Au moment de sa création en 1936 par Henry et Isabelle Goüin, la fondation Royaumont avait été imaginée comme un « foyer pour les artistes et les intellectuels ».
Cet esprit a été perpétré : tous les ans des artistes viennent en résidence à l’abbaye dans un des cinq programmes artistiques : la voix, les claviers, la musique contemporaine, les musiques transculturelles et la chorégraphie.
Grâce aux bourses de la fondation, les artistes peuvent s’offrir le « loisir de méditer – éventuellement de créer… » en ayant à disposition des formations professionnelles, des salles de répétition et un orgue exceptionnel.
Classé monument historique depuis 1989, l’orgue de Royaumont a une histoire toute singulière. Construit pour un usage privé dans la villa des Marracci en 1864, il fut installé à l’abbaye en 1936 par Henry Goüin et François Lang dans le but de le jouer en concert.
L’instrument, restauré il y a une dizaine d’années, est aujourd’hui utilisé par les jeunes organistes du CNSMD de Paris, sous la direction d’Olivier Latry et de Michel Bouvard, et par Louis-Noël Bestion de Camboulas, artiste en résidence jusqu’en 2017.



Mais un autre trésor se cache à Royaumont : la bibliothèque musicale François-Lang.
Ancien salon de musique, la bibliothèque tire son nom du frère d’Isabelle Goüin, pianiste et collectionneur, mort en déportation en 1944. Musicien renommé dans les années 1930, Lang accumula plus de 1300 pièces de collection, du XVe au XXe siècle. On y retrouve aujourd’hui 7000 titres, entre partitions manuscrites, gravées ou imprimées, ouvrages théoriques sur la musique et lettres autographes de Liszt, Berlioz et Debussy.
Créée en 1947, cette bibliothèque s’est depuis étoffée grâce aux dons de musicologues, de la Bibliothèque Nationale de France, de la Bibliothèque Royale de Belgique, de Patrick Florentin (grand collectionneur de Rameau) et du don posthume du liturgiste Jean Yves. Certains manuscrits de Claude Debussy, qui permettent de montrer les étapes du processus de création du compositeur (des esquisses jusqu’aux partitions annotées), sont également présents dans les rayonnages.



La bibliothèque musicale se veut vivante : non seulement elle continue de s’enrichir de nouveaux livres, mais elle est accessible aux chercheurs, aux musiciens et aux artistes en résidence, en tant que lieu d’étude, de répétition et d’enregistrement.
Cette année, sont en résidence à Royaumont Louis Noël Bestion de Camboulas sur l’orgue Cavaillé-Coll, Adrien La Marca à l’alto et le baryton Etienne Bazola, pour travailler sur les aspects plus chambristes de l’instrument avec des transcriptions d’œuvres de Fauré, Debussy, Pierné, Duparc, Liszt, Mendelssohn ou encore Wagner, sans oublier “Un bal”, tiré de la Symphonie fantastique de Berlioz, dont la bibliothèque musicale François-Lang possède un manuscrit autographe.
En résidence également, le compositeur Camel Zekri s’intéresse aux différents langages musicaux et aux rencontres entre la culture écrite occidentale et les chants polyphoniques pygmées.
La danse est aussi au cœur des projets du centre culturel avec le danseur, musicologue et violoniste Olivier Fourès qui, avec la complicité de la claveciniste Aline Zylberajch, réfléchit à l’aspect gestuel de la musique et n’hésite pas à s’improviser maître à danser, en jouant et dansant au même temps.
Le programme de ce festival est consacré au rôle de la musique à une époque où la migration des cultures provoque aussi celle des langages musicaux. Avec Interzone Extended de Serge Teyssot-Gay, le travail sur les rythmes de Keyvan Chemirani, la musique de Chypre au XVe siècle par l’ensemble Graindelavoix, les polyphonies méditerranéennes de Vox Luminis, les artistes cherchent à tisser des liens entre Orient et Occident.
Les créations qui naissent de ces points de rencontre entre ces musiques favorisent le décloisonnement des genres et des pratiques. C’est pour cela qu’à Royaumont la musique savante n’hésite pas à se mélanger au slam ; la parole poétique devient parole politique avec le conte dansé Jour de fête imaginé par le flûtiste Magic Malik.
La volonté d’Henry Goüin est donc perpétuée dans ce lieu de rencontre « où l’esprit et l’intelligence [sont] seuls pris en considération, nonobstant les différences de nationalité, de situation sociale, de discipline politique ou religieuse », comme il l’écrivait en 1955.
Un grand merci à Francis Maréchal, directeur général de la Fondation, Sylvie Brély, déléguée générale aux programmes artistiques, Justine Marin, chef jardinier-maraîcher, Thomas Vernet, responsable de la Bibliothèque musicale François-Lang, Nathalie Le Gonidec, responsable des archives, Frédéric Deval, directeur artistique du programme musiques transculturelles, Florence Petros, attaché de presse musique et danse, et à toute l’équipe de la Fondation Royaumont, pour leur accueil et leur disponibilité.
Merci également à Louis-Noël Bestion de Camboulas, Etienne Bazola, Arnaud Marzorati, Camel Zekri et Olivier Fourés, qui nous ont fait découvrir les coulisses de leurs créations.