Parsifal
Parsifal © Enrico Nawrath

Parsifal en quête de vérité au Festival de Bayreuth

3 minutes de lecture

Le Festival de Bayreuth a repris cette année la production de Parsifal créée en 2016 par le metteur en scène Uwe Eric Laufenberg.

L’action de ce Parsifal bayreuthien est déplacée à l’époque contemporaine, dans une église isolée au Moyen-Orient. Rapidement émerge la question de la quête de la « vraie religion ». Klingsor oscille entre la prière musulmane et un cabinet rempli de crucifix. Les Filles-Fleurs arrivent en tentatrice voilées avant de révéler des atours orientaux évoquant la sensualité d’un harem. Lors du dernier acte, l’église semble en ruines et envahie par une végétation abondante qui se transforme bientôt en Eden primitif. Kundry est alors devenue une très vieille femme et Gurnemanz ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Les religions se sont diversifiées et la communauté apparaît comme tiraillée entre les trois religions monothéistes, mais également une certaine forme de paganisme hindou ou tibétain. La cérémonie final du Vendredi Saint devient alors l’occasion pour ces religions de converger en disparaissant. Le décor s’évapore. Il ne reste plus que le chœur. Et comme dernier symbole fort, les lumières de la salle se rallument pendant les derniers accords, incluant ainsi l’ensemble du public dans cette nouvelle communauté unifiée.

 

Quelques poncifs de mise en scène

Certaines images de cette production sont aussi déroutantes que puissantes, comme cette analogie appuyée entre le Christ et Amfortas qui revit chaque étape de la Passion, ou l’évocation en flash-back de l’histoire du même Amfortas lorsque, séduit par Kundry, il se fait blesser au flanc. Plus agaçantes en revanche sont ces quelques facilités scéniques qui ressemblent trop à des poncifs : l’enfant qui tombe inanimé dans l’Eglise au moment de la mort du cygne, les inévitables militaires en treillis, un usage de la vidéo qui ne semble servir qu’à masquer un bref changement de décor tout en tentant maladroitement de poser des problématiques vaguement philosophiques (qu’est-on face à l’immensité de l’univers ?). On avoue enfin ne pas avoir saisi le sens de ces silhouettes inanimées présentes au-dessus du cadre de scène, d’un bout à l’autre de l’ouvrage.

 

Un casting excellent

La distribution est dominée par le merveilleux Gurnemanz de Günther Groissböck. Chacun de ses monologues est une véritable leçon de déclamation où la force des mots se fond miraculeusement dans la ligne musicale. Andreas Schager chante Parsifal avec une telle intensité qu’on frôle souvent l’excès et le surjeu. Mais la voix est tout de même assez superbe et la projection extrêmement bien contrôlée. Ryan McKinny, en dépit de quelques défauts d’intelligibilité du texte, est un Amfortas poignant. Après l’avoir entendue la veille dans Ortrud, on retrouve Elena Pankratova dans le rôle Kundry. L’ambitus très large du rôle ne lui pose aucun problème et la voix reste très homogène sur toute la tessiture. Son récit du deuxième acte est palpitant jusqu’à ce « lachte » qui résonne avec une telle puissance que la vibration semble se prolonger pendant tout le silence qui suit. Au dernier acte, défi plus scénique que vocal en ce qui concerne Kundry, on n’a d’yeux que pour cette pécheresse repentante, abîmée par les années et par la culpabilité. Une interprétation magnifique de bout en bout. Derek Welton, en Klingsor, complète impeccablement ce casting.

La beauté générale du plateau vocal est accrue par l’effectif choral, absolument magistral, dont chaque intervention nous a tiré les larmes. La réussite de cette soirée est parachevée par la direction simplement brillante de Semyon Bychkov qui obtient de l’orchestre des colorations d’une beauté incomparable.


Parsifal
Festival scénique sacré en 3 actes de Richard Wagner
Créé en 1882 à Bayreuth, sur un livret de Richard Wagner

Amfortas : Ryan McKinny
Titurel : Wilhelm Schwinghammer
Gurnemanz : Günther Groissböck
Parsifal : Andreas Schager
Klingsor : Derek Welton
Kundry : Elena Pankratova
1. Gralsritter : Martin Homrich
2. Gralsritter : Timo Riihonen
1. Knappe : Alexandra Steiner
2. Knappe : Mareike Morr
3. Knappe : Paul Kaufmann
4. Knappe : Stefan Heibach
Klingsors Zaubermädchen : Katharina Konradi, Ji Yoon, Mareike Morr, Alexandra Steiner, Bele Kumberger, Marie Henriette Reinhold
Altsolo : Simone Schröder

Chœurs et Orchestre du Festival de Bayreuth
Direction : Semyon Bychkov

Mise en scène : Uwe Eric Laufenberg
Scénographie : Gisbert Jäkel
Costumes : Jessica Karge
Lumières : Reinhard Traub
Vidéo : Gérard Naziri
Dramaturgie : Richard Lorber

Palais des Festivals de Bayreuth, 30 juillet 2019

Biberonné à la musique classique dès le plus jeune âge, j’ai découvert l’opéra à l’adolescence. En véritable boulimique passionné, je remplis mon agenda de (trop) nombreux spectacles, tout en essayant de continuer à pratiquer le piano (en amateur). Pour paraphraser Chaplin : « Une journée sans musique est une journée perdue »

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