Au festival d’Ambronay vous avez celebré le 300e anniversaire de la naissance de Niccolò Jommelli en jouant son Beatus Vir, suivi du Dixit Dominus de Händel.
Comment avez-vous choisi et associé ces deux oeuvres ?
Ces deux Psaumes, separés par un demi-siècle, ont un lien qui leur vient de la ville de Rome, en passant par Bologne.
Pendant ses années de voyage en Italie, Händel a eu l’occasion de rencontrer ou, au moins, d’entendre le répertoire de plusieurs compositeurs, dont Giacomo Antonio Perti qui était maître de Chapelle à Bologne.
Prospero Lambertini, Archevêque de Bologne et homme de grande ouverture d’esprit, se retrouve avec Perti pour discuter de la nécessité de reformer la musique sacrée.
Si le style de l’Église devait être différent de celui des rues et des palais, il devait tout de même se baser sur les moyens de l’époque, tout en mettant en valeur le texte, dans l’esprit de l’idéal de la renaissance.
Plus tard Lambertini devient Pape Benoit XIV. En préparation du Jubilée de 1750, il écrit l’encyclique Annus Qui Hunc dans laquelle il ouvre la musique sur la modernité : l’accompagnement par des violons est accepté et même la jubilation, en tant qu’élèvation vers Dieu.
Il fait ensuite un concours pour le Maître de Chapelle de Saint-Pierre et deux compositeurs se présentent : Davide Perez et Niccolò Jommelli.
Les deux candidats ne peuvaient être plus différents : Perez aimait la musique sacrée et était un champion du stile antico tandis que Jommelli préférait l’opéra et en était le compositeur le plus renommé et payé d’Europe. Pour faire son choix le Pape demande un Miserere et, dans le scandale général, c’est Jommelli qui obtient le poste, ainsi que celui de la paroisse catholique allemande de Sainte-Marie de l’Âme.
Si au Vatican Jommelli est obligé d’écrire dans le style de Saint-Pierre – pour 4 voix et un orgue – à Sainte-Marie de l’Âme il peut vraiment s’exprimer et c’est là qu’il compose le Beatus Vir. Dans cette oeuvre on voit un langage moderne, très virtueux qui a intégré la musique profane tout en gardant l’esprit du texte.
Le Dixit Dominus, achevé par Händel à Rome en 1707 à l’occasion des fêtes de la Madonna del Carmelo, n’a pas les mêmes contraintes mais arrive tout de même à mettre en valeur le texte. Malgré son jeune âge, le compositeur a réussi à créer un morceau virtueux et savant où on sent vraiment la terreur et effroi, comme sur les mots “conquassabit capita” (il brise les têtes) dans le Dominus a dextris tuis.
Dans ce programme nous avons souhaité montrer la beauté de l’écriture de Jommelli en la comparant à l’oeuvre de Händel, de 44 ans plus vieille, mais moins rigoureuse et plus théâtrale.
Le Ghislieri Choir & Consort est en résidence au Collegio Ghislieri à Pavia en Italie. Parlez-nous de ce centre culturel.
Il s’agit d’un collège au sens italien du terme, ce sont des études universitaires très réputées auxqules on accède par concours international.
C’est un centre culturel de rencontre, même s’il n’a pas de label comme Ambronay, avec des étudiants provenants de contextes géographiques et économiques très différents. Il organise des conférences, des congrès et des tables rondes.
En 2003 le collège a intégré la musique dans le monde universitaire et nous a permis de développer l’ensemble. C’est un centre d’échange et développement culturel très ouvert à l’intérnational, qui en novembre hébergera le meeting du REMA, le Réseau Européen de Musique Ancienne.
Quels sont vos prochains projets?
Nous allons ouvrir le Festival de Göttingen et faire une tournée dans des festivals en France en 2015. Puis nous envisageons un CD sur Salieri, un compositeur extraordinaire qui a malheureusement eu de la “mauvaise presse” et une reconstitution de la célébration de la victoire de l’Empereur contre les Ottomans dans la Hofkapelle (Chapelle impériale de Vienne).
Pour finir, en 2016 nous avons un projet sur Mozart : sa musique sacrée et ses rapports avec l’Italie.