Salome Jordania © Matthew Quigley
Salome Jordania © Matthew Quigley

Le Festival Piano aux Jacobins : Salome Jordania et la musique française

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Invitée pour la première fois l’an dernier à Piano aux Jacobins, Salome Jordania revient dans un programme, spécialement conçu pour le festival, autour de la musique française qui fait redécouvrir des raretés de Godard ou Bonis, avec le soutien du Palazzetto Bru Zane.

Depuis ses débuts, le Festival Piano aux Jacobins s’attache, sous l’impulsion de sa directrice artistique Catherine d’Argoubet, à faire partager en primeur avec son public des talents – souvent jeunes mais pas exclusivement – inconnus ou méconnus en France. Ainsi en est-il de la Géorgienne Salome Jordania qui, pour sa deuxième venue au Cloître des Jacobins, a concocté un programme autour de la musique française.

Placée sous le signe du voyage, la première partie décline quelques cartes postales de Debussy. Extrait du Premier Livre des Préludes, Les Collines d’Anacapri résument cet art de l’évocation imaginaire. Le jeu texturé de la soliste donne aux chatoiements lumineux une densité ouatée empreinte d’une poésie onirique que l’on retrouve dans les miniatures d’Estampes, à l’exemple des Pagodes baignant dans un exotisme cotonneux, ou d’une Soirée dans Grenade où la pulsation de guitare hispanique se fond dans la palette charnue du clavier. Affranchie de la rigueur ethnographique, la Tarentelle styrienne complète cet album d’impressions dépeintes avec un pinceau généreux mais jamais inutilement alourdi.

Salome Jordania ©Matthew Quigley

Le soin apporté au façonnement du son, auquel le public ne manque pas d’être sensible, se confirme dans la Sonate n°3 en si mineur op. 58 de Chopin. A rebours des lectures qui favorisent l’élégance déliée, presque mondaine, du phrasé, son approche investit davantage l’intériorité du timbre pianistique. L’Allegro initial, et plus encore le Scherzo, résonnent ainsi avec une certaine réserve. La cantilène du Largo est imprégnée d’une évidente sincérité dans l’expression qui s’épanouit dans un finale résolument ancré dans la vibration de l’instrument.

La seconde partie du concert – donné sans entracte – justifie le soutien du Palazzetto Bru Zane au concert, avec la mise en avant de deux figures oubliées de la musique française. La Barcarolle en si bémol majeur n°3 op. 105 de Godard offre un éclairage suffisant sur un musicien qui a assimilé les tournures du pittoresque romantique. La personnalité de Mel Bonis affleure plus nettement dans les trois vignettes tirées du cycles Femmes de légende, esquissant en quelques mélodies la psychologie de Desdémone ou Phoebe, avec une empathie attachante et une belle pureté de sentiment. Enfin, dans la Valse de Ravel, Salome Jordania magnifie le tourbillon de la danse émergeant de la pâte du clavier qu’elle fait rayonner, dans une coloration quasi symphonique. La valse schubertienne a l’allure d’un clin au maître français qui lui avait rendu hommage dans les Valses nobles et sentimentales, avant le sourire d’un avatar chopinien du même rythme ternaire. Le programme sera redonné le 17 octobre prochain dans le cadre du Festival Bru Zane à Venise.

Gilles Charlassier

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