Axia Marinescu a deux passions, la danse et la musique, et trouve, pour son projet discographique, une thématique qui lui ressemble. La pianiste nous raconte son dernier album « Les femmes dansent ».
Clara Haskil, Dinu Lipatti, Radu Lupu, le chef d’orchestre Sergiu Celibidache et George Enescu… Avec tout ce que les éminents artistes ont laissé derrière eux, la Roumanie est un pays qui a un bel héritage dans l’histoire de la musique. Vous y avez été formée d’abord. Parlez-nous de votre parcours.
Après mon enfance en Roumanie, jusqu’à l’âge de 16 ans, je suis allée à Lausanne d’abord et ensuite à Genève pour mes études. A Paris, j’ai étudié à l’École Normale de Musique et ai obtenu une licence de philosophie à la Sorbonne. Tout en étant basée à Paris j’ai fait un master au Conservatoire Royal de Bruxelles.
La Roumanie des années 2000 était encore dans une situation difficile ; même au conservatoire l’état du piano était loin d’être satisfaisant. Il manquait des touches…etc. Il fallait savoir maîtriser le piano dans n’importe quelle situation et surmonter des difficultés. C’était une bonne école finalement.
Comment cette idée de recherche de musique de danse par les compositrices est-elle venue ?
La pandémie m’a facilité le chemin de ce nouveau projet. Danse et musique ce sont mes deux passions. Je pratique de la danse depuis mon enfance ; danse classique et danse de salon, spécialement le tango. Je pensais que ce serait une jolie idée de tracer l’itinéraire de la danse et de la musique depuis sa naissance au baroque à nos jours. En cherchant des partitions je suis tombée sur quelques femmes compositrices, me suis dit que ce serait intéressant de mener un travail de recherche de compositrices. J’ai donc décidé d’aller plus loin, en quête de manuscrits et de partitions à la bibliothèque. Le projet est aussi une occasion de faire découvrir au public les morceaux qui n’ont pas été enregistrés ou qui n’ont même pas été édités.
Je pensais que ce serait une jolie idée de tracer l’itinéraire de la danse et de la musique depuis sa naissance au baroque à nos jours.
C’était une tâche difficile parce qu’on avait ce thème de la danse. Il n’était pas simple de trouver des morceaux de danse dans le répertoire de ces compositrices. Ça nous a limité par rapport au choix des pièces. C’est pour cela que dans le programme il n y a pas de morceaux du 18e, l’époque où la musique instrumentale, notamment le genre sonate, primait avant tout.

Dans chaque pièce vous incarnez le personnage qui est celui de la compositrice. Était-ce aussi une manière pour vous de dresser votre propre portrait ?
C’est vrai effectivement… Aussi, j’ai toujours eu une conviction : la danse et la musique ont beaucoup de choses en commun : mobilité, fragilité et expression dans le temps.
Qu’est-ce qu’il y a de plus dans la musique de danse écrite par les compositrices que dans celle écrite par les auteurs masculins ?
Je ne voudrais pas faire de discrimination entre les créateurs. Pour moi il n’y a pas de compositeurs hommes d’un côté, des compositrices femmes de l’autre côté. On a la même qualité d’inspiration, la même qualité d’expressivité, du sens de l’harmonie, de la forme, des couleurs… On trouve le même niveau de maîtrise du langage musical autant chez les femmes que chez les hommes. Je ne voudrais pas non plus tomber dans une démarche féministe extrémiste. On peut apprécier la qualité qu’elle soit masculine ou féminine.
Si on faisait un parallèle ? Citons Cécile Chaminade, vous la compareriez à quel compositeur masculin ?
Bizet l’appelait mon petit Mozart. Il estimait qu’elle avait des qualités d’improvisations remarquables. En tant que pianiste virtuose elle avait fait une carrière impressionnante qui se déployait même dans la cour royal. Elle était prolifique dans sa création et a écrit pour différentes formations ; œuvres symphoniques, musique de chambre, piano solo… dans ce sens elle ressemblait à Mozart.
Aussi, chez Mel Bonnis, on entend sa vie dans sa musique.
Mel Bonnis est l’une des plus talentueuses. Sa musique est inspirée, profonde, mystique, spirituelle et innovante.
Vous échangez avec le public par vos masterclass et conférences. Quels sont les sujets de vos conférences ?
J’aime beaucoup communiquer avec le public. Au Festival Piano aux Jacobins, j’ai donné un récital précédé d’une conférence musicale. En Chine aussi j’ai fait la même chose.
Les deux axes de mes études étaient l’esthétique et la philosophie antique. La philosophie est une forme de beauté de la pensée, donc c’est de l’art. La philosophie antique mène une réflexion sur l‘art et la beauté.
Dans vos conférences, il s’agit d’une réflexion croisée entre la musique et la philosophie ?
J’essaie de croiser les sujets entre musique et philosophie. Il me semble indispensable de lier les deux.
Quant à l’esthétique, elle est une discipline relativement nouvelle car sa naissance date du 18e siècle. Je trouve qu’elle est importante quand on est artiste. Ça donne une dimension profonde à notre travail. Ça permet d’intégrer la beauté dans notre activité artistique et de mettre plus de vérité dans la vie.
Site de l’artiste http://www.axiamarinescu.com