Francesca Aspromonte dans Erismena de Francesco Cavalli mis en scène par Jean Bellorini au festival d'Aix-en-Provence 2017 © Pascal Victor / Artcompress
Francesca Aspromonte dans Erismena de Francesco Cavalli mis en scène par Jean Bellorini au festival d'Aix-en-Provence 2017 © Pascal Victor / Artcompress

Erismena : l’hymne à l’amour

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Quatre ans après le triomphe d’Elena, Cavalli est à nouveau à l’honneur au Festival d’Aix-en-Provence avec Erismena, un opéra baroque à l’esprit chevaleresque. Le chef Leonardo García Alarcón a préparé une nouvelle édition de la partition et s’appuie sur la mise en scène de Jean Bellorini pour faire redécouvrir au public une œuvre qui possède tous les ingrédients d’un succès assuré.

 

Le royaume de Médès est en guerre contre l’Arménie. C’est dans ce contexte qu’Erismena, fille cachée du roi Erimante, mais également sœur du roi d’Arménie, se travestit en soldat afin de retrouver son amant, Idraspe. Ce dernier, qui a choisi le nom d’Erineo, est amoureux d’Aldimira, une esclave promise à Erimante. Erismena, sous son déguisement, est recueillie par le prince Orimeno. Remise à la clémence du roi, elle se voit choisie par Aldimira pour être son futur mari. Il faudra beaucoup de courage et de persuasion pour que la joie succède aux larmes. L’histoire peut semble un peu complexe mais grâce au talent de Jean Bellorini, habitué à démêler les intrigues les plus alambiquées (il s’était attelé l’an dernier à Karamazov au Festival d’Avignon), tout s’éclaire et se fluidifie.

Jean Bellorini a choisi l’épuré pour ce bijou opératique. Le rideau se lève sur un décor minimaliste avec des accessoires répartis avec parcimonie afin de ne pas nous perdre dans les dédales d’un livret très riche. Misant sur une plaque quadrillée comme un grillage, servant tour à tour de plateforme ou d’obstacle, il dirige les interprètes avec fluidité et précision. De l’ouverture très chevaleresque au final joyeux, c’est toute une palette qui se déploie, tant vocalement que musicalement et visuellement. La théâtralité transparaît dans chaque scène, aussi bien par le jeu du travestissement que par l’extravagance de certains personnages comme Aldimira ou encore Alcesta dont le débit impressionne plus d’une fois. Moulé dans un tailleur rose bonbon, l’interprète n’est jamais grotesque ou ridicule et le metteur en scène veille à conserver en permanence un équilibre exemplaire.

De belles images s’animent sous nos yeux ébahis, comme la scène où les flocons de neige s’écrasent au sol dans des tourbillons tempétueux, soufflés par des ventilateurs accentuant l’aspect poétique de certains tableaux ; ou encore cette pyramide d’ampoules en verre de Murano, comme une arche de lumière pour éclairer les amours troubles des protagonistes puis tombant des cintres comme des lames sur un coeur affligé. La scène de reconnaissance qui précède le final est d’une profondeur incroyable et confère à l’ensemble une dimension sensible.
Du point de vue vocal, la jeunesse fait souffler un vent de fraîcheur, de sensualité et de passion frémissante sur le plateau intimiste.

Francesca Aspromonte fait des merveilles dans le rôle d’Erismena. La soprano s’investit pleinement, aussi bien sous son travestissement de soldat arménien que lorsqu’elle retrouve sa féminité. Elle donne le la à une distribution brillante et exceptionnelle qui contribue pleinement à l’enchantement de cet opéra. Susanna Hurrell est l’atout charme et légèreté avec sa vision d’Aldimira tandis que le ténor Stuart Jackson excelle dans le rôle de la Nourrice Alcesta. Dans l’excentricité sans pour autant verser dans l’excès, il a envoûté le public complice des traits comiques voulus par son personnage. Tai Oney est également remarquable dans le rôle de Clerio Moro et Alexander Miminoshvili impose une noblesse touchante au Roi Erimante, en contraste avec la belliqueuse Flerida de Lea Desandre.

Du côté de la fosse, réduite à onze musiciens, c’est un véritable régal. Le Théâtre du Jeu de Paume est l’écrin idéal pour cette œuvre intimiste et épurée. La Capelle Mediterranea est comme un personnage additif tant la communion est parfaite avec le plateau. Après avoir dirigé Eliogabalo en début de saison à l’Opéra national de Paris, Leonardo García Alarcón retrouve Cavalli et sa partition baroque qu’il sublime à nouveau pour notre plus grand plaisir. Sa direction est très habitée. L’acte III donne à entendre des sons plus métalliques mais d’une grande richesse. Finalement, Erismena c’est un peu une intrigue similaire à Don Giovanni, avec la poésie d’un amour courtois en complément. Une véritable découverte que nous espérons entendre à nouveau très prochainement.

 


Erismena
Dramma per musica en un prologue et trois actes
Livret : Aurelio Aureli
Direction musicale : Leonardo García Alarcón
Mise en scène : Jean Bellorini
Décors : Jean Bellorini et Véronique Chazal
Costumes : Macha Makeïeff
Durée : 2h40 avec entracte
Distribution :
Erismena : Francesca Aspromonte
Idraspe : Carlo Vistoli
Aldimira : Susanna Hurrell
Orimeno : Jakub Józef Orliński
Erimante : Alexander Miminoshvili
Flerida : Lea Desandre
Argippo : Andrea Bonsignore
Alcesta : Stuart Jackson
Clerio Moro : Tai Oney
Diarte : Jonathan Abernethy

Du 7 au 21 juillet 2017 à 20h00 au Théâtre du Jeu de Paume dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence
Retransmis en direct sur France Musique et sur Culturebox le 12 juillet 2017.

 

Professeur des écoles le jour, je cours les salles de Paris et d'ailleurs le soir afin de combiner ma passion pour le spectacle vivant et l'écriture, tout en trouvant très souvent refuge dans la musique classique. Tombée dans le théâtre dès mon plus jeune âge en parallèle de l'apprentissage du piano, c'est tout naturellement que je me suis tournée vers l'opéra. A travers mes chroniques, je souhaite partager mes émotions sans prétention mais toujours avec sensibilité.

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