A l’occasion du bicentenaire César Franck, l’Orchestre philharmonique royal de Liège a présenté Hulda en version de concert, dimanche 15 mai. Un opéra surprenant par sa qualité musicale et sa force dramatique, témoins de l’inspiration d’un compositeur pourtant peu reconnu pour ses ouvrages opératiques. A tort.
Hulda (1879-1885) ressuscite sur les terres natales de César Franck, à Liège, où le compositeur vécut ses plus jeunes années. Sa création eut lieu à Monte-Carlo en 1894 mais dans une version tronquée. En 1994, c’est à Londres que la version intégrale de l’ouvrage est donnée et, plus récemment, une version scénique à Fribourg a fait l’objet d’un enregistrement chez Naxos.
Cet opéra, qui en précède un autre, Ghiselle (1888-1890), n’a jamais été joué du vivant de César Franck. Il est tiré du drame “Hulda la boiteuse” du Norvégien Björnstjerne Björnson, adapté par Charles Grandmougin (auteur des poèmes de La Vierge de Massenet et du Tasse de Godard). On doit cette renaissance au travail méticuleux de l’équipe du Palazzetto Bru Zane et de son directeur artistique Alexandre Dratwicki.
Il est surtout question de vengeance dans cet ouvrage en quatre actes et un épilogue. Celle de Hulda face au clan Aslak.

800 pages, 3 000 mesures… cet opéra a de quoi donner du fil à retordre au jeune chef hongrois Gergely Madaras. Pour cette version de concert, les chanteurs sont placés de part et d’autre de son estrade, en avant-scène, et symbolisent ainsi les deux clans ennemis. Cette position inconfortable du point de vue des chanteurs, qui ne peuvent pas voir tout à fait la battue du chef, n’a pas nui à la qualité de leur prestation. Le Chœur de Chambre de Namur est relégué en fond de scène, en hauteur, tandis que l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège occupe le reste de l’espace.
Madaras a su trouver – tout en insufflant son énergie aux protagonistes – une ligne directrice claire qui souligne l’intensité musicale de l’oeuvre. Sans véritable référence musicale pour l’exécution de cet opéra, il a su doser avec habileté emportements impétueux et suavité des duos d’amour. Dès les premières mesures, le public a été saisi par le ton dramatique qui infusera tout l’opéra.
Avec 3h30 de concert pauses comprises, on pouvait craindre quelques longueurs, mais c’était sans compter sur l’inspiration de César Franck : trame dramatique mais entrecoupée de passages plus légers, instants voluptueux et délicats, musique de ballet, fins d’actes triomphants… Cet opéra a magnétisé l’assistance.

La soprano Jennifer Holloway campe une Hulda dramatique en proie à ses sentiments contradictoires. Sa voix puissante et franche assoit son aura. Elle incarne totalement le rôle par ses attitudes théâtrales. Les duos d’amour avec le ténor Edgaras Montvidas (Eiolf) – d’une grande noblesse – sont saisissants de lyrisme, tandis que le personnage de Swanhilde trouve en Judith van Wanroij une incarnation convaincante grâce à son timbre raffiné de soprano. On citera en outre le baryton Matthieu Lécroart, solide et captivant Gudleik.
Ce casting ad hoc est complété par l’éloquente Véronique Gens (Gudrun) dont les interventions restent rares. Il faut avouer que César Franck a accordé à la plupart des chanteurs des rôles mineurs, mais la qualité vocale était bien au rendez-vous, Alexandre Dratwicki a souhaité un niveau vocal élevé pour l’ensemble de la distribution. A l’instar de la voix ténébreuse de l’excellent Guilhem Worms (Thrond), les rôles plus modestes ont fait acte d’un véritable engagement.
Le Choeur de Chambre confirme sa place parmi les meilleures formations vocales actuelles. L’équilibre sonore entre les chanteurs et la qualité de la diction, la clarté de la projection, ont contribué au succès de cette partition.
Il sera possible de juger de l’intérêt de cet ouvrage lors d’une représentation le mercredi 1er juin à Paris (Théâtre des Champs-Élysées, dans le cadre du Festival du Palazetto Bru Zane). L’opéra fera également l’objet d’un livre-disque à paraître au printemps 2023.

Le synopsis
Alors que Hulda et sa mère attendent les hommes de la famille partis à la chasse, une sonnerie de cors précède une terrible nouvelle : les Aslaks ont tué les leurs.
Forcée de se marier avec Gudleik, le fils aîné d’Aslak, Hulda tombera finalement amoureuse de Eiolf, chevalier de la cour du Roi de Norvège. Afin de départager ses deux prétendants, l’héroïne leur lance alors un défi de taille : remporter un duel ! Eiolf le gagne en tuant Gudleik…
Puis, Hulda et Eiolf décident de partir pour l’Islande. Swanhilde, qui devait épouser Eiolf, ne se remet pas de cet affront et tente de le reconquérir. Ce dernier tombe de nouveau dans ses bras… Hulda décide alors de faire assassiner Eiolf par le clan Aslak.
Le lendemain, Hulda voit sa vengeance exécutée par les Aslaks. Eiolf meurt, tandis que l’héroine se jette dans la mer…