« Si le concert est un moment de partage avec le public,
c’est aussi entre les musiciens que se dessinent de belles interactions.
Il nous a semblé important de partager ces énergies avec ceux qui,
dans la salle, ne perçoivent qu’une partie de ces échanges ».
Pauline Buet
I Giardini nous a présenté son nouveau projet : “Au cœur du quatuor” un film en réalité virtuelle. Pas de salle de concert à l’horizon pour notre prochain morceau, il faudra en effet porter un casque de réalité virtuelle pour découvrir l’andante cantabile du Quatuor avec piano op. 47 de Robert Schumann…
Que se passe t-il entre les musiciens quand on assiste à un concert ?
Assis sur nos fauteuils, nous pouvons écouter, plus ou moins attentivement, la musique, regarder les artistes et leurs gestes. Les bons auditeurs peuvent aussi se concentrer sur l’écoute des différents instruments, à la fois en les isolant et en écoutant le rendu d’ensemble, mais malgré cela, il est impossible de se rendre compte de ce qui se passe véritablement sur scène. Nous ne pouvons pas écouter ce que les musiciens écoutent, ni encore moins éprouver leurs propres sensations.
Et si cela était enfin à notre portée ?
Tout a commencé quand le pianiste David Violi et la violoncelliste Pauline Buet, directeurs artistiques de I Giardini, ont fait la connaissance de Julien Guillaume, responsable innovation d’un grand groupe. Depuis quelque temps ce dernier s’interrogeait sur ce que le numérique aurait pu apporter au niveau des sensations à la musique classique, un domaine qui l’avait toujours passionné.
En partant du principe que pendant un concert, le public est coupé d’une certaine perception de la musique, celle plus subjective des musiciens, il a imaginé de combler cette lacune à travers l’utilisation de la réalité virtuelle.
Les trois ont ensuite décidé de travailler ensemble à un film montrant un quatuor en réalité virtuelle, film dont Julien est devenu producteur exécutif.
La start-up Digiworks a donc filmé David Violi (piano), Pauline Buet (violoncelle), Pierre Fouchenneret (violon) et Lea Hennino (alto), pendant qu’il jouaient l’andante cantabile du Quatuor avec piano op. 47 de Robert Schumann, avec un dispositif technologique innovant.
L’idée était également d’apporter une rupture technologique dans les médias avec lesquels les musiciens classiques ont l’habitude de travailler, souvent décalés par rapport aux autres genres musicaux, qui ont pris une longueur d’avance dans le marketing commercial.
Grâce à une vision à 360°, le film “Au cœur du quatuor” installe le spectateur au plus près des musiciens, en lui donnant également la possibilité de choisir son point de vue, de naviguer librement d’un instrument à un autre et ainsi de vivre l’expérience comme chacun des musiciens, en se mettant à leur place.
Dans cette expérience interactive, avec un simple click, l’utilisateur peut se placer cœur du quatuor ou se mettre dans la peau d’un des musiciens. Grâce à la réalité virtuelle et au son spatialisé, il peut comprendre plus précisément ce qui se passe sur scène, se rendre compte des échanges entre les interprètes, partager leurs sensations et percevoir l’énergie qui se déploie.
Ainsi immergé dans le quatuor, le spectateur va au-delà de l’expérience auditive et visuelle et découvre aussi la dimension physique de la performance artistique, dans un véritable voyage sensoriel.
Le plus fascinant dans cette technologie c’est qu’elle change réellement l’expérience du concert car l’utilisateur prend désormais conscience non seulement de ce qui se passe sur scène, mais aussi du fait que ce qu’il entend en tant que spectateur se base entièrement sur la confiance mutuelle entre interprètes, car aucun d’entre eux n’entend jamais la musique dans sa globalité.
« A la frontière du concert classique, de l’image animée, mais aussi de la sculpture, par sa dimension presque palpable et son rapport à l’espace et au volume, la réalité virtuelle permet de proposer une expérience qui valorise la musique et les musiciens comme jamais dans un dispositif média » nous explique Pauline Buet.



Soutenu par l’ADAMI et par la Fondation Royaumont — qui, grâce à Sylvie Brély, directrice du Programme Claviers, a mis à disposition le grand comble de l’abbaye pour y enregistrer le film le 15 mai 2017 — ce projet qui marie innovation et culture, est également le moyen d’attirer de nouveaux publics à la musique classique.
“Nous avions envie de casser la distance entre le public et nous” nous dit David Violi, “mais aussi d’aller chercher les gens qui autrement n’auraient pas de contact avec ce genre de musique, comme les jeunes”.
C’est donc pour cela que I Giardini et Digiworks ont décidé de présenter ce film à Viva Technology Paris, un des principaux rendez-vous mondiaux de l’innovation et du numérique, qui se tient au Parc des expositions de la porte de Versailles.
Ouvert au grand public le samedi 17 juin, les mélomanes et les passionnés de technologie pourront découvrir en avant-première mondiale le dispositif interactif et rencontrer les artistes, afin d’expérimenter la musique classique sous un nouveau jour.
Ce que I Giardini cherche à faire à travers l’utilisation de la réalité virtuelle n’est pas un simple effet cosmétique, comme nous le précise Julien Guillaume, mais “vient renforcer l’expérience et l’émotion et permet un nouveau dialogue avec le public.”
L’aspect pédagogique de « Au cœur du quatuor » est indéniable, car d’un côté il permet de percevoir les subtilités de l’écriture musicale (notamment les contrechants), mais d’un autre côté il fait découvrir l’aspect ludique et immersif, qui peut attirer plus facilement l’attention des jeunes publics.
“Le dispositif étant portable et plutôt accessible” nous dit Pauline Buet, “nous avons le projet de mettre en place des dispositifs éducatifs dans des lycées, tout comme dans les festivals”.
Mais qui sont I Giardini ? Qui sont ces musiciens classiques qui n’ont pas peur de sortir de l’univers qui leur est familier et de s’investir dans des projets innovants ?
Créé en 2012 sous forme de quatuor, I Giardini est aujourd’hui un ensemble à géométrie variable, qui fonctionne sous l’impulsion des directeurs artistiques Pauline Buet et David Violi.
Cette “famille musicale” (comme aiment à l’appeler ses fondateurs) comprend aussi les violonistes Guillaume Chilemme, Pierre Fouchenneret et Liana Gourdjia, les altistes Hélène Maréchaux, Lea Heninno et Marie Chilemme, et la contrebassiste Laurène Durantel.
“Malgré des sensibilités très différentes”, nous expliquent Pauline Buet et David Violi “chaque membre de l’ensemble a son originalité. Il y a des passionnés de la transcription, des grands improvisateurs, des passionnés de baroque, de romantique ou encore du contemporain. Cela ouvre le champs du possible de manière très ample. C’est une sorte de pépinière”.
Après deux premiers projets avec le Palazzetto Bru Zane, “Au pays où se fait la guerre” avec Isabelle Druet, et “Il était une fois” avec Jodie Devos et Caroline Meng, ils exploreront l’univers du café concert, sur la base de textes grivois et de poésie érotique. Pour ce spectacle, qui s’appelera “Les fleurs du mâle”, ils seront accompagnés par deux chanteuses : Norma Nahoun et de Marie Gautrot. Mis en scène par Victoria Duhamel, il sera présenté à Venise le 28 novembre 2017, puis le 2 décembre à Berlin, et fera ensuite l’objet d’un enregistrement.
En attendant de retrouver I Giardini sur scène, rendez-vous donc au Salon VivaTechnology du 15 au 17 juin, au Parc des expositions de la porte de Versailles. Venez vivre une expérience comme on ne pourrait jamais en faire pendant un concert !