Jusqu’au 29 janvier 2017, la Philharmonie de Paris lève le masque sur « Ludwig van » à travers plus de 250 œuvres sonores et visuelles, reliées au mythe beethovénien.
Un parcours sensoriel, témoin d’un héritage protéiforme exceptionnel, traduisant l’empreinte du musicien dans les consciences collectives.
Après David Bowie, Pierre Boulez et Marc Chagall, au tour de Beethoven d’être mis en lumière (et en musique *) par la Philharmonie de Paris. Et l’entrée en matière est plutôt réussie. On est saisi d’emblée par le mur d’écrans confirmant l’impact de Beethoven dans les médias : émissions de télé, caricatures, publicités… On l’a compris, Beethoven est encore une star omniprésente et bankable !
Pour cette exposition, les commissaires de l’évènement ont choisi de partir de la mort du compositeur en 1827, et de montrer l’onde sismique provoquée par le génie Beethov’ dans les arts, la politique, la religion… Tout en mettant en perspective passé et présent, mythe et réalité.
Le nombre de masques prélevés sur Beethoven à sa mort, et de son vivant, a de quoi surprendre ! En effet, ce visage austère et mystérieux n’a cessé d’inspirer pléthore d’artistes depuis près de deux siècles. L’incroyable vie posthume du musicien se poursuit aujourd’hui à travers les oeuvres de Warhol, Alexander, Baldessari (affiche de l’expo) et tant d’autres… Emile-Antoine Bourdelle réalisa quant à lui 80 sculptures du héros auquel il s’identifia. Il écrira : “…chaque cri de ce sourd qui entendait Dieu frappait directement mon âme.”
Toujours présente, sa musique reste bien vivante à l’instar de l’Omaggio de Nicolas Bacri ou la Dixième symphonie de Beethoven de Pierre Henry. L’occasion de souligner l’ingénieux parcours sonore proposé par l’exposition où se mêlent musiques et extraits littéraires lus par Thomas Morris.
Autre facteur qui a contribué au mythe : la surdité. Détectée peu avant ses trente ans, son infirmité, sujet de divagations par la suite, se dévoile notamment au fil d’échanges épistolaires et au moyen de carnets de conversations. A ce sujet, il est d’ailleurs intéressant de découvrir ce que pouvait ressentir Beethoven avec l’instrument solidien créé par Samuel Aden et baptisé Silence en mi majeur. En calant le visage sur des tiges en laiton, ce dispositif d’écoute par conduction osseuse nous permet d’entendre la Sonate pour piano opus 109 par la diffusion de vibrations dans notre squelette, arrivant ainsi jusqu’au nerf auditif sans passer par les oreilles. Bluffant !



Au gré d’un parcours – parfois peu éclairé – on (re)découvre les compositeurs ayant influencé sa musique et quelques anecdotes telles la véritable destinataire de la Lettre à Elise.
Plusieurs hypothèses ont été avancées sur son identité : si pour le musicologue Klaus Martin Kopitz il s’agirait de la chanteuse, et amie du compositeur, Elisabeth Röckel (1793–1883), surnommée “Elise”, pour son collègue Ludwig Nohl, qui avait découvert la partition en 1865, Beethoven aurait écrit plutôt “Thérèse”, en l’honneur de Thérèse Malfatti von Rohrenbach zu Dezza, qu’il demanda en mariage en 1810. Espoirs conjugaux anéantis par un douloureux refus…
Même la paternité beethovénienne de la Bagatelle en la mineur WoO 59 a été mise en doute. En 2010 le musicologue italien Luca Chiantore l’attribua à Ludwig Nohl mais, comme Alex Ross nous fait remarquer, s’il est vrai que la partition autographe n’a jamais été retrouvée, il existe tout de même des croquis très avancés. Comme l’affirme la musicologue Julia Ronge : “la mélodie la plus connue de Beethoven, qui a fait son entrée dans les sonneries de téléphonie mobile, repose encore sur des théories fragiles”.
Enfin, un endroit surprenant de l’exposition contribue volontiers à la sacralisation du mythe. On y trouve objets personnels (violon, cornets acoustiques…), mais aussi mèches de cheveux et autres reliques témoignant d’une dévotion encore bien prégnante. Il faut dire que la dépouille du musicien a déjà fait l’objet de deux exhumations ! La dernière, en 1888, a placé le musicien dans le bosquet d’honneur du cimetière central de Vienne.
Dans les desseins politiques aussi l’œuvre musicale de l’artiste a su se montrer fédératrice, toutes tendances politique confondues : L’Hymne à la joie en est le symbole.
De toute évidence, l’exposition « Ludwig van » donne à voir la pluralité de l’héritage Beethoven. En mettant en avant une surdité qui n’a fait qu’accroitre sa popularité, en exposant des objets personnels tels des reliques, en invitant l’art contemporain à dialoguer avec le mythe, la Philharmonie contribue à faire de Beethoven un “surhomme” et accroît indéniablement sa mythification. N’est-ce pas là un moyen d’attirer à la musique classique un nouveau public, plus réceptif au star system ?
* En marge de l’exposition, la Philharmonie de Paris propose une série de concerts sur le thème de Beethoven.
Philharmonie – espace d’exposition – 221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris
Du mardi au jeudi : 12h à 18h
Nocturnes le vendredi : 12h à 22h
Samedi et dimanche : 10h à 20h
Tarif: 10€
Informations pratiques : 01 44 84 44 84