement du public de la musique classique. Nous souhaitons proposer des spectacles moins stéréotypés et avec des programmes moins académiques : y aura des concerts commentés, d’autres associant la musique à d’autres arts comme le théâtre et la danse, ou encore à des dégustation de vins…
Il y aura aussi des mises en scène avec des petites effectifs pour pouvoir amèner l’opéra dans tous ces lieux où il reste inaccessible : nous avons à notre répertoire un programme avec seulement neuf instrumentistes qui rend donc ce répertoire tout à fait adapté aux petits espaces.
Votre ensemble est en effet très versatile…
Oui, il est très important pour nous d’être flexible et de pouvoir jouer en différentes formations : ensemble à vents, quintette à cordes, octuor ou encore avec quarante instrumentistes dans la fosse.
Que détermine le choix des programmes ?
Les choix se font de manière très naturelle : il y a des propositions qui viennent des musiciens, qui sont une force vive, des projets que j’ai envie de réaliser depuis longtemps et des opportunités qui se présentent à nous.
Parmi vos programmes, vous proposez une adaptation du Ring de Wagner pour le jeune public. Comment adapter un opéra aussi complexe pour ce type d’auditeurs ?
Chez Wagner, il y a des éléments féeriques qui peuvent tout à fait fasciner les enfants : sur scène, on retrouve des personnages de fantaisie qu’il connaissent déjà, comme les géants et les nains, qui appartiennent également à l’univers des contes, proche de leur monde.
Concernant la transcription, même s’il s’agit d’une réduction pour petit orchestre, on garde le maximum d’expression grâce à une grande modernité d’écriture.
Vous avez déjà eu l’occasion de tester ce spectacle en 2012. Comment réagissent les enfants ?
Les enfants sont tout à fait admiratifs et « emballés ».
Est-ce qu’ils discutent avec les musiciens ?
Il y a tout un travail préparatoire qui est fait en amont. Au moment du spectacle, ils viennent juste y assister, tout comme les adultes.
Avez-vous des projets similaires ?
Nous avons des projets d’opéra en miniature : transcrits pour sextuor, pour quatuor ou pour vents, sans chanteurs mais avec un compteur qui raconte l’histoire. C’est une autre manière, tout aussi passionnante, d’aborder l’opéra.
Vous avez personnellement joué beaucoup de musique contemporaine et travaillé en collaboration avec des compositeurs tels que Philippe Hersant, Steve Reich, György Kurtág, Thomas Adès et Thierry Escaich. Envisagez-vous de continuer à jouer ce répertoire ? Ou peut-être de faire des commandes pour instruments anciens ?
C’est une dimension que je pourrais effectivement explorer dans le futur. Ce serait intéressant de mettre en rapport des œuvres baroques et contemporaines en trouvant une thématique appropriée.
Il est très fascinant pour le public de vous voir diriger au violon. Quelles sont les différences par rapport à la direction à la baguette?
Cela dépend de l’oeuvre : certaines n’ont pas besoin de chef, tandis que pour d’autres, plus complexes, c’est une nécessité. Dans les deux cas, les musiciens ne sont pas autonomes de la même manière :quand le chef joue aussi, ils sont beaucoup plus responsabilisés.
La période de répétition est cruciale car elle nous permet d’expérimenter des alternatives musicales et de définir les choix musicaux ainsi que l’orientation stylistique.
Quand je dirige Armida, mon rôle à la baguette est de donner confiance, de souligner les nuances et de compenser et stimuler l’énergie. Au violon, on est bien évidemment moins directif et moins présent, beaucoup de choses passent par le regard, les mains étant occupées !
Quels sont les prochains rendez-vous avec le Concert de la Loge Olympique ?
Nous allons continuer à nous produire avec Karina Gauvin, avec des chefs tels que Alain Altinoglu et René Jacobs, puis nous ferons une tournée avec un célèbre contre-ténor et des concerts avec Olivier Baumont.
En collaboration avec le Palazzetto Bru Zane, nous jouerons Phèdre de Lemoine : un opéra qui date d’avant la révolution française mis en scène par Marc Paquien, où nous serons seulement neuf instrumentistes.